Il y a exactement un an, l'Union européenne (en la personne de son conseil des ministres de l'Economie et des Finances) a approuvé l'octroi d'une aide financière extérieure au profit du Portugal à hauteur de 78 milliards d'euros. Durant l'année qui s'est écoulée, l'économie du pays s'est améliorée, mais le Portugal pourrait être contraint de solliciter un nouveau crédit à l'Union européenne et au Fonds monétaire international (FMI), et la Grèce en porterait la responsabilité.
L'Union européenne s'est engagée à octroyer au Portugal 52 milliards d'euros, et le FMI, qui a également participé au programme de sauvetage du pays d'un défaut de paiement, prévoit d'accorder jusqu'à 26 milliards supplémentaires. La durée moyenne du crédit s'élève à 15 ans.
Le pays s'est retrouvé dans l'incapacité de refinancer par ses propres moyens sa dette publique en quittant le marché des prêts à long et à moyen terme en raison des conditions trop défavorables de leur octroi.
La Commission européenne prévoit le niveau de la dette publique du pays en 2012 à hauteur de 113,9% du PIB, contre 107,8% du PIB l'année dernière. En 2013, selon les prévisions, cet indice devrait dépasser 117% du PIB du Portugal.
Le programme du financement extérieur du Portugal vise à le faire revenir sur le marché des prêts à long terme en 2013 afin qu'il commence progressivement à refinancer lui-même sa dette, et non pas grâce à l'argent de l'UE et du FMI, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Les créanciers espèrent qu'en 2014 l'Etat sera capable de le faire seul, et c'est la raison pour laquelle les tranches d'aide financière du FMI et de l'UE sont prévues jusqu'à la moitié de l'année 2014.
Le Portugal était le troisième pays de la zone euro, derrière la Grèce et l'Irlande, à avoir souffert de la crise mondiale en raison des problèmes de la dette et du marché financier, et à demander une aide extérieure.
Comme les autres pays en difficulté, le Portugal reçoit des tranches de crédit en échange de la mise en œuvre du programme de réformes, de rétablissement de l'économie et de réduction considérable de ses dépenses budgétaires. La troïka (les représentants de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du FMI), se rend à Lisbonne tous les trimestres pour évaluer les progrès accomplis par les autorités dans la mise en œuvre de ce programme socioéconomique.
Début avril, le numéro deux de la mission de la troïka européenne, Peter Weiss, a déclaré que le Portugal pourrait revenir sur les marchés des prêts à long et moyen terme comme prévu, en 2013. Weiss a également déclaré que Lisbonne n'aurait pas besoin d'une seconde tranche d'aide financière si la tendance actuelle était conservée.
La majorité des experts interrogés par RIA Novosti estiment qu'en 2013 ce pays ne reviendra pas sur ces marchés, ce qui entraînera la formation dans son budget d'un gouffre d'environ 9,5 milliards d'euros – sous la forme de dettes qu'il lui serait nécessaire de refinancer ou de rembourser l'année prochaine, or le montant de l'aide financière accordée en 2011 ne suffira pas à colmater la brèche. En 2014, ce trou financier pourrait atteindre 13-14 milliards d'euros.
Tout va presque bien
Le Portugal n'est pas lui-même responsable de son incapacité à regagner la confiance des investisseurs et les amener dès 2013 à manifester de l'intérêt pour ses obligations à des prix acceptables, déclarent les analystes.
"D'après le dernier rapport du FMI, le Portugal réalise avec succès son programme économique et ses réformes structurelles", a déclaré à RIA Novosti Julia Neudorfer, analyste de Raiffeisen Research.
Les analystes font remarquer que la situation au Portugal est bien meilleure qu'en Grèce. Les experts de la troïka estiment que cette année le Portugal pourra remplir son principal objectif – parvenir à un niveau de déficit budgétaire de 4,5% du PIB. La Commission européenne cite le même indice.
Selon les estimations préliminaires, l'économie du Portugal s'est réduite de 0,1% au premier trimestre de 2012 par rapport au dernier trimestre de 2011. Les analystes interrogés par l'agence Reuters s'attendaient à une baisse de 0,7%.
"Ces indices sont étonnants, car le taux de chômage continue d'augmenter dans le pays. Je ne me risquerais pas à extrapoler ce résultat en parlant d'une éventuelle croissance positive pour les prochains trimestres", a déclaré un économiste d'une grande banque européenne. Au dernier trimestre 2011, la situation sur le marché de l'emploi s'était considérablement aggravée, le taux de chômage avait augmenté à 14% au lieu de 12,7% à l'issue du troisième trimestre de 2011. En 2012, le taux de chômage a poursuivi sa hausse pour atteindre15% en février.
"Le Portugal dépend fortement de la croissance économique en Europe. Ses principaux partenaires commerciaux sont les pays de la zone euro (64% du total des exportations), avec 25% des exportations vers l'Espagne", a fait remarquer Anders Svendsen, analyste à Nordea.
L'économie de la zone euro a commencé à se réduire l'année dernière. Le PIB de la région au premier trimestre 2012 n'a pas changé par rapport au dernier trimestre de l'année dernière, a rapporté Eurostat. Au quatrième trimestre 2011, cet indice s'est réduit de 0,3% par rapport au troisième trimestre. L'Espagne, principale partenaire commerciale du Portugal est considérée comme le plus problématique des pays de la zone euro ne recevant pas d'aide extérieure. La Commission européenne et le Trio espéraient que la reprise économique du Portugal en 2013 se ferait principalement grâce au développement des exportations.
En 2011, l'économie portugaise s'est réduite de 1,6%, tandis qu'on prédisait une baisse de 1,5%. Cette année le PIB du pays pourrait diminuer de 3,3%, estime la Commission européenne. Mais en 2013 déjà cet indice augmentera jusqu'à 0,3%.
En dépit de l'estimation positive du développement du pays, le Trio a revu à la baisse ses pronostics de diminution de son PIB en 2012 à 3,25% au printemps au lieu de 3,0% en novembre 2011.
Une tranche supplémentaire
"L'état des marchés, leur appétit du risque à la périphérie de la zone euro, notamment au Portugal, dépendra principalement de l'évolution de la situation en Grèce dans les mois à venir", estime Julia Neudorfer.
La Grèce est le pays le plus en difficulté de la zone euro en principe. La première tranche d'aide financière de 110 milliards d'euros n'a pas suffi, et deux ans plus tard une autre tranche, supérieure à la première, a été accordée. Les marchés sont également perturbés par le fait que les partis grecs n'ont pas réussi à former un nouveau gouvernement de coalition en raison des différends concernant les mesures budgétaires draconiennes en échange des crédits de l'UE et du FMI.
Jürgen Michels, analyste chez Citigroup pour la zone euro, reconnaît également que le Portugal sera contraint de demander une autre tranche d'aide financière.
"Les négociations pourraient commencer en septembre, lorsque la troïka sera à Lisbonne", a-t-il déclaré. Selon Jürgen Michels, Lisbonne aura besoin d'argent pendant plusieurs années.
L'expert d'une grande banque européenne déclare également que les négociations pourraient commencer au troisième trimestre et que l'argent ne sera pas nécessaire seulement pour 2013. "On ignore pour l'instant quand le Portugal pourra revenir sur le marché des prêts à long terme. Tout dépend avant tout de l'évolution de la situation dans la zone euro", a-t-il ajouté.
"Si le gouvernement portugais poursuit la mise en œuvre active du programme de réformes et de rétablissement économique, je ne pense pas qu'on lui refuse une aide supplémentaire", a déclaré l'expert interrogé par l'agence RIA Novosti.
Selon lui, les marchés ne réagiront pas négativement à une demande de nouveau prêt: "Je pense qu'ils sont déjà prêts en partie à une telle tournure des événements."
Les experts de Nordea ne sont pas convaincus que le Portugal demandera de l'argent supplémentaire à l'UE et au FMI. "Si la situation en Grèce s'apaisait, le Portugal aurait des chances d'accéder aux marchés en 2013", a ajouté Svendsen.
Les besoins de Lisbonne
La majorité des analystes considèrent qu'en 2013 le Portugal n'aura pas besoin d'une restructuration de la dette envers les investisseurs privés, ce qui était exceptionnellement le cas en Grèce et a entraîné le rééchelonnement de sa dette et sa radiation partielle.
Selon Michels, le Portugal pourrait avoir besoin d'un programme de réduction de la dette. "Peut-être pas maintenant, plutôt en 2014", a-t-il déclaré.
"Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF, en cours de création) pourrait venir en aide à Lisbonne. Ces organismes ont le droit d'acheter sur le marché primaire jusqu'à la moitié des obligations d'un pays soumis au programme de protection pour l'aider à revenir sur le marché des prêts à long terme. Même s'ils achetaient 50% de la dette, je pense que le Portugal est encore très loin du refinancement autonome", estime Mme Neudorfer. Selon elle, le pays pourrait un certain temps se refinancer grâce aux investissements du marché à court terme, par exemple, sur moins de deux ans. Cependant, le succès d'une telle substitution dépendra de l'humeur des investisseurs qui dépendent à leur tour de la situation générale dans la zone euro, notamment en Grèce.
De cette manière, en réalisant avec plus ou moins de succès le programme de réformes, de rétablissement de l'économie et du budget, le Portugal pourrait être contraint de demander des subsides supplémentaires à l'UE et au FMI seulement en raison de la turbulence sur les marchés. Cela ne devrait pas provoquer la panique parmi les investisseurs. Lisbonne pourrait concerter cette année déjà le montant de la seconde tranche d'aide pour son sauvetage.
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