En fait, cette conférence télévisée a fait office de préparation aux journées de la culture russe organisées à Lacoste, dans le Vaucluse, où se trouve le château – presque envie de dire le manoir – du démiurge-couturier. Celui-ci espère que le programme d’échange lancé contribuera à l’affermissement des relations franco-russes non seulement dans le domaine de la haute-couture mais aussi, par extension, à divers niveaux culturels. L’ouverture du festival est prévue pour le 6 juillet avec un concert donné par la fanfare de la cour impériale russe. Elle sera suivie de l’expo du designer de mode Alla Dotsenko et de celle de Serguei Gleboushkine – le retour aux racines – qui présentera à un large public d’authentiques costumes russes traditionnels issus de sa collection privée ainsi qu’une expo photo avec les portraits de ceux qui font la vie culturelle, sportive et politique d’aujourd’hui. Le 7 juillet étant la journée de la mode, le concours CHANCE 2012 rassemblera de jeunes stylistes et un jury des plus calé dans lequel on distinguera, vous l’aurez deviné sans peine, Mr. Cardin en personne, le designer Viatcheslav Zaytsev, Stéphane Rabimov et j’en passe … La remise d’un prix au nom très parlant, Pour la Russie avec amour, viendra ponctuer le concours de la Belle au manoir vestimentaire.
Ayant vu à coup de vent cet entretien télévisé du mardi 19, je ne peux relever que du bon, à savoir l’intérêt manifeste du public russe pour le Patriarche du prêt-à-porter, sa sympathie et son respect à lui pour la Russie, p ays-muse au visage royal de la danseuse étoile Maya Plissetskaïa, reine des airs dont les airs parfois gracieusement tragiques recoupent ceux de Junon et de Avos du Théâtre Lenkom, spectacle chefdoeuvral qui sera ultérieurement présenté sur la scène du Théâtre Espace de Paris.
Le prêt-à-porter, l’unisexe, les splendides robes de soirée … Le caractère omnivore de Mr. Cardin n’a pas seulement devancé les attentes et exigences de sa génération ! Il est devenu hors-temps, car on ne puit véritablement définir son style foisonnant, hétéroclite, épuré. De même faut-il accorder à cet homme exceptionnel une qualité, je présume, inséparable de tout talent : le mépris de tout préjugé et je fais ici allusion aux relations qu’ils entretenaient avec l’URSS en des temps d’éloignement avoisinant l’isolement. A noter également la simplicité très naturelle avec laquelle il répondait aux questions qui lui avaient été posées pendant le pont, des questions du type « quels sont les vêtements qui doivent figurer dans la garde-robe d’une femme?» ou, question plus technique posée par Mr. Mitrofanov, député de la Douma, sur l’éventuelle inauguration d’une chaîne télévisée entièrement consacrée aux créations de la maison Cardin. La réponse y fût d’ailleurs négative, le maître couturier ne désirant pas être médiatisé outre mesure.
Somme toute, le prêt-à-porter revêtu de la griffe Cardin rejoint avec non moins de génie son prêt-à-répondre élégant. Le 2 juillet, le Patriarche couturier fêtera ses 90 ans, le 6 juillet, il inaugurera son énième festival luberonnais … et pourtant, vieillit-on en créant? Car, comme disaient les Anciens, Ars longa, vita brevis. Je rectifierais toutefois dans un style plus impératif : que Cardin perdure, que Pierre dure.
