Malgré le lobbying appuyé de Bamako contre l’émergence d’une reconnaissance de la question identitaire touarègue, la situation sur le terrain pourrait finir par infléchir le cours de l’histoire en faveur de la rébellion. C’est à Gao que les notables (chefs des tribus) et religieux connus de la région ont entamé, le 25 avril, une longue assemblée de débats qui s’est achevée au début de la soirée du 26 avril sur l’initiative du MNLA, Mouvement national pour la libération de l’Azawad.
Selon les représentants du mouvement, cette rencontre revêt une importance particulière car elle a permis pour la première fois depuis le début de l’insurrection en janvier 2012, aux chefs des tribus et religieux de se retrouver, et d’échanger en toute franchise sur la crise et ses évolutions possibles. La rencontre a eu lieu au moment où les groupes terroristes islamistes essaiment aux frontières de l’Algérie, de la Libye et de la Mauritanie en faisant montre d’une réelle capacité de renverser le rapport de force en leur faveur contre les mouvements de la rébellion traditionnelle. Les islamistes tentent de trouver des passerelles dans ces régions et d’embrigader les plus jeunes, ceux qui sont étrillés par le chômage.
Dans ce contexte, il devenait donc urgent pour les notables et religieux de penser l’avenir et de réfléchir à un moyen de chasser les radicaux. Après quelques hésitations, ils ont finalement décidé de rallier le MNLA sans condition, en apportant leur soutien à la lutte dans le but d’annihiler les poches islamistes naissantes.
Dans un message diffusé sur l’Internet (Alkhabar Info) à la veille de la rencontre, Hamada Ould Khaïrou, dirigeant du mouvement MUJAO et salafiste mauritanien rappelle que son but est bien d’enrôler le maximum de jeunes de toutes origines dans son mouvement pour former une garde islamique, assécher les mouvements traditionnels et favoriser la création d’un Etat islamique sahélien. Gao et Tombouctou constituent des cibles pour le recrutement. Les chefs de tribus comme les combattants touarègues traditionnels souhaitent sarcler les ambitions du MUJAO. Et depuis cette rencontre et cet accord avec le MNLA, le MUJAO (Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest) est dans l’œil du cyclone. L’objectif du MNLA est de saper leur base populaire en gagnant la « bataille des cœurs ». Un bon nombre de jeune auraient déjà quitté ce groupe pour rejoindre leurs familles à Gao depuis la publicité de l’accord entre les chefs de tribus et le MNLA. Pour aller plus loin dans la lutte, le MNLA a cependant besoin de trouver des ressorts et des appuis à l’international. Face à l’atonie de l’Algérie empêtrée dans ses turpides intérieures, les Touarègues espèrent une action de la France, voire de la Russie.
Pour le MNLA, cette rencontre est assurément une réussite. Les officiers militaires ont engagé des échanges en interne pour mieux s’organiser sur le terrain. Une commission est aujourd’hui mise en place parmi les sages pour approcher M. Yad Ag Aghali à Kidal et ses proches afin d’évoquer avec ces derniers la réunification de tous les combattants de l’Azawad et d’en finir avec la confusion dans la Région. Il s’agit de ne pas confondre les autonomistes avec les islamistes.
Par ailleurs, cette rencontre a donné l’opportunité aux femmes Touarègues pour faire passer leur message très anti islamiste. Ce message a été lu en présence des religieux et des notables présents dans l’après midi du 26 avril 2012 à Gao. Le message indique : « nous attirons l’attention du MNLA sur le rôle combien important que les Femmes Touareg ont apporté au soutien dans les différents combats menés pour la libération de l’Azawad et attendons être impliquées dans tous les processus de libération, d’organisation et du développement du territoire de l’Azawad. Nous, femmes touarègues, appelons à sauvegarder les droits des femmes qui ont mené le combat à leur façon aux côtés des combattants. Et nous condamnons tous les groupes terroristes et demandons qu’ils quittent le territoire de l’Azawad et nous demandons aux autres groupes qui n’ont pas les mêmes objectifs que le MNLA de quitter également le territoire… ».
Une autre commission du MNLA mène actuellement discrètement une réflexion et une consultation sur la mise en place d’un organe transitoire dans les prochaines semaines qui pourrait prendre en compte certaines réalités sur le terrain et de l’environnement international. D’importantes responsabilités attendent les responsables politiques et militaires de l'Azawad pour donner plus de lisibilité à la Communauté internationale et surtout aux pays frontaliers…
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction