Nous continuons notre interview avec le chercheur de l’institut de recherche pour le développement et le rédacteur en chef de la revue Maghreb Mashrek Monsieur Jean Yves Moisseron.
Un an après le début des révolutions arabes peut on dire que le renversement leur a réussit? Ses pays se sont habitué pendant des décennies a vivre avec des leaders autoritaires: Ben Ali, Moubarak, Kadhafi…
Tout dépend de quel point de vue en se place et à quel horizon historique. Pour la population qui vivait sous la coupe de dictature ou de despote, qui était victime d’exactions et d’emprisonnements arbitraires etc. de toute façon le changement en terme de démocratie est un nouveau souffle et une ouverture. Maintenant on a vu que les périodes historiques de révolution sont toujours à la fois compliquées et contradictoires. On a vu là depuis un an émerger des partis islamistes la plupart joue le jeu de la démocratie et accepte les règles d’un état de droit, même la séparation du politique et du religieux, un certain nombre de choses qui fondent les démocraties occidentales, mais il existe aussi parmi ces forces islamistes des parti, qui sont beaucoup plus extrémiste, je pense aux partis salafistes qui ont des orientations qui peuvent inquiéter beaucoup de gens et notamment les femmes, en méditerranée. Donc on verra pour la suite de l’histoire si les choses sont plutôt positives, mais on ne peut pas répondre de façon univoque à cette question, tout dépend de la période historique, tout dépend de quel point de vue on se place.
Oui mais en prenant par exemple l’exemple de l’Egypte, aujourd’hui ça fait exactement un an que Moubarak a rendu son pouvoir, la situation dans le pays est loin d’être stable. Les gens sont toujours sur la place Tahrir. Rien n'a changé, on entent trop souvent cette phrase.
Il faut éviter de simplifier trop les analyses, toute période révolutionnaire est une période de changements brutaux de recul en arrière, d’avancées de violences de recomposition des compromis politiques qui permettent à une société d’être stable. On n’est qu’à un an, un an c’est très court dans la vie historique d’un pays. Ce qui a changé quand même de manière fondamentale, c’est qu’il y a eu des élections, les Egyptiens ont pu retrouver la capacité de voter. Après est ce que ça change quelque chose sur le plan économique, sur le plan de la situation sociale, du chômage, évidemment que non, on est plutôt dans une période de dégradation pour ce pays mais encore une fois on est dans le temps court de la période révolutionnaire. Et si dans une dizaine d’années il y a à la fois une démocratie, un état de droit et une économie prospère, cette période révolutionnaire aura été positive.
Donc il faut attendre une dizaine d’années pour voir vraiment si une révolution a marché ?
Encore une fois on ne peut pas répondre de façon univoque de ce point de vue là. Et même une dizaine d’années c’est assez court, quand vous voyez ce qui c’est passé dans les pays de l’Est y compris en Russie, il faut compter en terme de génération. On voit le résultat après une vingtaine d’années, maintenant est-ce qu’on peut considérer que la Russie de Poutine est mieux que la Russie soviétique, ça chacun va avoir son avis sur la question. En Russie même il y a des mouvements de protestation ou des mouvements nostalgiques sur à la fois la puissance de l’Empire soviétique et la stabilité sociale et économique interne, qui n’existe plus pour un certain nombre de chômeurs en Russie. Tout dépend du point de vue où l’on se place et on ne peut pas répondre de façon univoque à cette question : savoir si une période historique est mieux qu’une autre.
Comment vous pensez que la situation va se développer en Egypte, pensez-vous qu’il y aura une nouvelle révolution ?
Je pense qu’à la fois les frères musulmans, qui constituent la force majoritaire parmi les nouveaux partis islamiste et l’armée qui tient le pays, qui reste la colonne vertébrale du pays, vont aller vers un compromis politique, qui permettra de gérer les changements dans la continuité, c’est ma vision un peu optimiste. Mais on ne peut pas exclure le fait que l’Egypte s’enfonce dans une spirale, dans un cercle vicieux d’incapacité économique à restituer ses ressources financières en particulier en direction du tourisme et de trouver un équilibre qui permettra au pays d’avancer. Là on est clairement dans une opposition-négociation entre les deux forces qui ont structuré l’Egypte depuis 20 ans et qui sont d’une part l’armée et d’autre part les frères musulmans.
Par rapport au Mali, j’ai vu que la France a récemment pris parti dans la révolution qui se passe là bas, quels sont les enjeux de la France dans ce pays ?
Les enjeux de la France au Mali, s’inscrivent évidemment dans l’histoire de la colonisation et les liens particuliers de la France avec ce pays et puis plus récemment ils sont liés aux questions sécuritaires, toute la région sahélienne est une région qui accueille maintenant l’acmi, c’est à dire des djihadistes algériens qui se sont réfugiés dans cette zone. Et il y a à la fois des enjeux sécuritaires, énergétique puisque dans la région il y a la possibilité d’exploiter des ressources énergétiques y compris au Niger par exemple avec l’Uranium. Et ça se joue dans un cadre géopolitique beaucoup plus grand où la France est entrain de perdre son statut hégémonique dans la région. Donc ce sont tous ces éléments qui indiquent l’attachement de la France à ce pays et sa préoccupation pour ces différents enjeux.
Un moyen Orient toujours instable
© Photo: EPAUn moyen Orient toujours instable
© Photo: EPA
S'abonner
Nous continuons notre interview avec le chercheur de l’institut de recherche pour le développement et le rédacteur en chef de la revue Maghreb Mashrek Monsieur Jean Yves Moisseron. Un an après le début des révolutions arabes peut on dire que le renversement leur a réussit?