Afghanistan. Le bilan d’un engagement. 23 ans plus tard

Afghanistan. Le bilan d’un engagement. 23 ans plus tard
Afghanistan. Le bilan d’un engagement. 23 ans plus tard - Sputnik Afrique
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Il y a 23 ans les troupes soviétiques se sont retirées de l’Afghanistan.

Je n’y ai jamais mis les pieds mais le commissariat du quartier m’a livré une chasse implacable pour me faire expédier au col de Kandagar comme conducteur d’un camion-citerne que les guerriers du lion de Panshir Akhmed Shah Massoud se plaisait à envoyer au tréfonds des précipices insondables de cette région montagneuse. L’Afghanistan m’a marqué au fer rouge de l’époque de la fin de la Guerre Froide. Et je ne m’étonnais plus lorsque à Paris je suis devenu copain avec Alain Chevalerias, ancien instructeur des paras français qui a servi en Afghanistan de l’autre côté de la barrière. Alors, l’anniversaire du retrait des troupes soviétiques me semble être un événement significatif à plusieurs raisons – d’abord du point de vue professionnel mais aussi à cause des émotions que cela suscite en mon for intérieur.

Les Afghans, guerriers intrépides, sont en drôle des relations avec les shouravi comme ils appellent les ressortissants de la Russie septenrionnale. 20 ans plus tard ils les trouvent valeureux et nombreux sont les villages où l’on continue d’entretenir les cimetières militaires soviétiques. La télévision russe a même retrouvé les traces de plusieurs transfuges qui, une fois déserteurs, se sont convertis à l’islam et ont pris femme en devenant citoyens afghans. L’âme slave semble être généreuse, car la société russe n’a pas cherché à les blâmer mais, qui plus est, lorsque l’une de ces personnes s’est fait inviter à la chaîne télévisée nationale russe pour participer aux débats, les auditeurs lui ont témoigné une sorte de compassion et les propos désobligeants étaient peu nombreux. C’est que les Russes tout comme les autres citoyens de la Communauté des Etats Indépendants sont passés par plusieurs guerres locales et le départ massif des ‘pieds noirs’ dans le Nord. Par leur propre expérience ils savent que choisir le bon parti n’est pas toujours évident et que l’engagement en Afghanistan était suffisamment ambigu pour que l’on ne se prononce pas définitivement. Au fond des choses il y a toujours la morale chrétienne et le sentiment d’un drame immense qui s’est joué dans le Grand Sud asiatique.

Il y a une seule différence entre la période de l’occupation soviétique et les vagues successives des troupes de l’OTAN venues pour prendre la relève. En puissance limitrophe, les Soviétiques étaient obligés d’essayer de contrôler la situation à leurs frontières et d’endiguer la montée imminente d’un islamisme en progression. Leur objectif était de transformer l’Afghanistan en une nouvelle république socialiste du type soviétique et comme ils furent arrivés pour toujours, ils se mirent à construire et à instruire la population locale, alors analphabète. C’était beaucoup plus un acte de colonisation civilisatrice qu’une simple occupation militaire. La population afghane a provisoirement abandonné la pratique d’un islam intransigeant et la modernité  est apparue à travers la participation des femmes aux affaires de la communauté ou encore la disparition des voiles islamiques et autres burkas.

Autrement dit, il ne s’agissait pas de créer des têtes de pont pour se maintenir au pays manu militarimais plutôt réformer les mœurs des autochtones et trouver un terrain d’entente comme cent ans plus tôt cela s’est opéré dans le Caucase. Jamais il ne fut question de procéder à une coercition systématique ou à la politique américaine de terre brûlée appliquée au Vietnam. De ce point de vue, l’Afghanistan sous l’occupation soviétique était plus proche du modèle français colonial que du modèle américano-irakien.

Et maintenant en revenant à l’actualité, on serait tenté de citer René Cagnat, l’un des auteurs de la Revue française La Défense Nationale . Dans son article « Afghanistan: danger de mort ! » il expose le piège centre-asiatique qui pourrait se refermer sur les forces de l’OTAN du fait de leur dépendance d’approvisionnement logistique. Car une afghanisation générale de l’Asie centrale se développe selon les deux axes de la drogue et du terrorisme qui se sont renforcés mutuellement. La stabilisation de la zone semble compromise.

Il faut dire que M.Cagnat a parfaitement raison de parler de la drogue parce que comme l’a dénoncé à plusieurs reprises la presse russe, le volume du trafic des stupéfiants a explosé depuis l’arrivée des troupes américaines suivies par leurs compagnons d’armes de l’OTAN. Il paraît qu’il y a eu même des propos hypocrites des certains responsables militaires occidentaux qui auraient déclaré qu’ils acceptaient la drogue parce que c’était de loin la seule source des revenus des indigènes. C’est vraiment d’un cynisme effronté !

A notre connaissance, les Français voulaient se retirer de cette nouvelle marmite néo-impériale mais cette solution, repoussée aux calendes grecques, ne semble pas répondre aux intérêts du grand Frère de Washington dont la France s’est volontairement fait le sous-fifre sur cette terre de l’Asie Centrale où encore les troupes d’Alexandre Le Grand trouvèrent leur défaite il ya plus de 2 mille ans.

23 ans après on peut dire que les Soviétiques ont su sauvé leur mise et que les troupes de la CEI toujours présentes à la frontière afghane du Nord, observent avec moult compassion l’armée des Occidentaux qui semblent s’embourber de plus en plus dans cette histoire sans fin. De façon parfaitement perverse, cette obstination des nouveaux occupants ne fait qu’améliorer les relations respectives entre Kaboul, capitale afghane, et Moscou.

« Les shouravis au moins voulaient faire quelque chose de positif. Les Occidentaux se limitent à nous menacer avec leurs armes ! » Tels sont les commentaires du petit peuple afghan. Alors j’espère vivre assez longtemps pour célébrer le 23ième anniversaire du retrait des troupes françaises de l’Afghanistan – un retrait qui marquerait la fin d’une folie sanglante.

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