La prise de pouvoir par Morsi provoque des violences en Egypte

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La déclaration constitutionnelle très controversée publiée jeudi par le président islamiste Mohamed Morsi élargit considérablement ses pouvoirs.

La déclaration constitutionnelle très controversée publiée jeudi par le président islamiste Mohamed Morsi élargit considérablement ses pouvoirs. Elle a provoqué la polarisation du pays et a plongé l'Egypte dans un chaos politique et économique encore plus profond.

Conformément à ce nouveau décret présidentiel, Morsi se retrouve hors de tout contrôle judiciaire. Le texte interdit également la dissolution de l'assemblée constituante - que composent 100 membres de l'organisme chargé d'élaborer la nouvelle constitution du pays - et de la Choura, le conseil consultatif. Par ailleurs, le décret autorise Morsi à démettre de ses fonctions Abdel Meguid Mahmoud, le procureur général extrêmement impopulaire nommé par Hosni Moubarak, pour le remplacer par la juge Talaat Ibrahim Abdallah, à la tête du mouvement Indépendance du système judiciaire.

Les forces révolutionnaires et politiques se sont presque immédiatement unies pour condamner le décret. Certains ont même qualifié Morsi de "dictateur fasciste". Dimanche dernier, les affrontements entre partisans de Morsi - principalement les Frères musulmans - et leurs opposants duraient depuis trois jours déjà. Ces altercations ont coûté la vie à un homme à Damanhour, dans le delta du Nil.

Les deux camps se sont battus à coups de pierres et de cocktails Molotov. A Alexandrie, Port-Saïd, Ismaïlia et Suez, les QG du parti des Frères musulmans, Liberté et Justice, ont été pris d'assaut et brûlés.

La police a aspergé de gaz lacrymogène les manifestants qui avaient installé un campement sur la place Tahrir. Ces derniers ont annoncé qu'ils ne partiraient pas tant que Morsi ne renonçait pas à sa decision.

"Le président Morsi doit annuler sa décision car ce décret déstabilise le pays et pourrait être très lourd de conséquences", met en garde l'ancien député Amr Hamzaoui, professeur de politologie à l'Université américaine du Caire. Il faisait partie des milliers de manifestants qui étaient descendus dans la rue vendredi pour condamner ledit décret.

Le leader des réformateurs, Mohamed al-Baradei, qui s'était joint aux manifestants avec les anciens candidats à la présidentielle Amr Moussa et Hamdin Sabahi, a appelé les Egyptiens à "sauver l'Egypte de l'usurpation du pouvoir".

Le décret a été signé immédiatement après que Morsi a signé l'accord de cessez-le-feu entre la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, et Israël. Les observateurs pensent que le président égyptien s'est enhardi après l’éloge formulé par les puissances mondiales après son succès en tant que médiateur. Selon les observateurs, cette vague favorable l'aurait poussé à s'approprier de grands pouvoirs, qui le placeront au-dessus des lois.

En s'adressant à ses compatriotes rassemblés vendredi devant le palais d'Abbassia, Morsi a justifié sa décision en affirmant que cette mesure visait à "protéger la révolution" et qu'elle était "dans l'intérêt de tous les Egyptiens".

Il a pointé du doigt les juges qui, selon lui, tentent de saboter la transition et veulent maintenir le pays dans un chaos interminable. Morsi a ajouté que la population avait le droit de s’exprimer, si elle le faisait de manière pacifique. Il a condamné les cas de violence qui, selon lui, ont été commis par des "salauds engagés par les hommes loyaux envers l'ancien régime afin de créer le chaos" ; a déclaré le président Morsi.

Un communiqué présidentiel, dimanche dernier, a annoncé que les nouveaux pouvoirs du président étaient "temporaires et nécessaires afin de mettre l'Egypte sur la voie de la démocratie".

La conseillère du président pour les questions politiques, Pakinam al-Charkaoui, a déclaré dans une interview accordée à RIA Novosti que ce décret était une "tentative du président de mettre un terme à la période de transition chaotique - pour aller de l'avant en surmontant cet obstacle afin de redresser l'Egypte". Elle a également insisté sur le fait que les nouveaux pouvoirs du président étaient "temporaires" et qu'il n'en disposerait que jusqu'à l'adoption de la nouvelle constitution, qui déterminera les pouvoirs de l'institution présidentielle.

Elle a laissé entendre que cette mesure faisait suite au complot visant à renverser le président, fomenté par des juges loyaux envers l'ancien régime : "C'était une mesure nécessaire pour le passage vers la démocratie". Elle a ensuite expliqué qu'en laissant la Cour constitutionnelle dissoudre l'assemblée constituante ou le conseil de la Choura en les proclamant "non constitutionnels", l'Egypte se serait presque retrouvée sans institution gouvernementale.

En clair, cela aurait renvoyé l'Egypte à la case départ.

"Ces deux dernières années, le progrès a été insignifiant. Il est temps d'aller de l'avant.
Cela implique l'adoption d'une nouvelle constitution puis la tenue d’élections législatives afin que le pays se rapproche de la stabilité. Seule une Egypte stable permettra de faire revenir les touristes et les investisseurs", a-t-elle déclaré.

Pakinam al-Charkaoui a également pris la défense du président en affirmant qu'il agissait dans l'intérêt de tous les Egyptiens et que le décret présidentiel était une tentative de réaliser certains objectifs de la révolution. Le président a promis qu'un nouveau procès contre les accusés de meurtres de manifestants, pendant et après la révolte de janvier, serait organisé.

Pendant la réunion du Club des juges d'Egypte (un organisme indépendant), dimanche, la décision de Morsi a été qualifiée de "préjudice pour l'indépendance judiciaire". Les membres du club ont également appelé à une grève générale dans les tribunaux de toutes les instances.
La réunion a été interrompue par les cris de la foule qui scandait "le peuple exige le renversement du régime", un slogan de la révolte de janvier 2011, alors que l'ex-président Hosni Moubarak allait être renversé.

L'opposition a proposé d'organiser mardi, sur la place Tahrir, une marche des millions pour protester contre ce décret, en appelant au renversement du régime. Pendant ce temps, les Frères musulmans du président Morsi tiendront sur la place voisine Adbin un rassemblement de solidarité pour soutenir le président et ses actions.

En cherchant à apaiser la crise - qui risque de se transformer en scission pour de nombreuses décennies entre la société islamiste et laïque -, le président Morsi veut organiser une réunion des juges suprêmes pour tenter de régler les différends concernant ses nouveaux pouvoirs.
Mais, à mesure que les affrontements éclatent périodiquement entre les forces de sécurité et les activistes de l'opposition, on craint de plus en plus que la crise se transforme en guerre civile.

Shahira Amin, journaliste égyptienne, ancienne vice-directrice de la chaîne nationale égyptienne Nile TV et une de ses présentatrices

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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