Gavrilo Princip cet inconnu de Sarajevo

Gavrilo Princip cet inconnu de Sarajevo
Gavrilo Princip cet inconnu de Sarajevo - Sputnik Afrique
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Le 28 juin 1914, le terroriste nationaliste yougoslave Gavrilo Princip assassinait l’Archiduc François-Ferdinand de plusieurs coups de revolvers, événements déclencheurs de la Première Guerre mondiale.

Si cet assassinat, l’attentat fameux de Sarajevo a été maintes fois commenté, l’homme qui tenait l’arme du crime dont furent victimes l’Archiduc d’Autriche et sa femme reste pour la plupart un illustre inconnu. Cet homme c’est Gavrilo Princip, un jeune étudiant serbe de Bosnie-Herzégovine né en 1894. Il était né dans l’actuelle Bosnie-Herzégovine se trouvant le 7ème enfant d’une famille nombreuse de 9 enfants. D’extraction très pauvre, il vécut une enfance et une jeunesse marquée par la pauvreté, les guerres irrédentes contre les Ottomans et dans un contexte historique bien particulier où le nationalisme était omniprésent.

En effet, depuis l’érosion nette de l’Empire Ottoman, les nations chrétiennes soumises par les Turcs ont commencé de longue date à chercher à s’émanciper. Les Grecs ont été les premiers à se soulever obtenant leur indépendance en 1831. Le reste des pays des Balkans est toutefois encore longtemps sous la domination ottomane. La Guerre de Crimée en particulier retarde l’effondrement de l’Empire Ottoman, les Français, les Anglais et les Piémontais venant contrer les projets de domination russe. Toutefois la Moldavie et la Valachie forme la Roumanie en 1859. En 1876 les Bulgares se révoltent entraînant la guerre russo-turque de 1877. Le traité de San Stefano de 1878, ne règle pas les problèmes n’accordant aux insurgés qu’une autonomie relative.

Ce traité bancal qui ne satisfait pas les aspirations locales conduit bientôt à une rivalité entre les Serbes et les Bulgares pour s’approprier les terres de l’Empire Ottoman en déliquescence. En 1885, une première guerre éclate entre Serbes et Bulgares sans de résultats probants. Il faut attendre 1908 pour qu’officiellement la Bulgarie gouvernée par un prince d’origine allemande proclame son indépendance. Cet écroulement progressif des Ottomans, incite le puissant Empire Austro-Hongrois à tenter de prendre le contrôle de régions balkaniques. Les Autrichiens entrent donc en conflit avec les Serbes et les Bosniaques et ils annexent la Bosnie également en 1908. Cette annexion aggrave la situation déjà compliquée dans la région et attise des mouvements de résistances serbes.

Une guerre, prémices de la Grande Guerre éclate dans les Balkans en 1912. Elle oppose les Etats de la ligue balkanique, la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et le Monténégro avec l’appui de la Russie contre l’Empire Ottoman. Presque moribond, l’Empire ne peut résister à une telle coalition. La situation devient explosive à la fin de ce conflit en mai 1913. Car les Bulgares se sont emparés de larges régions aux dépens des Ottomans, la Serbie également, et la Grèce a mis la main sur la Macédoine. Dans la fournaise de la guerre l’Albanie s’émancipe et coupe l’accès à la mer de la Serbie tandis que la possession de la Macédoine reste contestée par les Bulgares.

Refusant de se plier aux traités internationaux, la Bulgarie attaque la Grèce mais elle est bientôt elle-même attaquée par la Roumanie et les Ottomans. Après des batailles qui laissent la Bulgarie affaiblie, un nouveau traité (août 1913) met fin à la deuxième guerre balkanique et change notoirement les frontières laissant toutefois à nouveau des rancœurs. La Grèce est sensiblement agrandie, la Serbie reçoit de nouveaux territoires, la Roumanie empiète sur la Bulgarie qui conserve une partie de ses conquêtes sur les ottomans mais doit en rétrocéder une partie aux Turcs, aux Grecs et aux Serbes.

Désormais toute la région est dans un état d’ébullition incroyable, une véritable poudrière, la poudrière des Balkans qui fait craindre de fait une guerre à plus grande échelle. La conclusion du traité de Bucarest qui met fin au conflit ne laisse en fait que des mécontents. Les Serbes notamment n’ont pas reçu le territoire de la Bosnie qu’ils convoitaient. Dans ces conditions l’équilibre mondial apparaît bien précaire en cette fin d’année 1913, c’est à ce moment qu’entre en scène Gavrilo Princip, personnage qui de quelques balles de révolvers allait être le détonateur d’une effroyable boucherie, la Grande Guerre.

Les historiens ont beaucoup écrit à son sujet, mais Princip est resté jusqu’à ce jour une sorte d’énigme dont il est difficile de délier les fils. Son appartenance ou non à l’organisation secrète terroriste de La Main Noire a beaucoup été débattue. Fut-il réellement guidé et membre de cette organisation nationaliste serbe ? Difficile à dire. Son acte devait avoir des conséquences sans limite, mais son jeune âge (19 ans), n’ayant pas atteint l’âge officiel de la majorité lors de son acte meurtrier lui évita une condamnation à mort et une exécution exemplaire. De prime abord ce fait pourrait paraître salutaire pour ce jeune homme, mais il n’en fut rien car il eut mieux valut pour lui de subir l’échafaud.

Il assista en effet de sa prison à l’embrasement général de l’Europe puis du Monde étant finalement enfermé dans la forteresse de Theresienstadt sur le territoire actuel de la République Tchèque. C’est ici que victime de la cruauté de ses gardiens, il fut isolé et enfermé dans une prison sans toit, à la merci des intempéries et victime des violences des gardes. Maintenu ainsi dans des conditions inhumaines, c’est un châtiment pire que la mort qui attendait le jeune homme, ainsi rétrogradé au rang de bête. Rongé par la tuberculose osseuse dont il était atteint dès avant l’attentat, il est amputé du bras gauche. Il ne put toutefois survivre longtemps aux mauvais traitements et à sa maladie. Il meurt le 28 avril 1918.

Sa fin, son acte furent bientôt repris par les diverses propagandes de divers mouvements yougoslaves. Honorés par les monarchistes, sa figure symbolique est reprise par les communistes de Tito et à ce jour encore glorifié par différents peuples, dont les Serbes, les Monténégrins, les Macédoniens et encore les Bosniaques. Dans la Yougoslavie se trouvait avant son effondrement de nombreuses rues portant son nom et le pont où l’Archiduc et sa femme avait été assassiné par Princip avait également été renommé en son honneur. Triste privilège de cet homme fanatisé de voir son portrait véhiculé pour toujours dans les livres d’histoires et triste fin pour un pauvre hère qui n’avait sans doute pas conscience des conséquences réelles de son geste. Assassin, héros ? La question divise en effet l’opinion et trouve son parallèle avec un autre assassinat…

Il s’agit de Jean Jaurès, et d’un autre assassin, Raoul Villain dont le parcours n’est pas moins intéressant que celui de Princip. Deux terroristes, deux assassinats pour déclencher une guerre qui d’européenne fut ensuite mondiale, le parallèle est flagrant entre les deux hommes. Deux nationalistes également pour deux causes différentes mais qui mettent en exergue le problème des terres irrédentes dans toute cette période de l’histoire de l’Europe. Les Peuples après l’épopée révolutionnaire et impériale napoléonienne aspiraient à la liberté, celle de se gouverner et de choisir leur destin. En cela, Princip peut être honoré comme un héros patriote, un héros national serbe, mais son acte, un meurtre politique, bien que parfois comparé à d’autres, ne doit pas faire oublier les affreuses conséquences de cette guerre terrible qui s’ensuivit même s’il est assez évident que Gavrilo Princip ne fut ensuite qu’une mauvaise excuse pour l’Empire Austro-Hongrois de faire pression sur une Serbie dont elle souhaitait la liquidation.

La Serbie effectivement avait répondu de manière positive aux exigences austro-hongroises et nous connaissons la suite, le déclenchement de la Grande Guerre, une guerre qui plus que les précédentes prit un visage inhumain, la première véritable guerre industrielle, amenant des destructions de masse et l’élimination de millions de soldats par une puissance inégalée à cette époque du feu, notamment de l’artillerie. Les guerres de Sécession aux Etats-Unis et la guerre Franco-Prussienne peuvent être considérées comme avant-coureuses de ces guerres d’extermination de masse.

Mais elles n’eurent pas la portée et l’intensité de la Première Guerre mondiale qui par ailleurs fut la mère de la Seconde Guerre mondiale. Alors que Jaurès et l’Archiduc François-Ferdinand baignaient dans leur sang, leurs assassins, Villain et Princip échappaient à une exécution qui paraissait logique alors que la guerre enflammait l’Europe et le Monde, dévoilant l’hideuse face du nationalisme et plongeant l’Europe dans ce qui a pu être évoqué comme étant son suicide.

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