L’Union européenne a adopté la dernière série de sanctions contre l’Iran le 15 octobre dernier. L’un des principaux points de discorde entre Téhéran et les pays occidentaux est l’interdiction complète des transactions entre les banques européennes et les établissements financiers iraniens. Par cette mesure l'UE a épuisé presque toutes les possibilités de durcissement des sanctions. La seule marge de manœuvre est la possibilité de compléter par exemple la liste noire des entreprises iraniennes, ou l'ajout de retsrictions frappant certains secteurs de production, en justifiant ces sanctions par le fait qu’elles sont liées au programme d’armement ou au programme nucléaire. Mais les dirigeants de l’UE ne comprennent pas que les actions ultérieures ne seront plus efficaces et que les décisions radicales prises par les Etats européens envers l’Iran nuisent avant tout à leur propre économie qui traverse une crise. Pour que les pays européens puissent se tourner vers l’Iran, ils doivent comprendre qu’il est impossible de régler les problèmes par les sanctions. C’est à cela qu’ils réfléchiront pendant un an, estime le directeur du Centre des recherches politiques et sociales Vladimir Evseev.
« Les dirigeants européens se complaisent dans leur supériorité et croient que tout leur est permis », explique-t-il. « Ils ont jusqu'à l’automne prochain pour concevoir des doutes sur la justesse de leur position. Tout d'abord, les Européens ont de gros problèmes économiques. Deuxièmement, les restrictions, en grande partie artificielles contre l'Iran, qui n'ont rien à avoir avec le programme nucléaire ou le programme des missiles, vont faire en sorte que l'Union européenne va devenir plus sensible aux compromis ».
Actuellement, les Etats européens ne sont pas prêts à franchir le pas. C’est pourquoi, il ne faut pas s’attendre à un succès lors de la rencontre entre Téhéran et les six médiateurs (les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Allemagne) à la fin du mois de novembre ou au début de décembre. Une percée dans les discussions entre l’Iran et les pays occidentaux serait plus réaliste en automne de l’année prochaine. C’est alors que le nouveau président iranien sera élu. Il n’est pas exclu qu’au cours de la campagne électorale l'accent mis sur les difficultés que traverse le pays, ajouté à la propagande des pays occidentaux, puisse permettre aux candidats pro-occidentaux d’augmenter leurs chances d’être élus, suppose le directeur général du Centre de l’étude pour l’Iran contemporain Rajab Safarov.
« Les médias mondiaux ont une influence sur l’opinion publique en Iran. Selon eux, le gouvernement actuel est responsable des nombreux problèmes que connaît le pays. Et ce gouvernement est peu enclin à faire des compromis, ayant en plus un comportement suspect sur la scène internationale. Une partie de la population y croit. Par ailleurs, les pays occidentaux soutiendront certainement les forces politiques libérales, voire pro-occidentales, qui auront une ligne politique moins dure que celle d’ Ahmadinejad ».
En 33 ans d’existence, le système politique iranien a développé des mécanismes d’autodéfense et tout candidat qu’il considérera comme dangereux sera éliminé de la course présidentielle. C’est pourquoi il est naïf d'espérer que le nouveau chef de la République islamique puisse tout changer et accueillir les idées des Européens à bras ouverts. Néanmoins la proposition de Téhéran d’arrêter les travaux d’enrichissement d’uranium à 20% pourrait être maintenue, estime Vladimir Evseev.
« Imaginons que l'UE assouplit les sanctions bancaires. Et l'Iran ne déploie pas les 34 cascades de centrifugeuses à Natanz, qui sont actuellement en cours d’installation. Cela serait une première étape d’adoucissement des relations. L'Iran pourrait ensuite se limiter à 2000 centrifugeuses à Fordow, et ne pas en mettre 3000. L'UE aurait également pu réagir à cela ».
Les pays européens, les Etats-Unis et Israël devront attendre un an pour voir quel sera la ligne politique du nouveau président iranien. La probabilité d'une guerre reste donc minime, explique Rajab Safarov.
« Au moins, jusqu'à septembre de l'année prochaine, aucune frappe contre l'Iran n’est prévue. Israël, seul, n’en sera pas capable, et les dirigeants des pays occidentaux sont plus pragmatiques et agiront selon leurs propres intérêts. Ils ne prendront pas une telle décision prématurée et inefficace ».
Selon Vladimir Evseev, les États-Unis ont leurs raisons ne pas s’impliquer dans la guerre.
« La position des USA est liée à la nécessité de réduire les effectifs américains en Afghanistan d’ici 2014, et effectuer le retrait complet des troupes d'Irak, mission qui n’a pas encore été accomplie. Dans ces circonstances, les Américains ordinaires ne seront pas en mesure d'expliquer pourquoi les troupes quittant l'Afghanistan devraient être envoyées en Iran pour y participer à des opérations militaires ».
Ce qui préoccupe actuellement Israël, ce n’est pas l’Iran, mais la situation dans le Sinaï et la normalisation des relations avec l'Egypte, où les islamistes sont arrivés au pouvoir. Une accalmie d’un an au moins est donc garantie. Les Européens auront du temps pour réfléchir à un compromis en se basant sur les principes de la réciprocité et du fonctionnement par étapes. Un fonctionnement, auquel Téhéran est déjà préparé. T