Les experts considèrent que ces négociations sont très importants, car leurs résultats permettront une évaluation plus précise des chances d'une éventuelle frappe militaire contre l'Iran.
L'écart dans les positions des États-Unis et de l’Israël sur l'Iran ne fait que s’accroître au cours de ces dernières semaines, malgré des visites fréquentes depuis janvier des envoyés militaires américains à Jérusalem. Et les divergences sont fondamentales. Selon Israël, seule l’opération militaire pourrait empêcher l'Iran de construire une bombe atomique, car le pays va bientôt se doter des capacités techniques nécessaires pour le faire et les sanctions de la communauté internationale ne pourront plus l’arrêter. Quant aux Etats-Unis, ils considèrent que c’est uniquement l’apparition d’une bombe nucléaire en Iran, qui pourrait être considérée comme le motif d’une opération militaire. On est bien conscient à la Maison Blanche quelles conséquences catastrophiques aura la guerre dans cette région, affirme le chercheur de l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales (IMEMO) Georgui Mirski.
Cela signifierait l'effondrement complet de toute la politique de Barack Obama, qui vise à établir de nouvelles relations amicales avec le monde islamique. On verrait donc une montée de l'anti-américanisme sans précédent dans le monde. L'Iran aurait tenté de bloquer le détroit d'Ormuz, par lequel transite 40% du pétrole mondial. La hausse du baril du pétrole, qui dépasserait la barre des 200 dollars, porterait également préjudice à l’économie des pays occidentaux. Pour toutes ces raisons, l'objectif principal des États-Unis et des pays européens – c’est de prévenir l'attaque israélienne sur l'Iran, car cette attaque impliquerait inévitablement les Etats-Unis dans le conflit.
Le 29 février, des pourparlers des chefs des départements militaires des deux pays ont eu lieu à Washington. Malgré les sourires et des embrassements, Leon Panetta, et Ehoud Barak n'ont pas réussi à se rapprocher à nouveau. Les Américains ont rejeté les deux demandes du côté israélien. La première, c’était de fixer une «ligne rouge» du programme nucléaire iranien, dont le franchissement pourrait donner automatiquement un prétexte à une intervention militaire extérieure. La deuxième, c’était d’obtenir de la part des Etats-Unis une description claire étape par étape des actions visant à freiner le programme nucléaire iranien.
Selon les estimations des médias occidentaux, le but de Netanyahu lors des pourparlers avec Obama – c’est de clarifier les critères de la Maison Blanche, qui pourraient permettre de vérifier si les sanctions internationales contre l'Iran fonctionnent ou non. En d'autres termes, sur quelle base peut-on conclure que sous la pression internationale, Téhéran n’a pas l'intention de porter son uranium enrichi à 20 % jusqu’à 90%, pour créer une bombe atomique? Netanyahou va également vérifier dans quelle mesure le scénario de force est acceptable pour Obama.
La situation de l’actuel chef de la Maison Blanche est plus compliquée. Les élections présidentielles se dérouleront en novembre prochain aux Etats-Unis, où le lobby pro-israélien est préoccupé par la montée de la force de l’Iran. Les concurrents républicains d’Obama, qui le surveillent étroitement, sont également prêts à utiliser son indécision dans la question iranienne pour faire monter leurs candidatures dans les sondages. Actuellement, près de la moitié des Américains se prononcent en faveur de la participation de leur pays dans une guerre avec l'Iran, selon les récents sondages. D’ici à novembre, ce rapport va sans doute changer, ce qui influera certainement sur les chances des futurs candidats de remporter les élections.
Par conséquent, Obama pourrait à nouveau prévenir avec Netanyahu l’Iran, le menaçant d’une opération militaire. Le leader américain souhaiterait donner à la diplomatie plus de temps. Surtout qu’en avril en Turquie sont prévus les pourparlers de Téhéran avec les six pays médiateurs, dont les Etats-Unis font partie. Pour maintenir l'intérêt de Téhéran à la réunion en Turquie, Obama est obligé même de limiter les actions de l’armée américaine, en insistant sur une intervention militaire en Syrie.
Et voilà que le président américain envoie à travers le magazine Atlantic les signaux sur sa position concernant la rencontre avec Netanyahu. «Une attaque prématurée contre l'Iran lui permettra de jouer le rôle de la victime», explique le président. Obama a également souligné que les Etats-Unis et l’Israël vont certainement opter pour une solution militaire afin d’arrêter l'émergence d'une bombe iranienne, et rappelle que les terroristes peuvent se l’approprier.
Dans ce contexte, des sources anonymes du Pentagone ont déclaré que les Etats-Unis se sont mis d’accord avec l’Israël pour que leurs avions puissent faire le plein dans l'air en cas des frappes contre l'Iran. En outre, les cibles des frappes ont déjà été nommées. C'est la première indication qu'une éventuelle opération militaire, peut-être commune, a été planifiée. Cette fuite est adressée à l'Iran, et elle ne devrait pas être considérée comme une concession à Israël à la veille des pourparlers, explique Georgui Mirski.
Cela vise principalement l'Iran. L’Israël ne commencera pas la guerre sans raison apparente. La question est posée comme si l’Israël avait déjà décidé de porter une frappe. Dans ce cas, si les Américains lui avaient dit qu'ils sont prêts à coopérer avec l’Etat hébreux, cela aurait au contraire incité l’Israël à frapper en premier, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les Etats-Unis.
D’autant plus, que l’Israël cherchait déjà des motifs pour commencer des frappes cette année, estime l’expert. Les arguments du gouvernement israélien: il faut se dépêcher, tant que les Iraniens n’ont pas caché leurs installations nucléaires sous terre, et qu’Obama est affaibli par la campagne présidentielle et ne peut faire de pression forte sur Netanyahu.
Un autre expert de Voix de la Russie, le professeur du Département des Etudes orientales de l’Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO) Sergueï Droujilovsky n’est pas sûr qu’il faille attacher une si grande importance à ce sommet.
La rencontre entre les dirigeants de l’Israël et des Etats-Unis – c’est un événement régulier. Ils se réunissent tous les 3 mois. Il s’agit d’une réunion régulière, d’une manière de mettre les pendules à l’heure. Cette rencontre est une fois de plus liée à ce qui se passe dans le monde arabe, l'autonomie palestinienne, qu’on a un peu oublié depuis quelque temps. Des processus très intéressants se déroulent dans cette région: par exemple, le Fatah se rapproche du Hamas. Et même si la communauté internationale est préoccupée par d’autres questions en ce moment, les Etats-Unis et l’Israël sont préoccupés par ces processus. Et ils vont discuter de l’Iran, même si l'Iran n'est pas une fin en soi. Les Etats-Unis et l’Israël ont d’autres problèmes que l’Iran. Il n’est même pas le problème le plus important.
Il reste juste à attendre le sommet, qui donnera aux experts une raison à réfléchir sur les chances de la paix et de la guerre dans la situation guise crée autour de l’Iran.