Une Pussy Riot fait appel à la Cour européenne des droits de l'homme

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Ekaterina Samoutsevitch - Sputnik Afrique
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Le changement ou l'annulation de la condamnation d'un tribunal national ne relève pas des compétences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Cette dernière pourrait toutefois condamner l'Etat qui aurait enfreint les droits de l'intéressé et le forcer à verser une indemnisation.

Le changement ou l'annulation de la condamnation d'un tribunal national ne relève pas des compétences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Cette dernière pourrait toutefois condamner l'Etat qui aurait enfreint les droits de l'intéressé et le forcer à verser une indemnisation. Quoi qu'il en soit, Ekaterina Samoutsevitch, la membre des Pussy Riot qui s'est adressée à la CEDH, conservera son casier judiciaire et seule une cour russe pourrait statuer sur son annulation.

L'une des membres du groupe Pussy Riot, Ekaterina Samoutsevitch, a déposé une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) au sujet de sa peine avec sursis. A quoi faut-il s'attendre dans cette affaire, portée devant une cour qui n'examine que les cas de violation de la Convention européenne des droits de l'homme?

L'objet de la plainte de Samoutsevitch. Selon Irina Khrounova, avocate de Samousevitch, cette plainte fait suite à sa condamnation à une peine avec sursis par un tribunal russe, allant à l'encontre de l'article 10 de la Convention européenne sur le droit à la liberté d'expression. De plus, selon Ekaterina Samoutsevitch, les accusées étaient détenues dans des conditions difficiles en termes de nourriture et de repos pendant leur procès, ce qui constitue une violation de l'article 3 de la Convention européenne sur l'interdiction de la torture.

En quoi cette plainte concerne les deux autres membres de Pussy Riot restées en détention? Il n'y a pas d'avis unanime à ce sujet. Les avocats Feïguine et Volkova, qui représentaient encore récemment les intérêts des trois accusées de l'affaire Pussy Riot, affirment avoir déjà déposé des dossiers préliminaires auprès de la CEDH au nom des trois accusées et qu'aujourd'hui, le dépôt de la plainte personnelle de Samoutsevitch pourrait créer un "conflit". Pour sa part, Irina Khrounova pense que cette situation n'est pas un problème car la cour réunirait automatiquement les plaintes.

Samoutsevitch a-t-elle le droit de s'adresser à la CEDH? Il existe une fausse idée - très répandue – selon laquelle il serait impossible de faire appel à Strasbourg avant d'avoir franchi toute la verticale judiciaire russe. Ce n'est pas le cas: d'après la règle dite de "l'épuisement des voies de recours internes", toute décision d'un tribunal violant la Convention européenne tombe potentiellement sous la juridiction de la CEDH. Autrement dit, il suffit de passer la première instance et l'instance d'appel pour y avoir recours, ce qui est le cas de Samoutsevicth comme de Tolokonnikova et Alekhina, deux autres membres de Pussy Riot.

Comment agira la CEDH dans le cas de Samoutsevitch? Tout d'abord, la CEDH tentera de décliner la plainte. Dans la majorité des cas, cela fonctionne. Mais en l'absence de raisons formelles d'agir ainsi, elle entrera en correspondance avec les autorités juridiques qui ont pris la décision contestée, en essayant d'obtenir des commentaires et des informations supplémentaires sur l'affaire. En s'appuyant sur les informations réunies, la cour peut également décliner la plainte. Après cette phase seulement, l'affaire est transmise pour examen. Le changement ou l'annulation du verdict par la cour d'un pays ne relève pas de la compétence de la CEDH mais cette dernière peut demander une indemnisation à l'Etat pour la violation des droits de la victime. Par conséquent, même si la cour reconnaissait que les droits d'Ekaterina Samoutsevitch ont été violés, elle conservera son casier judiciaire et seule une cour russe pourrait décider son annulation.

Quelles sont ses chances d'obtenir gain de cause? En général, la CEDH refuse d'examiner 89% des plaintes russes - sur une moyenne de 78% pour la cour. Les experts pensent que ces refus sont dus à un faible niveau de compétences juridiques de la part des avocats russes lors de la rédaction de la plainte. Cependant, dans 94% des affaires russes qui sont examinées, la CEDH conclut à la violation de la Convention - pour une moyenne de seulement 83% sur l'ensemble de la cour. Il est difficile de classer les articles auxquels a recours la défense de Samoutsevitch parmi les plus populaires des décisions "russes" prises par la CEDH. Ainsi, jusqu'en 2011, l'article 10 sur la liberté d'expression a été reconnu comme violé seulement à 23 reprises – il est mentionné dans 2% de l'ensemble des décisions. L'article 3 sur l'interdiction de la torture est aussi rarement mentionné – 31 violations établies (mentionné dans 2,7% des décisions de la CEDH). En tête de la liste "russe" persistent les violations du droit à un procès équitable (une affaire sur deux), du droit de propriété et du droit à l'intégrité personnelle (près de 40% des affaires), ainsi que le non-respect des exigences d'une enquête efficace (près de 30-40% des cas sur diverses infractions).

Quels sont les exemples des décisions retentissantes prises par la CEDH portant sur l'article "Droit à la liberté d'expression"? L'article 3 sur l'interdiction de la torture est ajouté au dossier pour le "charger" mais strictement parlant, il sera très difficile de faire passer les repas irréguliers et le manque de sommeil pour de la torture et autant qu'on puisse en juger dans le dossier, on mettra davantage l'accent sur l'article 10 sur le droit à la liberté d'expression. Cet article a engendré plusieurs affaires russes retentissantes à la CEDH. La Cour de Strasbourg a notamment prononcé une décision favorable en 2009 pour l'ex-juge Olga Koudechkina, renvoyée du tribunal municipal de Moscou après plusieurs interviews accordées à la presse russe en 2003 au sujet d'un grand scandale interministériel dans les forces de l'ordre, provoqué par l'affaire de la société Tri Kita. La même année, pour le même article, la CEDH a rendu une décision défavorable après la plainte du journaliste russe Grigori Pasko. En 2001, il avait été condamné à quatre ans de prison pour "haute trahison sous forme d'espionnage", après avoir transmis à la presse japonaise des informations sur le déversement de déchets radioactifs des sous-marins de la flotte du Pacifique dans l'océan. La CEDH a estimé que la sanction était appropriée. En 2005, la Cour a également été favorable à Isaac Greenberg, homme politique et entrepreneur d'Oulianovsk, entré en polémique dans la presse avec le gouverneur Chamanov, qui a porté plainte pour atteinte à l'honneur et à la dignité. En 2006, enfin, elle s'est prononcée en faveur de Valentina Dolgova, membre du parti national-bolchevique, qui avait participé à l'occupation de locaux présidentiels en décembre 2004.

Les Russes – une nation de plaignants? La Russie a adhéré à la Convention européenne en mai 1998. Depuis, les Russes peuvent se plaindre de leur Etat à la CEDH - un droit qu'ils utilisent activement. Fin 2011, on comptait près de 150 000 plaintes pour l'ensemble de la Cour, dont plus de 40 000 venant de Russie: le pays occupe donc la première place du classement, avec beaucoup d'avance. Cependant, au nombre de plaintes par habitants, la Russie se trouve au milieu du classement avec la Slovaquie, la Suède, la Lituanie, la Géorgie, la Turquie et l'Ukraine. Par exemple, en Pologne, le taux de plaintes par habitant est supérieur de presque 50%, et en République tchèque ou en Finlande, il n’est pas largement inférieur.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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