Le G8 dépanne de nouveau l'Europe et l'Afrique

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Quand on dresse le bilan d'événements tels que le dernier sommet du G8 qui s'est déroulé dans la résidence du président Obama de Camp David, il est toujours important de noter que le bilan dépend du point de vue de l’observateur.

Quand on dresse le bilan d'événements tels que le dernier sommet du G8 qui s'est déroulé dans la résidence du président Obama de Camp David, il est toujours important de noter que le bilan dépend du point de vue de l’observateur. En l'occurrence, la tentative d'adopter un point de vue complètement neutre aboutit à la constatation que le G8 a apporté un soutien à l'Allemagne et à l'Europe dans son ensemble (en leur prodiguant de bons conseils). Toutefois, un groupe important de présidents africains invités à la rencontre, estiment probablement que le principal résultat est que le G8, ce club qui réunit les dirigeants des premières économies du monde, a apporté une nouvelle aide au continent africain.

Croissance ou austérité?

Certes, le volet européen est le plus significatif. Après tout, il s'agit d'un changement crucial dans la perception d'une partie au moins des dirigeants mondiaux des questions ponctuelles mais très sérieuses de la gestion de l'économie de la planète. Quelle était, avant le sommet du G8, la perception des Européens de la crise frappant l'Union européenne et la zone euro? L'idée était grosso modo la suivante: on ne peut débloquer des fonds à l'intention des dépensiers (tels que la Grèce) que s'ils se mettent désormais à mener une politique d'austérité. Etant donné qu'il était avant tout question d'allouer des fonds allemands, le rôle qui revenait au Camp David à la chancelière Angela Merkel était particulièrement important.

Toutefois, au cours de ces derniers mois, en Europe on entendait de plus en plus distinctement un autre leitmotiv, selon lequel l'austérité budgétaire équivaut à l'absence de croissance économique. Or, si le PIB diminue, comment peut-on rembourser les emprunts?

La récente élection de François Hollande (invité de marque de Camp David) a constitué un message tout à fait particulier. Le nouveau président de la République Française s'oppose à la réduction des dépenses budgétaires et aux arrangements précédents entre la France et l'Allemagne concernant le pacte budgétaire pour l'Europe. Globalement, les électeurs européens font comprendre que la discipline budgétaire illimitée n'est plus très appréciée sur le Vieux continent. D'ailleurs, les Etats-Unis seraient également partisans de la croissance. Tout comme la Russie. Il est donc nécessaire de réviser les scénarios.

Franchement parlant, le dernier sommet du G8 s'est traduit par une tentative de combattre Angela Merkel dont le plan d'austérité avait échoué et par un effort de la reconvertir à une autre religion économique. Le plan a presque réussi. Les documents relatifs aux autres points de l'ordre du jour (l'Iran, la Syrie, etc.) avaient été concertés à l'avance en vue de leur signature, toutefois ils ont été brièvement discutés.

Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a dressé un bilan très détaillé du sommet, et les résultats semblent parfaitement clairs: l'Europe sera sauvée, la Grèce a été dans la ligne de mire du forum (selon les participants, elle doit rester au sein de la zone euro), la philosophie économique a connu un revirement – l'amour effréné de la discipline financière a fait place à une attitude plus modérée: on reconnaît désormais à la fois la nécessité de la discipline et de la croissance. Tel est le bilan approximatif du sommet. François Hollande ne s'est pas vraiment imposé face à Angela Merkel, mais un pas dans ce sens a été accompli.

Comme toujours, il est intéressant de se pencher sur les détails et les nuances. Par exemple, si on décide d'abandonner la rigueur budgétaire au profit de la stimulation économique, que devrait-on stimuler? Le quotidien américain The Washington Post met un accent particulier sur cette question: le communiqué final du sommet comprend l'idée selon laquelle il faudrait investir dans l'enseignement et l'infrastructure. La croissance suivra.

Quant à l'Afrique, le G8 s'est en effet depuis longtemps transformé en un club à vocation caritative, mais cette fois on n'a promis d'argent à personne, en revanche les Africains ont été assistés par de bons conseils: ils ont appris qu'en Afrique il fallait investir dans la croissance. Apparemment, il s'agit également de l'enseignement et de l'infrastructure.

Pourquoi remiser le G8, il peut encore servir

Ces dernières années, il est intéressant de suivre non seulement le déroulement des sommets du G8 mais avant tout les discussions au sujet de l'utilité de cette organisation. On a l'impression que ses réalisations intellectuelles de cette année auraient tout aussi bien pu être présentées lors du forum économique annuel de Davos et être coulées dans le béton lors du prochain sommet du G20, bien plus sérieux que le G8, à Los Cabos, au Mexique. Si les dirigeants de 8 pays sur 20 avaient absolument souhaité se réunir en comité restreint sur ce lopin de terre planté de cactus la veille du sommet du G20, ils auraient pu s'y rencontrer et prendre les mêmes décisions qu'à Camp David. Et ils auraient pu être huit, trois ou quatre, peu importe.

A la veille du dernier sommet du G8 au Camp David, un des chroniqueurs du Washington Post n'a trouvé que cinq raisons pour lesquelles le G8 continue d'exister. Il a notamment évoqué le rôle "particulier" de certains pays européens qui remet en question la raison d'être de l'Union européenne. Il a également précisé que la Russie n'aurait jamais dû être admise au G8, car elle ne le méritait pas. Finalement (et c'est le plus incroyable), il estime que le G8 sert à marquer l'abîme entre les élites et les masses, ce qui, selon l'auteur, tend à devenir le problème clé du millénaire.

En fait, les raisons sont bien plus nombreuses que celles citées par l'Américain. Toutefois, la question clé est la suivante: le G8 avait été conçu en tant que club des "principaux" leaders du monde. Or, ce n'est plus le cas, car les dirigeants en question sont regroupés au grand complet au sein du G20 évoqué ci-dessus. Et le G8 est un anachronisme qui cherche par tous les moyens à démontrer son utilité afin de ne pas être amené à annoncer sa propre dissolution.

Le G8 est un forum officieux rassemblant les dirigeants des principaux pays industriels, et dans son cadre ses membres concertent les approches des problèmes internationaux d'actualité.

En fait, même l'article de la Wikipédia consacré au G8 comprend un chapitre spécial sur la discussion portant sur l'utilité de cette organisation aujourd'hui…

L'histoire des convulsions du G8 est assez captivante. Quelque deux ans auparavant, le club invitait traditionnellement à ses réunions les pays sans lesquelles les séances auraient complètement inimaginables. Il s'agissait de la Chine (la deuxième économie du monde et la deuxième puissance mondiale), du Brésil et de l'Inde (tous ces pays sont des économies plus importantes que l'Italie, le Canada ou le Royaume-Uni faisant partie du G8). Ensuite, cette idée a fait long feu, car en 2008, avec l'éclatement de la crise, le G20 a été constitué, et – attention! – la Chine a fait comprendre en douceur que la participation au G8 ne l'intéressait pas. C'est alors que tout le monde a compris que le G8 n'était plus le même et qu'il fallait prendre des mesures.

D'ailleurs, la Russie, qui parmi tous les membres du G8 a les meilleures perspectives économiques pour 2013, n'a pas agi à l'instar de la Chine, et les raisons pour lesquelles son président Vladimir Poutine ne s'est pas rendu cette année au Camp David ont été expliquées en long et en large.

Toutefois, compte tenu de la démarche chinoise, cette idée sera tout de même inévitablement présente en arrière-plan.

C'est Nicolas Sarkozy, l'hôte de l'avant-dernière année, qui a sauvé le club en promettant de lui insuffler une nouvelle vie. Il n'en a rien fait, mais tout le monde a fini par s'habituer à l'idée qu'il est possible de se réunir non pas pour faire semblant de gouverner le monde mais tout simplement par inertie.

Pourquoi envoyer à la casse un outil qui pourrait un jour resservir? S'agit-il d'analyser les différends idéologiques et économiques entre les Etats-Unis et l'Europe, comme on vient de le faire au Camp David? Eh bien, c'est à cela que le G8 peut servir: on n'y prend aucune décision et c'est le cadre idéal pour échanger des propos. La nécessité est-elle apparue d'établir un contact entre les grandes puissances traditionnelles et les pays émergents? C'est là que la Russie entre en scène: elle est à la fois membre du G8 et du BRICS (acronyme désignant le club réunissant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud), et son rôle de "lien" entre les deux organisations pourrait un jour s'avérer utile. L'avenir le dira…

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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