Le terme de « Loup solitaire » s’est forgé dans les médias occidentaux dans les années 90 pour décrire une forme particulière d’extrémisme. Ces personnes agissent seules ou sont dans de petites cellules clandestines et s’opposent aux grandes organisations extrémistes. Bien que les terroristes solitaires revendiquent l’appartenance à des organisations connues, utilisent leurs méthodes et leurs vocabulaires, ils ne sont pas en contact avec elles directement. Mera a avoué qu’il n’avait pas rencontré Al-Qaïda. L’absence de contact avec des organisations importantes, où les services secrets peuvent infiltrer leurs hommes, complique la récolte d’informations sur les « loups solitaires ». Il est donc difficile d’évaluer le danger que représentent ses hommes, avoue Claude Monique, le président du centre européen de renseignements stratégiques.
« La tuerie de Toulouse est la première attaque terroriste en France depuis 1996. En seize ans nous avons déjoué des dizaines de tentatives d’attentats, des centaines de terroristes ont été arrêtés et jugés. Il n’en reste pas moins que le danger représenté par Mohammed Merah n’a pas été correctement évalué par les services secrets. En France, il y a malheureusement beaucoup de gens comme lui. N’ayant encore commis aucun crime, il est interdit de les arrêter. Les suivre en permanence n’est pas envisageable. Si vous voulez surveiller une personne soupçonnée de préparer des actes terroristes, il faut mobiliser entre douze et quinze policiers, pour le suivre dans ses déplacements, pour intercepter ses échanges sur internet, son courrier et ses conversations téléphoniques. Parfois, il faut même traduire ses écrits ou ses paroles. On doit choisir des cibles prioritaires, et Merah n’en était pas une », affirme Claude Monique.
« Cela ne coûte pas cher aux « loups solitaires » de fabriquer une charge explosive selon une recette bien connue, à base d’engrais azotés et de Diesel. Les médias ont réagis vivement, exprimant la peur et la panique. En Russie, par exemple, les évènements de 2002, où des hommes armés avaient pris en otage les spectateurs du théâtre « Nord-Ost », n’avait pas réclamé une préparation sérieuse », déclare Alexey Filatov, le Vice-président de l’association internationale de vétérans « Alfa ».
« Les terroristes ont compris que lors des négociations qu’ils n’atteindraient pas leur but. Personne ne peut discuter avec des terroristes. Les terroristes ne sont pas sortis vivant de « Nord Ost », ils ne sont pas rentrés dans leur patrie en héros, ils ne sont pas arrivés à leurs fins. Ils se sont donc inspirés de certaines méthodes armées des terroristes kamikazes, dont nous ne sommes malheureusement pas exempts. Tous les grands rassemblements peuvent être des cibles pour les terroristes », ajoute-t-il.
En 20 ans, une trentaine de noms ont été inscrits sur la liste internationale des « loups solitaires ». Si on exclut les attentats pour des raisons ethniques, nationales ou religieuses, les sorties insolentes des écologistes, des protecteurs du droit des animaux, il reste des actes terroristes que l’on peut mettre dans une catégorie à part. Il exprime un mécontentement envers le pouvoir, l’objectif est de frapper les structures étatiques. Timoty J. McVeigh est le premier représentant de ce type de terroristes solitaire. En 1995, il a fait exploser un camion piégé devant un bâtiment fédéral d’Oklahoma City, tuant 168 personnes. Breivik appartient aussi à cette catégorie. Il a mis en garde contre l’islamisation de l’Europe. La politique norvégienne en matière d’immigration était inacceptable pour lui. Cependant il ne s’en est pas pris à des immigrés musulmans, mais à de simples norvégiens, un sinistre message pour son gouvernement.
Dans un monde en changement, des comportements radicaux nouveaux apparaissent, en particulier chez les jeunes musulmans, favorisant la croissance de la meute de loups solitaires. En 2005, Claude Monique s’est présenté au congrès américain avec un dossier, tentant d’étudier les causes de la radicalisation et de comprendre pourquoi les jeunes musulmans, immigrés en Europe, n’intègrent pas ses valeurs.
Nous avons peu avancé sur cette question, concède Claude Monique.
« La radicalisation est un problème complexe. Nous avons encore un long chemin à faire pour comprendre ce phénomène. Si on parle du cas Merah, alors il faut noter qu’en France vivent 6 millions de musulmans, dont environ 25 000 musulmans radicaux, et pour autant ce ne sont pas des terroristes, ils ne tuent personnes. Les petits groupuscules, de quelques centaines de personnes, sont les plus problématiques et dangereux. Nous ne savons pas pourquoi ils agissent ainsi. Le sentiment d’isolement et d’exclusion de la société semble être à l’origine d’un tel comportement ».
Alexey Filatov est d’accord, le mécontentement et la précarité est le terreau du terrorisme. « Nous, dans les services spéciaux agissons comme des chirurgiens. Quand il y a une tumeur, et qu’elle est maline, on se demande s’il faut couper », explique Filatov. « C’est une mauvaise méthode. Il faut prévenir l’apparition de telles tumeurs, ainsi que laisser se développer le mécontentement au sein même de la société. Il faut analyser les mécontentements, voir contre qui ils sont dirigés, et s’en défendre avec des moyens civilisés ». Alexey Filatov souligne tout de même que le mécontentement envers le système et le pouvoir conduit rarement à des actes terroristes. Il faut en plus un certain penchant pour mener des actes radicaux. Ce sont souvent des gens avec des problèmes psychiatriques.
Aujourd’hui à Oakland (USA), a été arrêté l’individu qui a ouvert le feu dans une université chrétienne. L’ancien étudiant en médecine est entré dans un amphithéâtre pendant un cours et a crié « Rangez vous, je vais tous vous tuer ». Il a tué à bout portant les étudiants les plus proches, puis a tiré dans le tas. Sept personnes ont été tuées, et quelques-unes blessées. Un étudiante blessée à la main a déclaré à la police que le tireur a toujours été étrange, mais personne ne pensait qu’il irait si loin.
