Par Mikhaïl Rostovski
Le tireur norvégien Anders Breivik a réussi à transformer son procès en un spectacle abject. L'assassin de 77 personnes ne montre pas l'ombre d'un remords. Le terroriste fait la propagande de ses opinions politiques devant le monde entier. Mais est-ce que cela met en évidence les lacunes dans le système juridique de la Norvège? Hélas, il y a bien plus de questions que de réponses dans ce sens.
A une certaine époque, la Norvège ne se différenciait pas particulièrement des autres pays du monde en termes de sanctions contre les criminels. Au XVIIe siècle, par exemple, dans le comté de Finnmark à l'extrême nord du pays, l'envoi des sorcières au bûcher avait presque atteint une échelle industrielle. Les prêtres de cette époque croyaient que le diable vivait dans cette région. Et toutes les femmes locales vivaient sous la menace de passer à tout moment sur le bûcher.
Au XIXe siècle, la Norvège a renoncé aux coutumes cruelles de ce genre. Mais elle n'avait toujours aucune pitié pour les meurtriers. Le célèbre criminel de cette époque Kristoffer Grindalen a passé sur les 72 années de sa vie 41 ans en prison. Cependant, cela ne l'a pas empêché en 1875 de commettre un autre vol avec meurtre. Et l'année suivante, lors d'un grand rassemblement Kristoffer Grindalen a été décapité en public directement sur les lieux du crime.
Cependant, très rapidement après la dernière exécution publique de l'histoire de ce pays, quelque chose a radicalement changé dans le caractère national des Norvégiens. L'aversion pour la peine capitale a atteint un niveau qui serait considéré comme ridicule dans tout autre pays du monde.
Imaginez-vous, par exemple, la situation suivante. 1942. La Norvège est occupée par les troupes hitlériennes. Un jeune homme nommé Per Munthe-Kaas entre dans les rangs de la résistance et reçoit l'instruction suivante: en cas de nécessité, vous pouvez mettre fin à vos jours, mais ne tuez en aucun cas un Allemand!
Après la guerre, la Norvège a réussi à surmonter sa tradition d'humanisme. Près de 40 personnes sous le commandement du leader du régime fantoche pro-allemand Vidkun Quisling ont été fusillées. Mais depuis 1948, aucun criminel n'a été exécuté en Norvège.
Mais le pays n'avait non plus été confronté à des crimes comparables à ceux perpétrés par Breivik. Entre 1994 et 2004, les policiers norvégiens ont tiré au total 79 balles.
Pour cette raison, il serait logique de se demander si les Norvégiens ne vont pas faire une nouvelle fois une entorse à leurs traditions. L'un des anciens juges chargés de l'affaire de Breivik a déjà proposé de rétablir la peine de mort dans le pays. Est-ce que sa proposition a des chances d'être soutenue par la société?
Il semble que non. Selon les sondages, plus de 60% des Norvégiens sont toujours catégoriquement hostiles à la peine capitale. Pour être honnête, cela me dépasse. Même si logiquement, je comprends pourquoi la société norvégienne se comporte précisément de cette manière.
Les Norvégiens estiment à juste titre qu'aucun tribunal n'est à l'abri d'une erreur. Tous les Norvégiens connaissent le terrible destin de Fritz Moen. En 1978, cet homme sourd et muet et souffrant d'une paralysie partielle a été condamné à une longue période d'emprisonnement pour deux meurtres. 18 ans plus tard il s'est avéré qu'il était innocent.
De plus, en Norvège on considère que si un homme a commis un crime, la société est responsable. La peine de prison a plus pour vocation de réhabiliter que de châtier le criminel. Et les statistiques confirment l'efficacité de l'approche norvégienne. Le taux de récidivisme parmi les criminels aux Etats-Unis qui pratiquent largement la peine de mort dépasse 50%. Tandis qu'il est proche de 20% en Norvège.
Mais est-il normal que le meurtrier de 77 personnes vive confortablement jusqu'à la fin de ses jours? Je crains que la réponse ne soit claire que dans plusieurs années. Y aura-t-il en Norvège d'autres Breiviks? Ou au contraire, tuera-t-on plus dans les pays qui vivent selon la loi du Talion?
Et pour l'instant, nous n'avons qu'un seul espoir. Breivik a déclaré que pour lui la prison était pire que la mort. Espérons qu'il en sera ainsi.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction