La postface de la présidence russe de l'APEC sera longue

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L'euphorie des organisateurs russes du sommet s’est littéralement ressentie dans toutes les activités finales de la "semaine des leaders" de l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique), clôturée dimanche dernier à Vladivostok.

L'euphorie des organisateurs russes du sommet s’est littéralement ressentie dans toutes les activités finales de la "semaine des leaders" de l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique), clôturée dimanche dernier à Vladivostok. Non sans raison. Ce n'est pas seulement le sommet qui s'est achevé mais également la série de rencontres entre les dirigeants de divers niveaux, représentant 21 pays du Pacifique, qui lui ont précédé à Vladivostok.

C'est aussi la fin d’une présidence annuelle russe de l'APEC qui a battu des records, dont le principal est le nombre et la qualité des idées et des initiatives apparues à l'ordre du jour pour améliorer la mécanique d'intégration de l'APEC.

Personne n'exigeait de sacrifices

L'APEC a connu des présidents aussi divers et variés que les questions et intérêts économiques qui y sont discutés. On se souvient de la présidence du Pérou en 2008 ou de Brunei en 2000. L'intérêt des péruviens était porté sur les problèmes liés à la population autochtone du pays - les tribus indiennes – et sur les actions commerciales des partenaires du Pacifique, susceptibles d'activer la production de produits traditionnels pour les Indiens. Personne, alors, ne considérait que la présidence péruvienne était faible. Celle de Brunei, avec ses initiatives dans le secteur touristique, n’avait pas non plus reçu de tel jugement. Chacun a ses propres intérêts et approches lorsqu’il endosse cette honorable charge. Chaque président de l’APEC fait ce qu’il veut avec le thème central, c'est la tradition.

Par contre, il n'existe à l’APEC aucune tradition imposant que ses membres soient forcément d'accord avec les initiatives proposées par le président. Les 20 autres pays ont donc la possibilité de ne pas soutenir une action, ce qui s'est déjà produit à plusieurs reprises. Pour assurer le succès des propositions russes, il fallait donc savoir comment fonctionnait le mécanisme complexe des réunions, des séminaires et des rencontres propres à l’organisation.

Autrefois, dans la presse russe, on pouvait trouver les échos du mécontentement de groupes lobbyistes, cherchant à promouvoir leurs projets directement au sommet. Un grand nombre de ces idées étaient rejetées dès le début par les organisateurs, notamment si elles avaient déjà été évoquées aux différents sommets de l'APEC sans être approuvées. Par conséquent il fallait, pour la Russie, adapter son enthousiasme aux réalités de l'APEC.

Selon les estimations informelles de sources impliquées dans l'élaboration de l'idéologie de la présidence russe, près d'une cinquantaine d'initiatives ont abouti à un succès. Le chiffre n'est pas précis car la majorité des initiatives s'est transformée au cours du processus ou a rallié des coauteurs. Ce sont des choses tout à fait concrètes.

Par exemple, la question de la liste des produits écologiques, qui faisait débat au sein de l'APEC - principalement entre les USA et la Chine - est devenue plus populaire. Tout a commencé par une liste de 20 produits puis, à Vladivostok, celle-ci a été élargie jusqu'à 54. Ces produits seront vendus à travers toute la région Pacifique presque sans franchise et dans certains cas, les taxes seront réduites de 30% à 5%. Selon le ministre russe de l'Economie Andreï Belooussov, sont concernés les outils de mesure pour le contrôle de la qualité de l'eau et de l'air, les systèmes spéciaux de surveillance et de contrôle de l'environnement, des fours et d'autres dispositifs d'incinération de déchets, ainsi que les éoliennes. Le tout dans l'esprit d'une idée de la présidence russe concernant les innovations. Et il ne s’agit ici que d’une initiative parmi d’autres.

L'un des problèmes que l'APEC rencontre avec son image est que généralement, les gens ne savent pas que la croissance des revenus de leur entreprise, tout comme la possibilité de développer, vendre ou produire de tels équipements sont dus à l'APEC. A ce sujet, le processus de réduction des taxes s'achèvera en 2015. Par conséquent, dans ce cas comme dans d'autres, la présidence russe de l’APEC connaîtra une longue postface.

Quant aux "fruits" de tout forum final, l’on est sûr de toujours récolter une déclaration – un bilan verbal du travail annuel et les recommandations au prochain président - ici l'Indonésie. Et les déclarations, même celles qui énumèrent des faits concrets, c’est compliqué. Dans le cas de l'APEC, depuis des années, il s’agit d’un long document détaillé adopté par 21 "paires de ministres" – de l'Economie et des Affaires étrangères de chaque pays membre -, et d’un bref document adopté par les dirigeants – les présidents et les premiers ministres. Le second document est approximativement le même que le premier, avec seulement quelques variantes.

Et évidemment, il ressemble souvent à un mode d'emploi pour la bureaucratie mais aucunement à une explication destinée à faire comprendre au grand public pourquoi l'APEC travaille ainsi depuis des années.

Mais revenons à ce qui s'est passé à Vladivostok, y compris à l'argent qui y a été dépensé par la Russie – un sujet qui fait actuellement l'objet de débats sociaux.

"Qu'est-ce que la préparation de l'APEC a à voir là-dedans ?", a déclaré à ce sujet le président russe Vladimir Poutine pendant la conférence de presse finale.

L'APEC n'est pas un organisme qui exige des sacrifices financiers de son président. Il était facile de constater que la majorité des nombreuses rencontres internationales qui se sont déroulées sous la présidence russe durant l'année ne se sont pas tenues à Vladivostok. J'ai une idée étrange à ce sujet : à titre d'exception, les activités finales auraient pu être organisées non pas à Vladivostok mais, pourquoi pas, à Saint-Pétersbourg. L'APEC s'est finalement réunie à Vladivostok, qui s’était transformée – positivement - pour l'occasion.

La stratégie de la prévoyance

Le sommet "de la prévoyance" est une bonne formule pour résumer les objectifs fixés par la présidence russe de l'APEC bien avant le début de celle-ci. La position de la Russie au sein de l'APEC, depuis son adhésion en 1998, a toujours été spécifique. Géographiquement, la Russie est indiscutablement une grande puissance du Pacifique. Mais l'APEC est une organisation concrète et purement économique. Du point de vue des 20 autres membres de l’institution, la Russie était - et demeure pour l'instant - un partenaire très périphérique, compte tenu de son rôle dans l'économie du Pacifique.

Le fait est que la population de l'Extrême-Orient russe s'élève à 6,3 millions d'habitants, soit l’équivalent d’une grande ville chinoise. Ce qui implique des problèmes sur le marché intérieur.

Les plans globaux de développement de la région pour les vingt prochaines années ont été élaborés dès les années 1980. Mais tous ces plans avaient un problème : leur isolement par rapport aux voisins et la notion purement théorique des partenaires qui auraient besoin de l'économie de la région.

On a déjà mentionné précédemment comment ont été interprétées, à l'APEC, les tentatives initiales d'expliquer aux autres pays que la Russie est un "pont entre l'Europe et l'Asie".

La géopolitique est une bonne chose, mais les acteurs du Pacifique attendent des choses plus concrètes.

Pour cette raison, la présidence russe était donc une tentative réussie de diviser les grandes idées en petites parties avant de les faire coïncider avec les plans concrets d'autres gouvernements de l'APEC. Un succès, également, puisque la Russie a pu montrer à tous les invités de Vladivostok qu’elle avait engagé un mouvement dans la bonne direction avec un nouvel aéroport et une nouvelle base de ravitaillement.

C'est une expérience connue. C'est ainsi qu’a commencé le boom économique dans beaucoup d'autres pays du Pacifique – à Singapour, en Malaisie, en Chine et bien d'autres : pas à pas.

C'est risqué - si la situation changeait soudainement - mais il n'y a pas d'autre choix. Il n'existe pas de nouveau plan grandiose pour les prochaines décennies, et il n'y en a pas besoin.

Ainsi, la grande construction de Vladivostok n'avait, strictement parlant, rien à voir avec l'APEC. Elle concernait la Russie et deviendra adéquate si tout fonctionne comme prévu dans le développement du pays. Prenons la ville universitaire de l'île Rousski : elle dépasse largement les besoins de l'Extrême-Orient russe de par son envergure. Mais l'idée d'un système régional commun d'enseignement a été proposée aux pays de la région durant l'année de la présidence russe à l'APEC. Selon ce projet, chaque étudiant suivrait deux ans de scolarité sur l'île Rousski, une année au Canada et deux ans à Singapour – avec, à la clé, un diplôme reconnu partout.

Grâce aux accords de l'APEC adoptés cette année, professeurs et étudiants des pays de la région pourront désormais enseigner et étudier à Vladivostok et vice versa. L’on comprend mieux, alors, pourquoi une nouvelle ville a vu le jour avec le pont qui mène vers celle-ci.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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