A trois jours du second tour de l'élection présidentielle en France, les candidats – le président sortant, candidat de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) Nicolas Sarkozy, et le vainqueur du premier tour François Hollande du Parti socialiste (PS) – se sont affrontés pour la première fois en face à face depuis l'organisation des débats de campagne.
La discussion a duré pratiquement trois heures: pour l'instant il est trop tôt pour dire quelle impression elle a produit sur les électeurs. Quant aux observateurs, ils se rejoignent à dire que Sarkozy a été convainquant, mais que Hollande a réussi à se montrer en tant qu'homme politique ferme et respectable, qui prétend à juste titre au poste de président.
Le test de résistance
Pour le candidat socialiste, considéré par beaucoup comme moins charismatique et par conséquent d'une carrure moins appropriée pour le poste présidentiel que l'aguerri Sarkozy, ces débats étaient le premier véritable test de résistance.
"La plus grande surprise des débats était la tactique de François Hollande. On pensait qu'il amortirait les coups, mais il a lui-même décidé d'attaquer. Il a compris qu'aujourd'hui il n'était pas question de son programme, mais de sa personnalité, de savoir s'il est digne de devenir président ou non. Il ne s'est pas dégonflé, et pendant les trois heures de débats il s'est montré comme le contraire du modèle présidentiel de Sarkozy", a déclaré sur la chaîne iTélé le commentateur politique Pierre Haski.
Les observateurs font remarquer que Ségolène Royal, l'ancienne compagne de Hollande et ex-candidate à la présidentielle en 2007, n'avait pas réussi à l'époque à déstabiliser Sarkozy, tandis qu'il n'arrivait pas toujours à se contenir contre les piques de Hollande. Contrairement au candidat du PS, qui conservait dans la majorité des cas un ton calme et ne faisait pas de gestes excessifs, le candidat-président était plus agressif, haussait le ton plus souvent, se penchait en avant et remuait les épaules.
Les nombreux sujets de discussion
Les débats ont commencé par le thème de la politique économique de la France, ce qui a pris la moitié de l'émission – une heure et demie. Toutefois, aucune nouvelle proposition n'a été avancée, et les rivaux ont continué à s'envoyer les vieilles accusations. Ainsi, Sarkozy a parlé à plusieurs reprises de la "folie dépensière" du candidat socialiste, en lui reprochant le souhait de créer 60.000 emplois dans l'éducation, tandis que Hollande a rappelé à Sarkozy le résultat de son quinquennat, y compris la hausse du chômage et le déficit de la dette publique. Comme toujours, les indices des candidats étaient différents, et les deux ont déclaré que la presse les départagerait.
Les adversaires ont beaucoup parlé de l'énergie nucléaire. Hollande insistait en disant qu'en cinq ans il fermerait seulement la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace, tandis que Sarkozy a rappelé les projets du candidat de ramener à 50% la part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique en France d'ici 2025.
Hollande a critiqué Sarkozy pour la hausse de la TVA, qui en cas de réélection de ce dernier augmentera de 1,6%. Le président conservateur a déclaré que son rival voulait réduire le nombre de riches, tandis qu'il souhaitait réduire le nombre de pauvres.
En ce qui concerne la politique européenne, le principal critère n'était pas non plus le programme, mais l'honnêteté des promesses de campagne. Hollande a rappelé les propositions de stimulation de la croissance économique qu'il a l'intention d'ajouter au pacte budgétaire européen, et Sarkozy a déclaré que sur quatre de ces propositions, trois étaient déjà en cours de réalisation sur son initiative.
Les candidats sont revenus sur le thème de l'immigration, cher à Sarkozy, et ont apporté des précisions à leurs propositions. Hollande a déclaré qu'il avait l'intention de conserver l'immigration légale au niveau actuel – 180.000 nouveaux titres de séjour par ans, tandis que Sarkozy insiste sur une réduction jusqu'à 100.000. La principal polémique a été suscité par la question du vote des étrangers non ressortissants de l'UE aux élections municipales – deuxièmes élections les plus importantes en France après la présidentielle.
Hollande a l'intention d'offrir le droit de vote aux étrangers vivant légalement sur le territoire français depuis plus de cinq ans. Sarkozy a rappelé à son tour que les immigrés français étaient principalement des ressortissants d'Afrique de culture musulmane, et que par conséquent ils utiliseraient le droit de vote dans l'intérêt de leurs communautés culturelles et religieuses.
Sarkozy a consacré les quelques dernières minutes réservées pour le dernier mot à la fin des débats aux électeurs qui ont voté au premier tour pour Marine Le Pen et pour François Bayrou, en déclarant que certains idéaux de leurs électeurs étaient proches des siens. Pour s'imposer face à Hollande au second tour, il a besoin du soutien de près de 70% des électeurs de Le Pen.
A son tour, Hollande a appelé à ne pas avoir peur de voter pour lui en dépit des affirmations de ses adversaires qui avancent le risque de crise de confiance des marchés en cas d'arrivée au pouvoir des socialistes.
Notre candidat est le meilleur
Les représentants des deux candidats ont annoncé leurs victoires respectives à l'issue des débats.
"Je pense que François Hollande a été exceptionnel et j'estime réellement que ce débat montre ce que sera sa présidence, c'est-à-dire un cap clair, les valeurs de la France retrouvées, des réponses précises, des priorités claires", a déclaré Martine Aubry, leader du PS.
Selon elle, François Hollande fait preuve d'une grande détermination et sur tous les sujets il a été à la hauteur de ce qu'on attend d'un président de la République française, tandis que Nicolas Sarkozy était sur la défensive, il a essayé de faire endosser la responsabilité aux autres, n'a présenté aucune proposition et a émis beaucoup de contre-vérités.
A son tour, le patron de l'UMP Jean-François Copé a déclaré que ce débat avait "éclairé la force du projet" de Nicolas Sarkozy face "à un François Hollande en retrait et en hésitation."
"Ce débat a permis à notre candidat d'atteindre tous les objectifs. C'était le moment de confrontation qui devait montrer de manière éclairante d'un côté la force d'un projet, celui de Nicolas Sarkozy, la détermination, la solidité d'un homme, et face à cela un François Hollande en retrait, en hésitation, en hyper agressivité sur la totalité des thèmes", a déclaré Copé.