Quelques années plus tard le jeune député du RPR assagi, devenu président de la République a livré sa bataille pour les valeurs républicaines qu’il semble être en train de perdre. L’immigration deviendrait-elle la pierre d’achoppement de Sarkozy ? Certes, il est à cent lieues de la position de Marine Le Pen qui l’accuse pourtant de lui avoir chipé quelques idées à l’occasion de la présidentielle de 2007. Quoi qu’il en soit, François Hollande ou Nicolas Sarkozy devraient élaborer une nouvelle approche à ce dossier épineux qui est en panne de régularisation. Peu d’experts en France ou en Russie comprennent la direction prise par le coq gaulois. A-t-on mis le cap sur des expulsions massives ou peut-être accepterait-on en bloc tous les nouveaux venus ? Rien n’est encore décidé. Pour tirer le bilan de ces années du règne Sarkozy et sonder un peu ce qui va advenir de la cinquième république et garderait-elle ou non son identité française, nous avons fait appel à deux experts – un Français et un Russe.
Yvan Blot, ancien député national et européen, professeur de l’économie a daigné répondre à quelques questions que nous lui avions adressées.
La Voix de la Russie Adoptée en première lecture le 17 mai 2006, la loi Sarkozy sur l’immigration avait établi certaines règles du jeu, à savoir : fin de la régularisation automatique, contrat d’accueil et d’intégration, obligation de quitter le territoire en cas d’expulsion, délai de séjour régulier en France pour procéder au rassemblement familial, prolongation du séjour pour une naturalisation par voie de mariage. 6 années plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Cette loi a-t-elle porté ses fruits ou elle est restée lettre morte ?
Yvan Blot Cette loi pose d’excellents principes et de bonnes procédures. Le malheur c’est que nous ne sommes en mesure de l’appliquer de façon correcte. Parce que pour vous donner une idée : nous avons prévu en effet d’expulser des immigrés clandestins. En 2010, je peux vous donner des chiffres, il y a eu 71.602 jugements d’expulsion. Sur ce chiffre 14 753 ont été exécutés. Donc, on considère qu’on a 79 p.c. d’échec. Pourquoi ils n’ont pas été exécutés? Soit, parce que on ne sait pas quel est le pays d’origine de l’immigré clandestin ; soit parce que le consulat du pays en question refuse de délivrer un certificat pour renvoyer cette personne chez lui ; ou encore la personne en question a échappé à la police et habite dans les quartiers difficiles à trouver… Et pour toutes ces raisons que je vous mets les unes à côté des autres, on n’arrive pas à appliquer ces jugements. Alors, faute de mieux, en attendant, comme tous les cas ne sont pas tout à fait pareils, le gouvernement accepte quand même de régulariser quelques cas d’immigrés clandestins…Mais 30 mille par an, c’est quand même beaucoup ! On considère qu’actuellement nous avons 200 mille immigrés par an de plus ! Alors c’était pas le but évidemment du gouvernement. Il faut voir qu’une partie de cette immigration en France n’a pas lieu sur le territoire de la France métropolitaine mais dans les TOM. Dans ces territoires la frontière est extrêmement poreuse. Par exemple, nous avons la Guyane en Amérique du Sud avec une forte immigration qui vient du Brésil. Et comme c’est la forêt équatoriale, on a beaucoup de mal à contrôler la frontière ! Autre exemple : Mayotte qui est une île française au milieu de l’archipel des Comores, donc, c’est tout prêt de l’Afrique… Là c’est la même chose aussi. Il y a une immigration côtière qui se fait par voie maritime qui est extrêmement difficile à contrôler. Alors notre police passe son temps à renvoyer les gens vers leur point d’origine mais un certain nombre arrive quand même à s’établir. La loi elle-même n’est pas mauvaise mais sur le plan des conditions d’application, on a énormément de difficultés à l’appliquer.
La V. de la R. Lors d’un meeting électoral Nicolas Sarkozy s’est prononcé dernièrement sur l’immigration : il a demandé qu’elle soit maîtrisée au nom de la République et que le flux d’immigrés soit réduit de moitié. En plus, il veut que les immigrés ne restent pas oisifs. Compte tenu du fait que la première fois il ferraillait à ce propos en 1989, considérez-vous que les mesures prises par Sarkozy sont efficaces ou peut être il faudrait utiliser d’autres méthodes ?
Y.B. Alors il y a des mesures qui ont été adoptées mais pas appliquées. Ca c’est effectivement un premier point. Mais je pense que quand même notre dispositif législatif n’est sans doute pas suffisant. Il est absolument indispensable de réduire cette immigration comme l’a dit le Président Sarkozy parce que nous avons un taux de chômage très élevé en France. Je crois qu’il est beaucoup plus élevé qu’en Russie. On a à peu près 10 p.c. de chômeurs, chez les jeunes cela atteint 25 p.c., et dans certaines banlieues où il y a beaucoup d’immigrés comme dans le Nord de Paris, vous pouvez avoir des populations avec des taux de chômage de l’ordre de 50 à 60 p.c. Dans ces conditions-là la plupart de chômeurs sont souvent des immigrés clandestins ou même réguliers. Donc, ce ne sont pas des conditions économiques raisonnables pour accueillir les populations venant du reste du monde évidemment. Surtout qu’il s’agit pour la plupart des personnes très-très peu qualifiées. Alors il faudrait prendre des mesures supplémentaires. A mon avis, renforcer sans doute la police de l’air et des frontières, modifier notre système judiciaire mais alors nous avons beaucoup de mal à adopter ce genre de texte avec la voie parlementaire classique. C’est pour ça que moi personnellement lorsque j’ai eu l’occasion d’en parler un jour au Président de la République, je pense qu’il faudrait faire des référendums comme on en fait en Suisse où ils ont réussi à maîtrise beaucoup mieux l’immigration que chez nous grâce au système des référendums. Parce que lorsque vous faites une loi au parlement, en France c’est en tout cas comme ça, vous avez plein de groupes de pression, vous avez les médias qui accusent le Président de la République d’être un homme sans cœur parce qu’il empêche tout le monde d’arriver chez nous et en fait souvent les hauts fonctionnaires n’osent pas proposer au Président les mesures suffisamment autoritaires, je dirais. Si c’était un référendum, je suis sûr qu’une grande majorité de citoyens demanderaient une réduction beaucoup plus forte d’émigration peut être par des méthodes plus directes. Je prends l’exemple de la Suisse où il y a un an il y a eu un référendum sur l’expulsion des étrangers criminels. Il a obtenu 70 p.c. de voix des électeurs. Et le principe est que quand vous avez fait un crime assez important en Suisse, vous êtes immédiatement expulsé. Jusqu’à présent c’était pas le cas parce que c’était les tribunaux qui décidaient de l’expulsion. Et souvent le tribunal même si quelqu’un ait fait quelque chose de grave, préférait laisser la personne sur le territoire suisse. Et là avec ce référendum-là, on n’est plus obligé de passer par le tribunal. Il suffit tout simplement d’un arrêté administratif pour que la personne soit immédiatement expulsée. En voilà un exemple, si vous voulez, d’une mesure qui est plus sévère, c’est vrai, qui a été prise grâce à un référendum et qui n’aurait pas été prise par le parlement. C’est pour ça que moi, d’ailleurs, qui suit un gaulliste de formation, je suis très attaché à cette méthode de référendum pour adopter des mesures que le peuple souhaite mais que l’appareil administratif de l’Etat, si vous voulez, évite à mettre en œuvre.
La V. de la R. Dernière question, Monsieur Blot, qui a trait à votre jugement subjectif et vous n’êtes bien sûr pas tenu à y répondre, on s’en doute, en 1998 déjà, François Hollande bataillait ferme avec Sarkozy. Dans le cadre d’un débat télévisé il prônait une régularisation des immigrés avec une reconduite aux frontières de ceux qui ne sont pas régularisables. Aujourd’hui Sarkozy ne parle que burkas et hallal et ensemble avec son ministre Guéant demande l’interdiction de la nourriture musulmane dans les établissements scolaires français ou encore contre le droit de vote des étrangers extra-communautaires ? Le discours de F.Hollande est beaucoup plus feutré. Qui d’après vous, pourrait être plus efficace pour résoudre le dilemme de l’immigration – Nicolas Sarkozy ou François Hollande ?
Y.B.Il est vrai que le parti socialiste français traditionnellement a une position extrêmement molle sur les sujets de l’immigration. Pour des raisons, je dirais, de l’idéologie, à savoir qu’on ne veut pas stigmatiser les étrangers et puis aussi je dirais pour des raisons plus pratiques sur le plan politique. C’est qu’on s’est aperçu que les immigrés qui avaient la nationalité française votaient à 80 p.c. socialiste. Alors évidemment… Bon ! Le parti socialiste n’a pas forcément la même vision que le parti du Président de la République sur ce sujet. Cela dit, il est vrai que les difficultés de maintien de l’ordre dans la banlieue sont devenues telles maintenant en France que c’est très difficile pour un gouvernement socialiste de ne pas freiner l’immigration. D’ailleurs si on regarde dans le passé, si vous voulez, à l’époque de Monsieur Mitterrand il n’a pas eu de différences très considérables entre sa politique et celle que menait Monsieur Chirac. Monsieur Sarkozy, lui, a voulu renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, ça c’est vrai ! Et même limiter l’immigration légale. J’ai l’impression que si le nouveau Président de la République devait être François Hollande, on aurait probablement dans un premier temps une politique assez laxiste : droit de vote donné aux étrangers, répression moins dure à la frontière probablement. Mais ça ne durerait pas. Ce serait juste l’espace de quelques mois pour faire plaisir aux idéologues et ensuite la raison d’Etat l’emporterait. Je pense que le Président Hollande serait obligé à peu près de faire la même chose que ce que fait aujourd’hui le Président Sarkozy. Mais enfin si on me demandait effectivement en qui j’ai confiance entre les deux pour essayer de limiter ce mouvement d’immigration clandestine, j’aurais tendance à penser quand même qu’il y a plus de chances qu’on ait une politique ferme avec Sarkozy qu’avec Hollande.
La V. de la R. Monsieur Blot, merci d’avoir été avec nous sur les fréquences de la Voix de la Russie. Votre jugement nous est plus que précieux compte tenu du fait que la Russie est confrontée au même problème dans le cadre de la Communauté d’Etats Indépendants et même, disons, avec les immigrés venus d’ailleurs, même de l’Inde. Il nous est très important de suivre l’exemple de la France et d’adopter les mêmes mesures adéquates.
Y.B. Cela dit, si vous permettez, il y a un meilleur exemple que la France : c’est la Suisse. Je sais bien que c’est un petit pays mais eux ont pris des mesures extrêmement intéressantes. Je vous le signale quand même parce que moi par exemple j’essaie de persuader le gouvernement qu’il faudrait copier un peu l’exemple de nos voisins suisses.
L’expert russe, Youri Roubinski, a fait valoir que la Russie devrait chercher sa propre voie mais que Moscou fait face à un afflux d’immigrés venus e l’Asie Centrale qui sont au nombre de plus de 300 mille en situation régulière avec leur permis de séjour et autorisation de travailler mais qu’il y a plus de 2 Millions de nouveaux venus qui transitent tous les jours via Moscou. Selon le diplomate, il fait qu’il y ait une compatibilité avec les us et coutumes des autochtones. Ce mouvement d’intégration ou d’assimilation doit être systématique et bas sur l’appréciation de la valeur respective de la main d’œuvre. Pour être acceptés en Russie, les travailleurs doivent jouir d’une qualification intéressante pour le pays d’accueil et en tout cas ne pas être des manœuvres comme c’est trop souvent le cas. Il faut également chercher des mesures restrictives contre les employeurs qui ne respectent pas les normes d’emploi des immigrés. Dernière mesure proposée par Youri Rubinski : création des centres d’accueil ce qui permettrait de lutter contre la xénophobie ambiante.
Quoi qu’il en soit on voit qu’il y a des difficultés inexpugnables et que la voix e Marine Le Pen se fait de plus en plus forte. Une chose est sure : le monde de Breton-Wood et d’une immigration à tout-va a vécu. L’Europe passe vers un autre stade : celui de la lutte pour sa propre identité pour ne pas succomber à un métissage culturel et une perte définitive de personnalité et des richesses matérielle et culturelle.