Après le retrait des troupes soviétiques et la diminution drastique des aides octroyées par l’Occident aux moudjahids, le narcotrafic est devenu la principale source de revenus destinés à la poursuite de la lutte entre les groupes. Plus tard, sous les talibans, cultiver les plantes narcotiques était passible de mort. Avec l’arrivée des forces de la coalition internationale au pays, la culture a reçu une deuxième vie. Edictée en 2002, l’interdiction de cultiver le pavot n’était plus assortie d’une peine réellement sévère et les paysans n’en tenaient même pas compte. Alors qu’il est difficile de faire des travaux agricoles et d’élevage dans les conditions de guerre, le pavot est la seule plante facile à cultiver en permettant de se faire de l’argent rapide. Quant à l’ISAF, elle n’a quasiment rien fait pour combattre ce fléau. D’ailleurs, son mandat ne le prévoyait pas expressément.
En dix ans l’Afghanistan est donc devenu le plus important fournisseur des opiacés du marché mondial. Presque chaque habitant de ce pays est lié d’une façon ou d’une autre au narcotrafic, explique Asad Durrani, ex-directeur général de l’Inter-Services Intelligence (ISI, une des trois branches des services de renseignements du Pakistan).
« Les stupéfiants donnent entre un tiers et une moitié de tout le PIB de l’Afghanistan. Entre deux et trois millions de personnes y sont impliqués et si on y met fin, ils se retrouveront sans travail. Si on prive les narcobarons de leurs revenus, ils se soulèveront contre les forces occupantes. Il y a cinq ans 350 millions de dollars étaient dépensés tous les ans pour lutter contre la drogue. L’effet était opposé à celui escompté : chaque année la production de stupéfiants doublaient ».
Entre 800 milliards et un billion de dollars : voici le montant total des revenus tirés de la vente des stupéfiants produits en Afghanistan, selon les experts pakistanais. L’ONU donne des chiffres moins élevés, constate le professeur Oleg Koulakov de l’Université militaire.
« Lorsqu’il s’agit d’une somme d’argent aussi important échappant à tout contrôle, 10 à 12 % restent en Afghanistan alors que le reste est partagé entre le Pakistan, l’Inde, les pays d’Asie centrale. On peut supposer que cet argent fait l’objet de blanchissement et s’accumulent dans les meilleurs banques du monde. Une partie de l’argent qui reste en Afghanistan, est utilisée pour des processus à l’intérieur du pays. Cela participe à sa stabilité fragile ».
L’OTAN n’a pas tardé de comprendre que s’engager dans un vrai combat contre le narcotrafic ne ferait que rendre leur situation encore plus difficile, poursuit l’expert.
« En se rendant bien compte de cette circonstance, ils s’efforcent d’en tirer profit. Ils choisissent ceux des mouvements qui leur plaisent, autorisant de faire du narcotrafic et en oppriment d’autres en leur interdisant de le faire ».
La façon de changer radicalement la situation est évidente. Dès que les Afghans ont un travail stable et une source de revenus garantie, ils n’auront plus de raisons de participer au narcotrafic. /L