Le musée s’ouvre avec un siècle de retard. En 1912, lorsque la Russie célébrait le centenaire de la victoire de la Guerre de 1812, la formation des fonds pour cette exposition avait déjà commencé. Des objets et documents rares, témoins de la confrontation entre l’armée russe et française, ainsi que des objets personnels des soldats étaient déjà rassemblés au début du XXème siècle.
« Ces objets étaient présentés à une grande exposition au Musée historique de Moscou et le tsar Nicolas II a même fait l’honneur de venir la visiter », raconte le directeur du musée Alexeï Levykine. « Il semblait que le dernier pas avait été fait et qu'il suffisait de rendre cette exposition permanente. Mais la Première Guerre mondiale a commencé, suivie de la Révolution bolchevique de 1917. Pendant de nombreuses années ce projet n’intéressait plus personne, surtout que la Seconde Guerre mondiale était sur le point de commencer. Et l’exposition a été oubliée, personne n’est revenu sur ce projet ».
C'est l’une des raisons pour lesquelles la deuxième tentative d’organiser une exposition sur le thème de la guerre de 1812 a été prise très au sérieux par les conservateurs. La salle de l’exposition a été construite en un an. Il s’agit d’un projet plutôt original : l'espace du musée représente 1 200 mètres carrés et on ne peut pas le voir de l’extérieur. Un pavillon de deux niveaux sous la forme d’une étagère géante se trouve dans la cour intérieure du Musée historique de la capitale russe, à deux pas de la Place Rouge. Le pavillon se trouve entre deux bâtiments du XVIIIème et XIXème siècles, qui rappellent par leur style le Kremlin. Cette solution originale a permis de garder l’aspect extérieur d’origine du centre historique de Moscou.
L’exposition du musée de la Guerre de 1812 est constituée d’objets très précieux. Il s’agit notamment de l’uniforme de l’officier du Régiment de la Division Preobrajenskaïa, porté par le tsar Alexandre Ier, ou d’un meuble double, offert par le premier Consul de la République, Napoléon Bonaparte au général Léopold Berthier. Le sabre de Napoléon sera également présenté à l’exposition. Ironie du sort, cette arme s’est retrouvée dans les mains d’un soldat de l’Armée rouge et a ainsi participé aux événements révolutionnaires de 1917. C’est du moins ce que disent les chercheurs. Les objets personnels des soldats et des généraux russes et français, qui ont participé à la Guerre de 1812, ainsi que des documents authentiques, des cartes de combat, des notes et des ordres du Commandant de l’Armée russe Koutouzov lors de la bataille historique de La Moskova/Borodino seront également présentés à l’exposition. Tous ces objets ont été décrits en détail dans le catalogue illustré, qui a paru pour le centenaire de la victoire. Ce livre unique est en soi un objet rare aujourd’hui, car il aide à disposer les objets de l’exposition dans un ordre chronologique. Mais Alexeï Levykine promet aussi d’autres surprises.
« Des pièces qui n’ont jamais été exposés seront présentés à l’exposition », ajoute-t-il. « Nous avons décidé de nous servir des dernières recherches des historiens sur les événements de 1812. Les archéologues ont notamment effectué toute une série de travaux sur le champ de bataille de Taroutino, où ils ont pu reconstituer le cours des événements et les noms de certains participants aux combats ».
C’est lors de la bataille de Taroutino que l’armée russe a obtenu sa première victoire incontestée dans la guerre de 1812. Cette bataille a eu lieu un mois après la célèbre bataille de La Moskova/Borodino, à l’issue de laquelle elle avait été vaincue. C’est après cette bataille que le feld-maréchal Mikhaïl Koutouzov a décidé d'abandonner Moscou aux Français et dissoudre l’armée russe pour la reconstituer et la renforcer après les lourdes pertes qu’elle avait subies. Et soudain, à la surprise de Napoléon, Koutouzov avait lancé ses troupes vers l’Ouest pour affronter l’armée française qui se retirait de Moscou. Koutouzov était convaincu que les Français ne pourraient rester longtemps dans la ville complètement ravagée. Sur le monument à la victoire de la bataille de Taroutino, on peut voir l’inscription : « C’est ici que l'armée russe, se renforçant sous le commandement du maréchal Koutouzov, a pu sauver la Russie et toute l’Europe ». /L
