Précisons toutefois que l’acte Magnitski est dans une grande mesure une concession des autorités à une partie de l’élite américaine, estime le politologue Maxime Grigoriev. Ce document n’est pas seulement une construction juridique montée de toutes pièces, c’est aussi une ingérence directe dans les affaires intérieure de la Russie, a souligné Maxime Grigoriev dans un entretien accordé à La Voix de la Russie.
« On pourrait incriminer aux États-Unis bien plus de violations évidentes des droits de l’homme qu’ils seront incapables de réfuter. Les États-Unis s’offusqueraient certainement si on leur présentait une « liste Guantanamo » comme pendant de la « liste Magnitski », interdisant d'entrée en Russie tous les officiels américains impliqués dans les tortures, les enlèvements de personnes et leur détention dans la prison de Guantanamo, ainsi que les prisons secrètes de la CIA ».
On sait qu’après la tragédie du 11 septembre les autorités américaines ont adopté la conception des frappes préventives contre les organisations et les groupements terroristes en Afghanistan. En même temps, les services spéciaux américains ont entrepris de traquer les terroristes et leurs complices aux quatre coins du monde. L’arrestation de tout criminel doit être précédée des procédures juridiques nécessaires, à savoir l’instruction et l’intervention du procureur qui délivre le mandat d’arrêt. Les Américains ont décidé que puisqu’ils luttaient contre des terroristes et non pas des criminels de droit commun, ils pouvaient se passer de toutes ces formalités. Les services spéciaux attrapaient et enlevaient à travers le monde les terroristes présumés et les envoyaient ensuite par paquets dans les prisons secrètes de la CIA aux fin d’enquête. Le schéma a été mis à jour non sans l'aide des journalistes américains. En 2006 le président George Bush junior a dû reconnaître l’existence des prisons secrètes. En 2009, le président Obama a donné l’ordre de les fermer, mais on soupçonne que certaines d’entre elles fonctionnent toujours.
Les tortures, les extraditions arbitraires et la détention sans fondements juridiques sont illégales selon toutes les règles et toutes les conventions internationales. On peut s’indigner à loisir du comportement des États-Unis mais rien ne changera du moment que ce pays s’est dès le début réclamé de son droit d'exclusivité, note Viatcheslav Nikonov, vice-président du Comité des affaires internationales de la Douma.
« L’exclusivité américaine prenait sa source dans la mission particulière dont les États-Unis se croyaient investis comme porteurs des idéaux de la liberté et de la prospérité. De plus, ils n’ont jamais placé le droit international au-dessus de leur droit national. De toute façon, cette idée qui est, par exemple, consacrée dans la Constitution russe, à savoir que les normes du droit internationales priment sur le droit national, n’a jamais été répandue aux États-Unis. Jamais ils ne permettront d’étendre les décisions du Tribunal de Haye ou de la Cour des droits de l’homme aux citoyens américains, surtout aux militaires. L’Amérique ne se soumettra jamais à l’autorité d’aucune institution internationale multilatérale ».
Les États-Unis partent aujourd’hui du droit du plus fort, et c’est pour cette raison qu’ils ont assorti la lutte contre le terrorisme de traditions anciennes datant de la Guerre de sécession et de l’époque de la conquête du Far West. C’est la loi de Lynch, c'est-à-dire la justice sommaire qui se passe de preuves, d’avocats et de jurés et se fonde sur la décision prise par le magistrat ou le sheriff. Rien ne peut changer ce modèle de comportement du gouvernement américain, sauf l’affaiblissement global du pays. T