Le nouveau président de Serbie vient de se faire élire et le plus intéressant est qu’il ne fait que rajouter un pays de plus aux contrées européennes dirigées par la droite. On pense notamment à l’Autriche et à la Grèce. Comme quoi quand l’économie se porte mal, les gens se tournent vers le sol et commence à aimer leur patrie au grand dam du flamboyant globalisme qui fait loi au G8. Le seul résultat de la coopération avec l’OTAN est son avancée glorieuse vers les frontières de la Russie et n’allez pas me seriner sur les bienfaits de la démocratie surtout quand il s’agit d’installer des prisons secrètes du renseignement américain en Pologne ou presque dans les pays baltes.
Les Serbes ont bel et bien payé la note de la disparition de l’URSS qui équilibrait le système et toute l’Europe semble un peu déboussolée face à une nouvelle réalité qui se profile de plus en plus à l’horizon. Un groupe de gens de bon sens français et suisses s’efforce d’élaborer une nouvelle vision qui réponde aux intérêts du Vieux Continent et pas à ceux d’une nébuleuse de financiers globalisés battant le pavillon international.
Slobodan Despot, propriétaire de la maison d’éditions Xenia en Suisse romane, fait partie de ces gens-là. Nous vous proposons de suivre ses commentaires qui sont un bel échantillon d’analyse occidentale doublée du cœur d’un Slave.
La Voix de la Russie : Monsieur Despot, vous vivez et travaillez en Suisse. Vous êtes à la fois Suisse et Serbe. Il faut avouer que la Russie suit de très près ce qui se passe en Serbie car les Serbes sont un peuple frère cher au cœur des Russes. D’après les résultats de la présidentielle à Belgrad, Nikolic a obtenu 49,5 % contre 47,5 % pour Tadic. Croyez-vous que cela reflète l’état d’esprit des Serbes ? Pourquoi ce décalage est-il si petit ? S’agit-il d’une victoire technique ou du changement d’attitude du peuple serbe qui pense maintenant beaucoup plus à ses propres intérêts qu’à l’Europe ? Qu’est-ce que vous en dites vous-même subjectivement parlant ?
Slobodan Despot : Eh bien, c’est vrai que l’écart est très serré et que l’on donnait plutôt le parti démocratique et Monsieur Tadic gagnant. Les médias ont l’air d’être surpris par la victoire du parti progressiste et de Nikolic. Il est clair que ce vote est un vote qui ne permet pas un changement radical dans la politique du pays. Il est clair que M.Nikolic va devoir composer avec d’autres forces politiques pour constitution du gouvernement. Et on sait aussi par ailleurs que M.Nikolic a annoncé peut être de manière tactique, qu’il ne comptait pas se détourner de la candidature de la Serbie à l’Union Européenne. Qu’il comptait, en gros, poursuivre la même voix que celle qui a été tracée par ses prédécesseurs sur le plan de la politique internationale. Mais considérant que depuis l’an 2000 et la chute de Milosevic avec les gens qui ont été au pouvoir, donc démocrates de Monsieur Tadic, avait une mise absolue sur toute la société en Serbie que ce soit l’administration ou grandes entreprises, les privatisations, évidemment les médias, l’immobilier, l’instruction publique – le fait que le candidat de cette formidable machine aux pouvoirs, est tout de même perdu, montre que la population serbe en a ras le bol. Et je crois que s’il a perdu, c’est que son groupe politique qui est celui de la bourgeoisie centriste pro-occidentale a tout simplement perdu son propre bassin électoral qui est la classe moyenne parce que depuis 10 ans ou 12 ans – depuis que ce groupe-là est au pouvoir, la classe moyenne en Serbie a été décimée et appauvrie bien plus que sous le régime précédent de Milosevic qui était en principe un régime de gauche. Donc je crois que l’électorat de Tadic est tellement déçu qu’il ne s’est même pas déplacé pour voter ce qui explique un très faible pourcentage de vote. Et que seul Nikolic a eu la possibilité de mobiliser la population qui, dans son ensemble, est très démoralisée. Donc c’est vrai que sur un plan technique le changement n’est pas très grand. C’est vrai que ce n’est pas une révolution en Serbie mais il est vrai aussi que sur un plan symbolique cette victoire du camp national, progressiste contre le camp mondialiste, bourgeois en Serbie est un signe de temps. Le peuple serbe n’a rien retiré de ses concessions à l’OTAN depuis une douzaine d’années. A chaque fois que les Serbes via M.Tadic ont fait un geste que ce soit dans la quasi reconnaissance de Kosovo, que ce soit dans la traque au présumé criminel de guerre recherché par La Haye ou pour les excuses, les pardons que l’on a demandé constamment à tous les voisins à cause de la guerre civile que le Serbes d’ailleurs n’avaient pas déclenché dans les années 90… Eh bien, à chaque fois les Serbes ont fait des gestes et au lieu d’être récompensé sur le plan politique ou économique, ils n’en ont été que punis. Donc le puni se trouve aujourd’hui dans un état beaucoup moins enviable qu’à l’époque où la guerre avec l’OTAN en 99. Et ça ceux qui ont gouverné depuis une douzaine d’années, doivent le payer même s’ils ont à leur disposition un appareil médiatique qui dit le contraire.
La Voix de la Russie : Merci, Monsieur Despot ! Deuxième question qui a trait à ce que vous venez de dire : en parlant du sort du général Mladic, est-ce que les Serbes s’y intéressent ? Est-ce qu’on en parle au moins dans la presse serbe ?
Slobodan Despot : Oui, on en parle mais évidemment de moins en moins. Il y a très longtemps que l’opinion publique, la population s’est convaincu que le Tribunal International de La Haye n’est pas du tout un Tribunal chargé de rendre la justice mais un Tribunal politique qui est chargé de légitimer et de sanctionner les conquêtes des Alliés de l’Occident dans les Balkans. Les gens savent que les dirigeants serbes qui ont été inculpés et quelquefois kidnappés, jugés, mal jugés, quelquefois même probablement assassinés à La Haye, n’étaient pas aussi coupables qu’on le dit. Les Serbes savent que des événements comme le massacre de Srebrenica étaient démultipliés, aggravés par la machine médiatique pour légitimer la guerre qui était faite aux Serbes mais il faut comprendre que le pays se trouve dans un tel état de dénuement économique, de désespoir politique ce qui veut dire que les gens ne pensent plus qu’il y ait quelqu’un qui puisse changer le cours des choses, que les questions de principe liées à la dignité nationale, à l’histoire, à la morale, à la justice passent au second plan. Ce qui vraiment intéresse la population c’est de cesser de souffrir, de retrouver du travail, d’avoir une monnaie qui tient et d’avoir finalement de quoi boucler les fins des mois. La Serbie est un pays très riche en agriculture, sous-sol, ressources minières, ressources fluviales, donc hydro-électriques et qui se trouvent être aujourd’hui le pays le plus pauvre au monde à cause de la politique menée depuis que l’on l’a soi-disant démocratisée. Donc ces gens voudraient tout simplement retrouver un peu de dignité à travers une vie décente et ensuite commencer à se préoccuper des questions qui relèvent de l’histoire ou de la justice.
La Voix de la Russie : Merci de ces commentaires ! Monsieur Despot, on comprend que vous êtes éditeur, que vous vivez en Suisse mais vous êtes une personne très lettrée et versée en sciences internationales. Vous pensez surtout à la Serbie qui est un thème de préférence. D’après vous, quelles sont les grandes lignes du programme de Nikolic parce qu’on pense beaucoup en Russie à la région de Kosovo. On voit très bien les Serbes de région affronter tous les dangers pour assurer un passage vers le territoire souverain pour avoir de l’aide. Est-ce que Monsieur Nikolic y pense ? Ou il pense plutôt continuer comme Tadic avec l’adhésion à l’UE ?
Slobodan Despot : D’après moi c’est quelqu’un qui n’a pas la même vision du monde que M. Tadic et son clan. C’est quelqu’un qui est plus proche des intérêts nationaux et qui évidemment est beaucoup plus favorable à l’alliance avec la Russie. Et il l’a montré. Durant ces dernières années la Russie a été complètement écartée des affaires ex-yougoslaves. Or il se trouve que depuis ces derniers mois toutes les interventions militaires ou politique en faveur de Kosovo serbe, ont été menées même en Russie et même par l’ambassadeur de Russie qui du coup a eu des problèmes avec le pouvoir de M.Tadic pour ingérence dans les affaires du pays. Evidemment ceux qui ont élu M.Nikolic, ne veulent pas lâcher le Kosovo. M. Nikolic leur doit la défense du Kosovo. M. Nikolic est quelqu’un avec son parti qui ne croit pas du tout au modèle de la société occidentale, ni surtout à la fiabilité des alliances avec l’OTAN. Je suis certain que dans une large mesure l’équilibre ds alliances de la Serbie va se tourner de plus en plus vers l’Orient, vers la Russie, vers la Chine et d’autres. Pendant une dizaine d’années la Serbie a été complètement dans l’orbite de l’UE et de l’OTAN. Sans aucun profit, je vous le précise. Donc de ce côté-là cela va se rééquilibrer. Ce qui de l’autre côté est beaucoup plus difficile, cela va être de faire marche arrière sur les concessions diplomatiques faites par le précédent gouvernement e qui si M. Nikolic avec son gouvernement essaie de revenir au statu quo ante, notamment sur les résolution des Nations Unies qui ont présidé à l’occupation de Kosovo par l’OTAN, cela sera perçu dans l’Occident comme des gestes impérialistes et belliqueux en provenance de la Serbie. Evidemment comme le sait M. Nikolic la Serbie n’a pas les moyens aujourd’hui de se confronter militairement aux Occidentaux. Donc je pense que dans un premier temps il sera question d’abord de reconstruire un tout autre système d’alliance internationale pour la Serbie, et ensuite dans un deuxième temps une alliance internationale avec l’affaiblissement probable de la position de l’OTAN dans les mois et les années qui viennent et ensuite remettre sur la table l’indépendance du Kosovo crucial pour la Serbie que pour l'équilibre régional aussi bien que pour les intérêts de la Russie, cela va de soi.
On l’a vu : même si Nikolic a gagné avec un faible pourcentage, il cherche déjà à s’émanciper de l’influence américaine. Un autre Président chéri par sa nation semble au contraire être aux nues après s’être offert une tasse de café avec Barak Obama, chef incontestable de l’OTAN qui a enlevé à la France sa souveraineté militaire des mains d’un Sarkozy. Mais ça évidemment, ça n’intéresse personne.