L’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Fédération de Russie dans la République du Mali Alexei Doumian a parlé dans une interview téléphonique qu’il a accordée de Bamako à notre correspondant Igor Yazon des événements qui se produisent dans ce pays.
Le pouvoir est transféré en vertu de l’accord cadre du 6 avril entre le médiateur burkinabais et la junte, dit l’ambassadeur russe. La Cour constitutionnelle du Mali a constaté hier l’absence de pouvoir et a délégué les prérogatives du président par intérim au président de l’Assemblée nationale Dioncounda Traoré. Il doit entrer demain en fonction à la cérémonie officielle. Le corps diplomatique y est invité. Traoré prononcera un discours ayant formulé les clauses du programme. Conformément à la Constitution, il doit engager dans l’espace de 21 à 40 jours les élections d’un nouveau leader. Or, vu la situation qui s’est créée dans le pays : deux tiers du territoire du pays sont occupés, il est impossible d’engager le scrutin aussi vite. De ce fait, il est prévu de déployer parallèlement les efforts en vue de régler la crise dans le Nord et de former un gouvernement d’unité nationale. C’est la tâche prioritaire. Il est difficile de préciser comment sera réglée la crise dans le Nord : à la table de négociation ou par des moyens militaires. Pour le moment aucune variante n’est déclinée mais on donne la préférence aux moyens pacifiques. Seront-ils efficaces vu la proclamation unilatérale par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad de l’Etat indépendant ? On ne saurait non plus présager le rapport des forces, le Mouvement ayant des positions essentiellement médiatiques, pour la plupart dans les médias français. Les tendances islamistes prédominent de plus en plus au sein du Mouvement. Les islamistes se prononcent pour la charia sur l’ensemble du territoire du pays et non pas pour la séparation des territoires du Nord.
A votre avis, les putschistes qui ont commis le coup d’Etat au Mali, sont-ils prêts à rentrer dans les casernes ?
Ils y sont prêts mais ils ne sont pas pressés de se retirer, répond Alexei Doumian. On ne sait pas quand ils rentreront dans les casernes. Il existe des lacunes dans l’accord cadre. Il n’est pas formulé quand commence la période de transition : depuis le transfert du pouvoir au président provisoire ou à l’issue de 40 jours réservés dans la Constitution pour le scrutin. Le leader des putschistes le capitaine Amadou Sanogo a déclaré que cela se produirait à l’issue de 40 jours, c’est-à-dire ils voudraient « se pavaner » au pouvoir. Quoi qu’il en soit, la communauté mondiale, notamment la Russie, ont laissé entendre aux putschistes que plus vite ils rétabliront l’ordre constitutionnel dans le pays et mieux ce sera pour tout le monde et pour eux. D’autant plus que l’accord cadre suppose l’adoption de la loi sur l’amnistie des membres de la junte et de tous ceux qui les soutiennent.
Revenons à la situation dans le Nord du Mali. Est-ce une catastrophe humanitaire dans cette immense région du pays ?
On est fondé de constater une catastrophe, dit l’ambassadeur, près de 200 mille réfugiés dans le Nord ou dans les régions frontalières s’y trouvent. Il n’y a pas d’accès, tout est bloqué, le Nord du Mali est en proie au chaos, les groupes n’ayant la moindre intention de coopérer contrôlent la situation sur ce territoire. De ce fait, les structures internationales responsables des aides humanitaires ne parviennent pas à s’y rendre. Certes, c’est une situation catastrophique lorsqu’une telle quantité de personnes se sont avérés dans les conditions inconvenables, dans les pays voisins très pauvres. Comment y évolue la situation militaire ? Bref, la panique, le chaos règnent dans la région, certaines forces instituent la charia et contraignent les femmes à porter le hidjab. A y ajouter les vols et la violence – tout ce qui est propre à l’occupation. Le pays est en désarroi. Plus vite sera établi l’ordre et mieux ce sera pour tout le monde, en premier lieu pour les habitants locaux, les réfugiés et les personnes déplacées.