Pendant sa campagne électorale Ivanichvili affirmait à plusieurs reprises qu’il pourrait régulariser les relations avec la Russie, qui ont atteint un point critique après les événements d’août 2008. Et les premières déclarations de l’homme politique après la victoire aux élections sont plutôt encourageantes, semble-t-il. Il est probable que la Géorgie ne boycotte pas les Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi et soit prête à entamer un dialogue avec la Russie.
Mais le cours politique d’Ivanichvili sur l’arène internationale n’est pas encore très clair. Il a déclaré publiquement que Tbilissi pourrait maintenir la politique étrangère que la Géorgie mène depuis l'époque de Chevardnadze et qui a été reprise par Saakachvili. Autrement dit, la Géorgie mise sur la collaboration avec les États-Unis et l'Union européenne, ainsi qu’une intégration rapide dans l'UE et l'OTAN. Il n’y aura pas de changements fondamentaux dans la politique extérieure de la Géorgie dans un avenir proche. Le seul vecteur qui changera – c’est la rhétorique envers Moscou, surtout en comparaison avec celle de Saakachvili.
Dans le contexte des difficultés de l'UE et de l'OTAN, ces organismes continuent à soutenir ces aspirations de la Géorgie. Même avec le risque de renforcer les tensions qui existent dans leurs relations avec la Russie. Car du point de vue géopolitique, la Géorgie est l’un des principaux Etats de la région du Transcaucasie, son «goulot d'étranglement». Sans Tbilissi, la réalisation des projets de corridors de transport transcontinentaux et les projets d’oléoducs et de gazoducs en contournant la Russie est impossible. Par ailleurs, la Géorgie peut jouer le rôle d’une base stratégique qui se trouve géographiquement proche de la mer Caspienne et de l'Iran, mais aussi du Caucase du Nord.
L’Union européenne s’est sérieusement impliquée dans la «lutte pour la Géorgie ». Malgré la crise de la dette, les hauts fonctionnaires européens sont prêts à allouer au nouveau gouvernement géorgien 670 millions d’euros d’aides. Une partie de ce montant irait au budget du pays, et le reste pourra être dépensé sur la réalisation des nouveaux projets, notamment dans le domaine de l'agriculture. L'OTAN, qui connaît actuellement de sérieux problèmes en Afghanistan et dépend dans une certaine mesure de l'aide de Moscou, ne veut pas «perdre» son contrôle sur la Géorgie. Le secrétaire général de l’organisation Anders Fogh Rasmussen appelle le processus d'adhésion de Tbilissi à l'OTAN d’ « irréversible ».
A en juger par la ténacité avec laquelle la Géorgie souhaite intégrer les structures occidentales, pour de nombreux membres de l'élite politique des États-Unis et de l'Union européenne l’orientation pro-russe de Tbilissi serait pour eux une défaite contre la Russie dans la lutte pour le contrôle sur l'espace post-soviétique. Une défaite incompatible avec le statut des gagnants de la «guerre froide». Dans les années 1990-2000, les médias américains et européens ont clamé assez fortement que Tbilissi est une victime d’«ambitions impériales» de Moscou. Cela a créé aux yeux de la communauté occidentale une image de l'Etat géorgien dominé par son voisin suscitant un désir de «protéger» la Géorgie contre les attaques russes.
Comme l’ont montré les événements de la guerre d’août 2008, la réalité est toute autre. C’est Tbilissi qui a joué le rôle de l'agresseur en utilisant des armes en Ossétie du Sud et attaquant les gardiens de la paix russes qui sont déployés sur son territoire. C’est pourquoi, en construisant un dialogue avec la Géorgie, la Russie devrait insister sur la reconnaissance du fait que le côté géorgien est bien l’initiateur du conflit et coupable des événements dramatiques d’il y a quatre ans. Par ailleurs, la Russie devrait soutenir l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Ces questions sont d'une importance fondamentale. Quant aux différences restantes, le gouvernement russe pourrait s’engager dans un dialogue avec les autorités géorgiennes. Un dialogue, qui pourrait peut être apporter des résultats positifs.