Le magazine New Scientist, qui vient de publier un article de synthèse à ce sujet, estime que l'influence des ondes gravitationnelles pourrait être trouvé dans les enregistrements du rayonnement des pulsars radio. Vladimir Lipounov, le célèbre astrophysicien et professeur à l’Université d’Etat de Moscou a donné la vision des chercheurs russes sur ce thème. Son article Le ciel des ondes gravitationnelles est très populaire sur Internet.
La Voix de la Russie : Racontez-nous ce que sont les ondes gravitationnelles ?
Vladimir Lipounov : Les ondes gravitationnelles ont été découvertes en théorie par Einstein. Il les a calculés dans ses équations sur la relativité générale, et ces équations concernent les ondes qui se propagent librement. En d’autres termes, les ondes gravitationnelles sont émises par un corps de forme irrégulière, qui tourne autour de lui-même ou se déplace rapidement. En bougeant de la main, vous émettez une vague gravitationnelle, même si elle est très faible. Il s’agit de ce genre d'ondulations de l'espace-temps, mais qui se déplace à la vitesse de la lumière. Les ondes électromagnétiques agissent sur les charges gravitationnelles, sur n'importe quel poids. Quand une telle onde passe, la distance entre deux points commence à changer en fonction de son rythme. Ces vagues ne sont pas absorbées, à la différence de la lumière. La lumière passe à travers l'Univers seulement à partir d’un certain moment. L’âge de l'Univers est de 13 milliards d'années. 300 000 années après sa création, il est devenu transparent. La lumière des périodes antérieures, de l’Univers ne parvient pas jusqu’à nous. Quant aux ondes gravitationnelles, elles pourront parvenir jusqu’à nous. Cela donnera la possibilité aux physiciens d’observer l’acte même de la création de l’Univers.
LVdlR : Autrement dit, ce sont des ondes qui sont émises lorsqu’un corps tourne autour d’un autre ?
V.L. : Oui, notamment. Mais ce n’est pas le seul critère. Le corps doit être asymétrique, il doit être de forme irrégulière. Les émetteurs parfaits sont des étoiles doubles ou des objets doubles. L'émetteur idéal ce sont des trous noirs binaires.
LVdlR : Pourquoi alors ces vagues n’ont pas pu être découvertes pendant plusieurs décennies ?
V.L. : Nous n’avons toujours pas réalisé de détection directe des ondes gravitationnelles. Leur détection indirecte a été réalisée il y a 20 ans, lorsque les chercheurs observaient les pulsars, et il s’est avéré qu’un système composé de deux étoiles à neutrons perd leur énergie d’après la loi définie par Einstein. Pourquoi nous n’avons toujours pas de preuves directes ? Parce que l'interaction de ces ondes avec la matière est très faible.
LVdlR : Mais il y a des preuves indirectes – notamment lorsque la distance entre une paire d'étoiles en rotation rapide diminue ?
V.L. : Oui. Par exemple le cas d’un pulsar double. Le prix Nobel a été remis pour la mesure de ce pulsar, ce qui est une preuve indirecte de l’existence de ces ondes gravitationnelles. Mais tout le monde attend la détection directe. Des antennes d’ondes gravitationnelles en Amérique et en Europe ont été construites. Mais pour attraper une vague de l'espace, il faut mesurer la distance qui est plus petite que le noyau d'un atome. C’est une tâche très difficile. Ces projets n'ont pas encore réussi.
LVdlR : Comment les experts de l’Université Princeton pensent-ils détecter ces ondes ?
V.L. : Nous avons parlé des pulsars radio. Leurs pulsions sont tellement stables qu’ils peuvent dépasser les horloges par leur période de précision. Dans ce cas, on reçoit des pulsars de rayonnement et on mesure la période. Si une vague gravitationnelle va dans le même sens, la période du pulsar va changer. Les ondes gravitationnelles les plus puissantes de l'univers sont émises lors des collisions des trous noirs supermassifs avec une masse d’un milliard de masses solaires. Nous pensions que les galaxies avec des trous noirs supermassifs se heurtent moins souvent. L'article auquel New Scientist fait référence explique que la probabilité de tels événements dans l'univers a augmenté de 6 fois. Cela apporte de l'optimisme : la probabilité d’observer des traces d’ondes gravitationnelles augmente de 6 fois grâce à l’observation du pulsar. J'ai une remarque critique à faire. Il s’agira à nouveau d’une détection indirecte des ondes gravitationnelles. C’est la méthode de détection directe qui est plus importante. J’espère que nous l’obtiendrons après la modernisation des détecteurs de surface.
LVdlR : Pensez-vous que les détecteurs terrestres sont nécessaires ?
V.L. : Evidemment. Nous pensions que nous détecterons bientôt ces ondes, mais il s'est avéré que les choses ne sont pas aussi faciles. Je suis sûr que lorsque la deuxième génération de ces appareils sera mise en service, nous allons faire cette découverte remarquable. Si nous acceptons des ondes gravitationnelles provenant de deux trous noirs, nous prouverons l'existence des vagues, et des trous noirs dans la nature. Ce sera un double prix Nobel.
LVdlR : Selon vous, quand est-ce que la détection directe de ces ondes pourra avoir lieu ?
V.L. : Nous espérions que cela aura lieu au début du 21ème siècle. Mais des difficultés sont survenues, ce signal était étouffé. J'espère que d’ici à 2020, tout réussira. Peut-être qu’il nous faudra encore 5 à 7 ans.
LVdlR : Ces vagues s'intégreront dans la théorie du champ, qui n’a pas encore été créée ?
V.L. : Ces ondes s’apparentent à la théorie classique de la relativité. Ils ne sont qu’une confirmation de plus de la théorie d'Einstein. /L