Le monde de l'art officiel en Union Soviétique ne reconnaissait pas le peintre Zverev. alors que de nombreux artistes étaient des admirateurs sincères de son talent. Le peintre de renom Robert Falk affirmait que «chaque coup de son pinceau – c’est un trésor, et les artistes de cette ampleur naissent une fois par siècle».
La vie de Zverev est remplie de mystères et de légendes, dont certaines sont des spéculations tout à fait incroyables. On évoquait souvent sa vie agitée et sa dépendance de l'alcool. On disait aussi qu’il était capable de peindre plusieurs dizaines de tableaux en une seule nuit. Ca lui était égal sur quel support peindre: il dessinait sur des bouts de papier, des vieilles affiches, des feuilles de calendrier, et même sur des morceaux de linoléum. Il suffisait de quelques lignes rapides, mais très précises, et de quelques frottis - et l’œuvre de Zverev était créée. Un art surprenant, choquant, mais qui ne laisse personne indifférent.
Le processus même de la création d'une œuvre d'art se transformait en un acte magique: les gouttes de peinture étaient pulvérisées autour du pinceau, et s’il n’y avait pas de peinture à portée de main, l’artiste utilisait les cendres, la terre, les betteraves, les sauces, la farine d'avoine, et même des mégots.
Le collectionneur Georges Costakis, grâce à qui l’art de l’underground soviétique est devenu connu dans le monde entier, appelait Zverev, «le médiateur entre le début et la fin de l’avant-garde russe». Toutefois, il est très difficile de rapporter les travaux de Zverev à une tendance précise dans la peinture. On dirait qu’il a absorbé toute l'expérience artistique précédente. Dans son autobiographie, écrite en 1985, il énumère ses artistes préférés: «Les peintres les plus intéressants sont bien sûr ceux, qui sont capables plus que d’autres arrêter le regard sur leurs tableaux et ne fatiguent pas avec «l’inutilité» de leurs «concepts», et ce sur le plan technique, comme sur le plan de la thématique. Il s’agit des peintres comme Van Gogh, Rembrandt, Rubens, mon professeur - Leonardo De Vinci, Velasquez, Goya, Van Dyck, Raphaël, Savrassov, Vroubel, Roublev, Vassiliev, Gué, Kiprensky, Ivanov, Malevitch, Kandinsky, Botticelli, Daubigny, Serov, Brullov, Gauguin, Konstebl et de nombreux autres».
A la base de l'exposition au musée de Littérature, on retrouve les tableaux qui font partie de la collection de Natalia Goldine et son époux Guennadi, qui regroupe les peintures et les dessins. Selon Guennadi Goldine, les objets les plus valeureux de la collection – ce sont des peintures que Zverev a faites dans les années 1950, car il n’en reste pas beaucoup, et ces tableaux sont «dispersés dans de nombreuses collections».
On peut apercevoir les portraits des amis et des collègues du peintre, ainsi que des paysages et des natures mortes. L’une des œuvres préférées de Guennadi Goldine - «La rose dans le verre», décorait son appartement pendant de nombreuses années. On peut apercevoir ici-même des linogravures de Zverev – une façon de travailler peu typique pour un peintre, d’où un intérêt particulier de la part de ceux qui apprécient son travail.
Zverev travaillait avec ardeur, offrait ses tableaux à de nombreux amis et connaissances. Il les vendait aussi à des collectionneurs étrangers, échangeait même parfois contre une bouteille d’alcool. Mais il signait tout ce qu’il faisait, même des petites gravures. Aujourd’hui, c’est presque impossible de faire le compte de toutes ses œuvres. Les analystes et les collectionneurs donnent des estimations différentes : il y en aurait 20.000, 30.000, voire même 50 000.
Une fois, lorsqu'on lui a demandé s'il se considère comme un artiste professionnel, Zverev a dit: «Absolument, je suis un professionnel. Quel artiste amateur aurait peindre aussi bien que moi? Avant moi, il n’avait pas de peintre, capable de peindre aussi bien un paon sans regarder l’original. Je suis un professionnel de la plus haute qualité, mais pas un artisan».