Le 14 sommet des pays membres de la Commission du lac Tchad s’est terminé le dernier jour d’avril à N’Djamena, capitale du Tchad. Les sommets de la Commission sont consacrés le plus souvent au problème du lac Tchad : l’unique plan d’eau naturel du Sahel d’une superficie de 23 mille kilomètres carrés qui disparaît lentement suite au réchauffement de climat et à l’exploitation incontrôlée de ses ressources hydriques. La superficie du lac a diminué ces dernières années de 26 fois. Une lente disparition du lac a déjà entraîné d’immenses problèmes pour des millions d’habitants de la région ce qui préoccupe les autorités nigérianes. Cependant, cette fois, la nécessité de sauver le lac Tchad est évincée par un problème plus sérieux : que faire avec le groupe islamiste radical Boko Haram terrorisant de plus en plus le Nigeria et ses voisins. Le président du Tchad Idriss Deby Itnoю a dit, en particulier, en ouvrant la réunion : « Le bassin du lac Tchad est menacé. Il nous faut une force dissuasive. Nous ne pouvons pas entreprendre des actions de sauvegarde du lac Tchad sans éradiquer cette secte appelée Boko Haram ». LeDirecteur de recherche à l’Institut des recherches internationales stratégiques, en charge de l’Afrique,Philippe Hugon a parlé dans une interview téléphonique accordée à notre correspondant de la menace émanant du groupe. traduit de la langue haussa, Boko Haram signifie « l’éducation occidentale est un péché »….
On peut se faire une idée de la cruauté de la secte Boko Haram d’après les attentats commis dans plusieurs villes nigérianes. Plus de mille civils dont les chrétiens sont tombées victimes de la secte depuis 2009. Cette année le nombre de victimes de la secte, en premier lieu parmi les chrétiens, a dépassé 250 personnes. Les leaders des communautés chrétiennes nigérianes ont conclu que le schéma d’assassinats faisait penser aux purges régulières suivant le principe ethnique et religieux. La secte ne dissimule pas que l’exode de masse des chrétiens du Nord du Nigeria est son objectif final. Les commandos de Boko Haram ont entrepris pendant les fêtes de Noël toute une série d’attaques contre les églises dans cinq Etats du Nord du Nigeria. Un kamikaze a conduit fin février sa voiture piégée vers l’Eglise du Christ à Jos. Deux femmes, plusieurs enfants, une cinquantaine de personnes ont été blessées. La secte parvient, semble-t-il, à réaliser son objectif en chassant les chrétiens du Nord du Nigeria. D’après les témoignages, près de 95% des chrétiens ont déjà abandonné l’Etat Yobe où étaient mises en flamme 20 églises et il y a eu beaucoup de victimes. Les commandos de la secte ont attaqué récemment le marché à Potiskum dans le même Etat. Au moins 34 personnes ont péri et des dizaines d’autres ont été blessées. Et maintenant – un nouveau défi aux autorités nigérianes : la vidéodéclaration de 14 minutes du leader de Boko Haram Abubakar Shekau adressée au président Goodluck Jonatha dans laquelle il assure le chef de l’Etat que la secte poursuivra la lutte jusqu’à l’islamisation des Etats du Nord. Ce fut une sorte de réponse à la résolution du président à mettre fin à la secte d’ici le milieu 2012. « Nous avons entendu des propos de Jonathan affirmant qu'il nous exterminera dans trois mois », affirme Shekau en langue haoussa, parlée dans le Nord majoritairement musulman du Nigeria. Abubakar Shekau se rend responsable de l’explosion de la rédaction du grand journal nigérian ThisDay. Les chroniques de l’attentat commis par un kamikaze le 30 avril à Kano, capitale du Nord du Nigeria, ont été diffusées à la télévision dans le monde entier. Ils confirment l’intention de Boko Haram d’éliminer la culture occidentale. Le leader de la secte a averti qu’un sort analogue attendait les bureaux de correspondants d’autres médias occidentaux ayant mentionné en premier lieu Radio France Internationale et la Voix de l’Amérique.
En ce qui concerne le sommet à N’Djamena, il importe de signaler la résolution des leaders du Tchad, du Nigeria, du Cameroun et de la République centrafricaine à prendre en urgence toutes les mesures nécessaires pour la redynamisation de la force mixte multinationale de sécurité du Bassin du lac Tchad dans la lutte antiterroriste. Dans quelques jours, les ministres de la Défense et les chefs d’Etat-major du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad se retrouveront à Niamey au Niger pour régler les détails du déploiement de cette force mixte, chargée de combattre Boko Haram.