Le navire brise-glaces Krasin, un navire mythique de la Marine russe

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Il y a des navires qui par leur histoire ou tout simplement parce qu’ils étaient des œuvres d’art resteront à jamais dans la mémoire des hommes. L’un d’eux est inconnu des Français, c’est un navire russe, un des premiers brise-glaces, Le Krasin, un navire mythique de la Marine russe.

Lorsqu’il voit le jour en 1916, Le Krasin portait le nom de Svyatogor (Святого́р), un chevalier légendaire de la mythologie russe. Il répondait à une nécessité qui est restée dans l’ère du temps, les hommes s’étaient lancés dans le sillage de bien d’autres aventuriers européens, essentiellement des pays du Nord, à la conquête du Pôle Nord. C’est un américain, Peary qui fut investi de cette découverte, ayant fourni la preuve de l’avoir atteint, le 6 avril 1909. Depuis longtemps déjà l’Arctique fascinait le Monde. La Russie était particulièrement intéressée à cette conquête, les voies maritimes étant depuis toujours des enjeux, stratégiques, commerciaux, et de par sa position géographique la naissance des briseurs de glaces devait confirmer sa position de grande puissance navale, une position écornée par la défaite de 1905 face à la Marine japonaise.

C’est en plein milieu de la Première Guerre mondiale que le navire est lancé le 3 août 1916, étant achevé complètement seulement en février 1917. Le navire devait rester jusque dans les années 50, le brise-glaces le plus puissant au monde. Il ne fut pas construit en Russie, mais dans les chantiers navals parmi les plus réputés, ceux de la Grande-Bretagne, qui produisirent quelques autres navires de légende, nous nous souvenons en particulier du Titanic. Il fut construit dans les chantiers navals de Newcastle, jaugeant un peu plus de 6 000 tonnes, une taille modeste par rapport aux monstres des lignes transatlantiques. Acheté par la Russie, le navire fut utilisé durant l’intervention alliée contre les Bolcheviques en 1918 et 1919, qui s’emparèrent avec l’aide des Blancs du port d’Arkhangelsk.

Lors de l’évacuation de la ville par les alliés, qui provoquera sa chute dans les semaines suivantes, les Britanniques sabordent le navire, mais le renfloue presque immédiatement pour servir de dragueur de mines avec comme port d’attache la fameuse base de Scapa Flow. La paix survenue, des tractations sont menées entre l’Union Soviétique et la Grande-Bretagne, car le navire est bel et bien russe même s’il fut payé du temps du Tsar Nicolas II. En 1921, un agrément est trouvé entre les deux parties, et il retourne en Russie, prenant le nom de Krasin en 1927 en l’honneur d’un diplomate et ingénieur soviétique, Léonid Krasin. Il devait vite se forger une belle réputation.

En effet l’obscur navire ne tarde pas à devenir célèbre. En 1928, il est envoyé à la rescousse de l’expédition italienne au pôle Nord d’Umberto Nobile. Sa réputation de « sauveteur » grandit lorsqu’il vient également au secours du paquebot Monte Cervantes sévèrement endommagé par un iceberg, et ayant à son bord 1 835 passagers. L’événement pour le navire de ligne argentin aurait pu se transformer en un désastre similaire au malchanceux Titanic. Le navire est par la suite surnommé « le Titanic du Sud » ou « le Titanic argentin », mais pour l’heure, il devait être réparé avec l’aide du Krasin et pouvoir rentrer à sa base. La malchance devait le poursuivre, il devait être englouti par les flots un an et demi plus tard en 1930. Quant au Krasin, la chance ne le quitte pas, en 1933, il fut le premier navire à pouvoir rallier la Nouvelle-Zemble avant de s’illustrer à nouveau dans un sauvetage, en 1938, celui du briseur de glace Lénine.

La guerre ayant éclatée, le navire participa dès 1941 à l’acheminement du « Lend Lease » américain, un programme d’aide aux pays en guerre contre l’Axe, qui fut d’une aide encore mal évaluée pour la Russie. D’énormes convois furent formés et traversant l’Atlantique Nord où les attendaient les meutes de sous-marins allemands, venaient déverser leurs cargaisons de matériels, de vivres et d’armes dans les ports russes de Mourmansk et d’Arkhangelsk. C’est au cours de ces opérations que le gouvernement américain demanda à ce qu’il soit prêté à la Marine américaine pour faire le service des garde-côtes dans le secteur du Groenland. Ayant traversé le Pacifique, les négociations n’aboutirent pas, mais le navire fut tout de même armé de 4 canons de 76 mm, de 7 canons antiaériens de 20 mm et d’une dizaine de mitrailleuses lourdes.

Il est alors utilisé comme escorte des convois comme navire de défense anti-aérienne notamment dans plusieurs convois à destination de la Russie, via l’Islande, la Péninsule de Kola et Mourmansk. En 1942, il est repéré avec le Lénine par la Kriegsmarine et doit fuir dans le brouillard le croiseur lourd Admiral Scheer qui ne put le rattraper, décidément la chance entourait le Krasin ! Il poursuit sa carrière tout au long de la guerre survivant à toutes les opérations auxquelles il participa. Après la guerre, c’est un navire vieillissant qui normalement avait déjà fini sa carrière, mais il fut envoyé de 1953 à 1960 dans les chantiers navals de Wismar en RDA où il fut agrandit et reconstruit, recevant les derniers technologies du moment, jaugeant désormais plus de 8 000 tonnes.

Il est alors renvoyé dans l’arctique sur la route du Nord afin d’ouvrir les routes pour les navires de commerce, et où il servira jusqu’en 1971. Il est ensuite utilisé à des fins scientifiques dans des expéditions polaires jusqu’à la fin des années 80. Glorieuse et prestigieuse fin de carrière pour ce navire à la destinée hors du commun. Son caractère exceptionnel va lui éviter la triste mort de la plupart des navires, envoyés à la casse et démantelés. Il est conduit à Saint-Pétersbourg où il est restauré et devient un navire-musée que vous pouvez toujours visiter à l’initiative de du Fond international pour l’histoire de la Science. Il est le seul navire brise-glaces, musée flottant, qui commémore l’histoire des convois de l’Arctique qui contribuèrent si puissamment à la défaite Allemande et à la victoire finale de l’URSS et du Monde libre. Le Krasin sert désormais la mémoire et l’histoire des expéditions polaires. /L

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