Vous êtes à l’écoute de la rubrique hebdomadaire « Gros plan sur l'Afrique ». Son auteur Alexeï Grigoriev vous invite à écouter son sujet « Le Sahel devient un baril de poudre en Afrique » et traditionnellement un bref aperçu « L’Afrique : les échos de la semaine ». Vous pouvez mailer à l'auteur à l’adresse yazon@ruvr.ru
Le Sahel se transforme en fait en un baril de poudre. S’il explose un jour, cela aura des conséquences imprévisibles pour les pays de la région, l’Afrique de l’Ouest et ailleurs. La situation dans le Nord du Mali est explosive. Le théâtre d’opérations militaires est déployé depuis plusieurs années sur le territoire du pays plus grand que la France : 550 mille kilomètres carrés. Le groupe « Al-Qaïda au Maghreb islamique », des dizaines de petites bandes s’occupant du commerce d’armes, de cocaïne, d’enlèvement des gens pour obtenir une rançon et l’armée du gouvernement malien qui leur est opposée, tels sont les principaux acteurs. Maintenant les acteurs dont très agressifs sont de plus en plus nombreux. Après l’écroulement du régime Kadhafi en Libye les Touaregs ayant fait leur service dans l’armée libyenne sont revenus au Mali avec des arsenaux d’armes. Les Touaregs pacifiques regagnent le Nord du Mali par crainte de répressions de la part de la nouvelle administration de Tripoli. Les leaders des Touaregs ont fondé le Mouvement national pour la libération d’Azavad (MNLA), ayant annoncé l’objectif de proclamer l’Etat indépendant d’Azavad. Le mouvement islamiste touareg « Ansar Dine » ayant rejoint l’Aqmi dans la guerre contre l’armée malienne et le MNLA intensifie ses activités dans le Nord du Mali. Les Arabes locaux ont formé fin mars leur groupe de 500 commandos. Une centaine de radicaux de la secte Boko Haram sont arrivés début avril dans le Nord du Mali via le Niger. La secte a commis récemment au Nigeria un attentat à Kaduna ayant fait exploser à la veille de Pâques une église : près de 45 chrétiens nigérians ont péri. La crise dans le Nord du Mali s’est aggravée après le coup d’Etat commis le 22 mars par la junte militaire à Bamako. L’Armée malienne s’est retirée dans le Sud ayant laissé le Nord aux Touaregs et aux islamistes radicaux. Les ensemencements et les pâturages sont détruits par la sécheresse. Les opérations armées et la menace de la famine ont contraint des dizaines de milliers de civils, notamment les paysans, à abandonner la région. Une authentique catastrophe humanitaire s’ébauche dans le Nord du Mali. L’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Fédération de Russie dans la République du Mali Alexei Doumian a dit, en particulier, dans une interview téléphonique de Bamako :
On est fondé de constater une catastrophe, dit l’ambassadeur, près de 200 mille réfugiés dans le Nord ou dans les régions frontalières s’y trouvent. Il n’y a pas d’accès, tout est bloqué, le Nord du Mali est en proie au chaos, les groupes n’ayant la moindre intention de coopérer contrôlent la situation sur ce territoire. De ce fait, les structures internationales responsables des aides humanitaires ne parviennent pas à s’y rendre. Certes, c’est une situation catastrophique lorsqu’une telle quantité de personnes se sont avérés dans les conditions inconvenables, dans les pays voisins très pauvres. Comment y évolue la situation militaire ? Bref, la panique, le chaos règnent dans la région, certaines forces instituent la charia et contraignent les femmes à porter le hidjab. A y ajouter les vols et la violence – tout ce qui est propre à l’occupation. Le pays est en désarroi. Plus vite sera établi l’ordre et mieux ce sera pour tout le monde, en premier lieu pour les habitants locaux, les réfugiés et les personnes déplacées.
La lueur d’espoir est apparue le 12 avril lorsque la junte militaire à Bamako a cédé, sous la pression de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, le pouvoir aux civils. Dioncounda Traoré a été proclamé président par intérim. Conformément à l’accord cadre avec la CEDEAO il doit former dans l’espace de quarante jours un gouvernement et engager les présidentielles. Il est nécessaire, en premier lieu, de régler la situation dans le Nord pour maintenir l’intégrité territoriale du pays. Il existe une voie pacifique : un dialogue, avant tout avec les leaders de l’Etat autoproclamé Azavad et une voie militaire. Celle-ci est loin d’être optimale parce qu’il s’agit de neutraliser les groupes islamistes aptes au combat. Or, le président malien a fait ce choix : « J'ai conscience d'être président d'un pays en guerre », a-t-il lancé pendant son intronisation à Bamako, où il a surpris par sa fermeté à l'égard des rebelles touaregs et groupes islamistes armés qui contrôlent le Nord, menacés d'une « guerre totale ».
A mon avis, poursuit Alexei Grigoriev, les nouvelles autorités de Bamako se sont hâtées de choisir cette voie sans faire distinction entre les Touaregs et les islamistes radicaux. C’est ce qu’a dit le président français Nicolas Sarkozy en répondant le 13 avril à la question du correspondant de la chaîne I-TELE :
La Belgique envisage, à son tour, la possibilité d’un dialogue sur l’octroi aux Touaregs de l’autonomie au sein de l’Etat malien. Cela est, d’ailleurs, parfaitement logique, écrit pour conclure Alexei Grigoriev. Il n’existe qu’une alternative au règlement politique du problème des Touaregs au Mali, à savoir : l’aggravation de la situation militaire dans le Nord du pays et, peut-être au Sahel en général. Selon les leaders des Touaregs, le MNLA décline le terrorisme, toute forme de violence et cherche à assurer à son peuple une vie pacifique sur son territoire. C’est à Bamako de faire le choix .