Arctique russe. Un chef de programme proche du Kremlin livre ses confidences

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Le tracé des frontières polaires russes et l’enrichissement de l’uranium… Tous ces sujets requièrent un travail de réflexion.

Le tracé des frontières polaires russes et l’enrichissement de l’uranium… Tous ces sujets requièrent un travail de réflexion. Or, les Européens ont pris la mauvaise habitude de fustiger les Russes pour un manque de l’esprit de planification et la tactique de la cigale qui vit au jour le jour sans se soucier de l’avenir. J’aurais voulu faire valoir qu’il y a encore deux décennies les mêmes analystes se plaisaient à marteler que les Russes ne vivent qu’avec leur économie planifié et qu’ils manquent cruellement d’imagination et d’esprit d’entreprise.

Sans vouloir remuer les cendres d’un passé à jamais révolu, je tiens à dire que l’Administration présidentielle et celle du premier-ministre d’ailleurs s’est doté de tout un essaim d’unité de recherche et de centres d’analyse qui proposent des plans de réforme ayant trait aux secteurs sensibles de l’économie nationale dont l’Arctique, l’uranium, l’aviation et autres. Les résultats de ces études sont ne serait-ce que partiellement mis en pratique. Ainsi la courroie de transmission entre la pensée académique et l’incarnation marche très bien.

Nous avons voulu nous rendre compte par nous-mêmes qui sont ces gens qui entourent les dirigeants russes et de quoi ont-il l’air. Vitali Keondjan, d’origine arménienne, est l’un des échantillons type étroitement impliqués dans le développement de l’aéronautique russe et d’autres projets ambitieux. Voici ce qu’il nous a raconté dans ces locaux se trouvant dans l’un des quartiers les plus huppés de la capitale russe, à côté des étangs du Patriarche, nom historique de cette partie de la ville.

Vitali Keondjan. Toute ma vie je sers la Russie. En 1970, j’ai obtenu mon doctorat ès sciences physiques à l’UER de la physique mathématique à l’Université de Moscou. Depuis toujours je me suis intéressé à l’hydrodynamique qui peut être appliquée aux différentes disciplines scientifiques, c'est-à-dire l’aéronautique, le chantier naval aussi bien que la géophysique. Les équations sont toujours les mêmes. Alors dès le début j’ai travaillé à l’Institut d’océanographie de l’Académie des Sciences. J’y suis allé jusqu’à mon DEUG et ensuite y ai rédigé mes deux doctorats. Ensuite je me suis vu confier la direction d’un laboratoire qui avait comme sujet de recherche l’évolution de la planète Terre, le calcul des courants marins, hydroacoustique et la simulation des modèles des biotopes aquatiques sans parler de l’identification des corps physiques dans l’eau. Par exemple, un sous-marin. Il fut un temps où je présidais aux travaux de l’Institut océanographique public, le Roskomhydromet et ensuite je suis passé à l’Institut Vernadski qui oeuvrait à la fois dans le domaine de radiochimie et des processus dits naturels. Après la perestroïka et la dégénérescence de la science fondamentale, nous avons essayé de mettre en pratique nos connaissances académiques.

C’était du temps où les étudiants en DEUG vendaient du café au marché et où les vivres nous ont été coupés. En 1995, je me suis décidé à créer une petite unité commerciale qui s’est développé à partir de cet embryon en « Groupement Alliance ». A nos premiers balbutiements nous avons tâté un peu de tout. Comme le meilleur produit de l’époque était l’argent, nous inventions de s moyens légaux de le faire multiplier. Ce qui nous a permis de coopérer avec la Banque de Russie et le Ministère des Finances sans parler des régions. Et ce n’est qu’après, au gré de notre émergence consécutive que nous nous sommes penchés sur les problèmes d’envergure. Les principes sont restés les mêmes, car comme disait l’un de mes maîtres, la solution du problème n’a rien à voir avec l’échelle de son application.

Tout d’abord je voudrais toucher un mot à propos du programme « Ondine ». Pour la petite société spécialisée en génie que nous sommes, notre diversification a de quoi étonner. Ce programme baptisé « Ondine » est incontestablement à mettre à notre actif. Lorsque j’ai été travailler avec mes collègues américains dans le domaine nucléaire, j’ai reçu un jour une drôle de demande qui m’a été adressée par la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). Cet organisme voulait considérer la possibilité d’un travail en commun dans le détroit Béring et la mer des Tchouktches.

Le problème relevait du climatique mais était de connotation militaire et très délicat par-dessus le marché car localisé dans une zone limitrophe par rapport à deux grandes puissances. En plus cette région est très fréquentée par les flottes y compris sous-marines.

Pour ce qui est du climat, la région, avec son énorme débit d’eau par unité de mesure temporelle, génère la pluie et le beau temps, car c’est un goulot entre l’Océan Polaire et le Pacifique. Le transfert du sel et de la chaleur transite est très à l’étroit. L’indication du changement des paramètres hydrologiques de la région est l’un des principaux critères de la variabilité de l’état du système climatique de la région arctique. On en parle beaucoup avec les rumeurs courant sur le réchauffement de la planète et jusqu’aux spéculations sur la nouvelle période glaciaire. Vous connaissez peut être des discours alarmistes sur les régions inondées aux Pays-Bas, etc. Les Américains ont proposé de suivre systématiquement cette région. Et pendant cette période on ne débattait pas beaucoup de la continuation des travaux portant sur l’étude de l’Océan Mondial Arctique. Donc nous avons entamé nos travaux internationaux en l’absence de base légale. C’était une tâche digne d’aventuriers ce qui n’est pas sans rappeler notre travail dans le domaine du nucléaire. Nous avons trouvé une solution en faisant signer à une entité juridique russe de propriété privée, bien connue par les milieux scientifiques, un contrat direct de coopération avec un organisme américain public. On s’est fait passer au crible même par l’agence Moodie’s mais quoi qu’il en soit en 2003 le contrat fut signé. Et nous menons ces travaux depuis 10 ans déjà. Les moyens principaux sont mis à disposition par le contribuable américain ce qui n’était pas sans rendre perplexe nos organes de décision.

Rien n’aurait pu être imaginé sans supervision personnelle de l’académicien N.P.Lavérov que nous révérons comme un gourou de l’Académie des Sciences surnomme le Sagissime. Un homme d’Etat incontestablement capable des prises de décision originales. Nous avons élaboré à deux un traité de coopération entre l’Académie des Sciences et NOAA. Ce qui peut être considéré comme un accord de principe et point comme un traité intergouvernemental. On met en valeur que les activités sont à but non lucratif. Nous sommes aux nues quand « Alliance » se fait rembourser au moins les frais encourus.

Nous avons tenu à créer une coopération ouverte et non-commerciale entre les deux pays, entre deux grandes puissances aux noms des objectifs d’une portée planétaire. Cette échelle est incompatible avec les buts tactiques égoïstes des Etats. Et cela est très important.

Le problème était résolu grâce à mon équipe de professionnels qui comprend des physiciens et des biologistes. Du point de vue professionnel, un Institut du nom de GNINGI en abrégé, appartenant à la Défense et notre coopérateur de toujours nous a aidé à réaliser cette tâche ardue. Et chaque année nous partons en expédition en emmenant avec nous les scientifiques s’intéressant à prendre part à ces études. Pour ce qui est des Etats-Unis, une dizaine d’universités y contribuent en se faisant s’autofinancer ou puisant dans le budget public. Le budget annuel équivaut à quelques 2 Millions de dollars. La Russie, quant à elle, est représentée par les Instituts académiques et Roshydromét (Agence de HydroMétéorologie) dirigé par un collègue enthousiaste Alexandre Frolov.

La singularité de ces études réside en exhaustivité de données sur les paramètres. L’instrument principal est mis en pratique par les stations autonomes disposées aux huit points stationnaires du détroit Béring dont cinq dans la zone américaine. Le tout est bien sûr sous la houlette des organismes de contrôle que ce soit chez nous ou en Amérique. Trois stations sont localisées dans les eaux territoriales russes.

On mesure la température, la quantité de sel, la vitesse du courant, c'est-à-dire les principaux paramètres hydrologiques ce qui nous permet la construction des modèles et nos conclusions sur la variabilité des flux transitant par le détroit. Il y a d’autres recherches complexes qui sont menées de front. Nous avons une équipe de hydrobiologistes, spécialistes en géochimie, géologues. Nous menons également des travaux de recherche sur les flux de méthane en Arctique. Ce qui est de la plus haute importance. Les effets mis en évidence sont très subtils. Nous mesurons la quantité de méthane émanant de la décongélation des couches minéralogiques précédemment gelées. Plus il y a de méthane plus on verra se développer l’effet pareil à l’effet de serre. Cela provoque une avalanche du type de cause à effet. Mais il s’agit d’un réchauffement naturel et point anthropogène. Le signal découlant du méthane gelé est comparable au réchauffement dû aux activités volcanique et anthropogène. Toutes les données doivent être prises en compte. Je ne voudrais pas parler des aspects scientifiques de ces travaux mais puis vous assurer qu’il y a de sérieuses découvertes y compris dans le domaine de l’hydrobiologie.

Il est important de faire ressortir qu’il s’agit des listes de données en continu couvrant une dizaine d’années à peu près. Plus la période est longue, plus sa valeur est grande. Cela est statistiquement tangible. Le programme est extrêmement fragile surtout dans le cadre de l’opposition géopolitique des grandes puissances en Arctique. Je ne veux donner les noms des personnalités qui ont essayé de mettre fin à ce programme par des moyens non directs. Si il existe c’est grâce à un miracle, car un individu appartenant à la marine nationale l’a personnellement interdit l’année dernière. Le programme apporte pleine satisfaction au milieu scientifique américano-russe. Il est à noter que le programme a été déclaré comme l’un des cruciaux programmes climatiques dans le cadre de la Commission Présidentielle russo-américaine entre Medvedev et Obama. Elle a reçu également la plus haute notation des scientifiques des deux pays. Jusqu’aujourd’hui l’existence de ce programme était très peu ébruitée. Nous avions peur de donner l’information. Mais Arthur Tchilingarov pour qui j’ai beaucoup d’estime nous livre un flagrant exemple des actes brutaux dans cette région délicate. A mon sens, hisser un drapeau d’un pays donnée dans les eaux neutres est un acte pour le moins ambigu.

Cela a été peut être original mais les réactions négatives de nos collègues se sont fait sentir de façon épidermique et immédiate. Les professionnels sont profondément reconnaissants à Arthur Nikolaévitch, car les investissements financiers y compris dans la sphère militaire américaine a plus qu’augmenté après.

Pour ce qui est du développement de la Voie du Nord, cette voie représente le futur à la puissance 10. De ce point de vue, la considération des paramètres météorologiques devient un facteur autrement plus important. Les organismes économiques sont en train d’élaborer une décision sur les investissements à entreprendre. Ce qui compte également est l’intérêt brûlant des Chinois. Lors de nos discussions avec les Américains nous avons évoqué la possibilité de faire appel aux brise glaces chinois ce qui pourrait servir de leur apport financier au projet.

Du point de vue géopolitique il y a de 5 à 7 pays intéressés par la délimitation de leurs frontières arctiques. Tout ça c’est des Etats de cette zone. Il y a également un club de pays dont la Chine, la Corée et le Japon qui mettent en doute le droit prioritaire de ces Etats arctiques en manifestant leur désirr de participer aux partages des biens.

Du point de vue logistique une telle approche change de façon radicale l’optique de l’Arctique russe. Qu’avons-nous en esprit en parlant de cette région ? Une province marginale connue pour des histoires folkloriques à goût d’anecdotes ou encore la vision du Tableau de Mendeleïev, ou bien un moyen de se faire rapidement du fric en s’activant sur les derricks… L’ouverture de la Grande Voie stationnaire, les activités de la population se dynamisent. Le facteur climatique et l’état de la banquise n’est plus comme cela a été. Et ce malgré quelques fluctuations locales. L’heure est tout de même au réchauffement. Bien sûr, cela est inévitable. La géométrie de l’Arctique elle-même nous dit qu’un grand progrès dans l’Arctique russe est à survenir rapidement.

Pour ce qui est du problème des tracés des frontières, il est pour une grande part attisé par les politiciens. Certains chercheurs y contribuent également par leurs actes maladroits. A mon sens le droit international et le consensus des états arctiques sont deux clés de voûte, censées nous ouvrir la voie à une solution équilibrée du problème. Mais il est de notoriété publique que la Fédération de Russie a mal formulé sa demande adressée à l’ONU. Du point de vue de notre pays, la solution équitable réside en élargissement de la zone souveraine russe. Mais les règles sont bien connues. Il existe une commission onusienne qui travaille de façon très approfondie sur ce sujet. Les représentants russes en font partie. Notre délégué général est en train d’être changé. Le nouveau s’appelle Ivan Fiodorovitch Gloumov. C’est un chercheur arctique très connu, un éminent géologue, ancien adjoint au ministre des matières premières de la Fédération de Russie, un gourou de géologie maritime. Une personne extrêmement férue en cette matière. Le professeur Kazmine qui l’a précédé dans ces fonctions est également un spécialiste de niveau international. La position de la Russie au sein de la commission n’est pas si basse que ça. Bien au contraire nous y passons pour des leaders et pour décideurs légaux. L’algorithme est le suivant : il nous faut juste faire valoir des preuves convaincantes à propos des origines de la ligne côtière polaire russe. Et s’il s’avère que l’océan s’est développé sans lien génétique avec la Fédération de Russie, ce sera la preuve du contraire. C’est pourquoi il y a un travail de recherche mené par l’Agence Rosnedra. Les travaux ont débuté sous Anatoliï Ledovskikh avec des recherches pour la plupart gravimétriques et les carottes géologiques prélevées. Nous procédons maintenant au stade de forage. Le Groupement Alliance participe à ce travail financé par le budget. Du point de vue de la création d’une base de données notre allié naturel est le Canada. Nous avons quelques contradictions avec les Norvégiens. Il s’agit de l’Arctique Occidentale est très bien étudiée. Il ne sera pas difficile de constituer un dossier de preuves. L’Académie des Sciences y joue un rôle prépondérant avec Lavérov qui est toujours le leader. Il a su réunir une équipe énorme très compétente dans ce domaine. Je crois que la Russie va déposer le nouveau dossier en 2014. Et tous croient au succès d’abord au niveau d’experts et ensuite au niveau politique. Mais c’est également maintenant que les efforts politiques bilatéraux doivent avoir lieu.

A un moment donné le très sage ministre Lavrov a marqué le début d’une nouvelle ère. C’était lors de la réunion de Groenland qui a incarné le début de l’existence du club de pays arctiques qui doit l’emporter sur les intérêts individuels c'est-à-dire les désirs égoïstes des pays. Il me semble que cette frontière entre les pays arctiques et pas est parfaitement naturelle ».

C’était l’intervention de Monsieur Vitali Keondjan qui œuvre dans le domaine de l’avenir de l’Arctique russe.

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