« Il a des traits propres à tous les grands personnages historiques. Un excellent cavalier et tireur, galant, il est un interlocuteur intéressant et fin connaisseur d’art culinaire », c’est ainsi qu’un diplomate allemand décrit Carl Gustaf Mannerheim, militaire et homme d’Etat finlandais en vue.
L’ex-général de l’armée russe, le baron Mannerheim est pendant plusieurs années au volant de la Finlande ayant accédé à l’indépendance. A l’époque où la Finlande fait partie de l’Empire russe, le cavalier garde Mannerheim participe au couronnement de Nicolas II et assiste au repas cérémonial. « La table est couverte au Palais à facettes pour le couple impérial et l’impératrice veuve, se souvient Mannerheim. Ils sont desservis essentiellement par les hauts courtisans d’un âge avancé. Ceux-ci tiennent les hors d’œuvre et les boissons dans leurs mains tremblantes en les servant au tsar entouré d’officiers aux sabres au clair. Il n’est possible de se distancer de la table qu’en faisant quelques pas en arrière ce qui est compliqué sur un parquet glissant ».
Mannerheim a la réputation d’un gourmet. Il commande parfois des mets deux jours avant pour qu’on ait le temps de les préparer. Le séjour de Mannerheim à Saint Petersbourg luxueux influe, dit-on, sur ses goûts gastronomiques. Les banquets et les déjeuners donnés par le maréchal Mannerheim sont largement connus. Le protocole est strictement observé. Une grande attention est accordée au couvert et à l’ornement de fleurs. Des mets recherchés sont servis à ces repas qui commencent par une soupe russe, suivie du poisson, de la viande, de légumes. Le dessert et le café couronnent le repas.
Mannerheim insiste aux restaurants sur les traditions françaises ou russes. L’auteur de la biographie du maréchal Marie Veillot évoque un épisode suivant : le jeune Mannerheim est déçu dans un restaurant parisien luxueux du conflit entre la cuisine française et la tradition russe de boissons. Mannerheim et ses amis commandent de la vodka avant le repas mais de l’avis du maître d’hôtel français, les boissons accompagnant le repas sont un sacrilège et il refuse de servir les plats aux invités malgré leur indignation.
Mannerheim boit d’habitude un ou plusieurs verres de vodka pendant le repas. En temps de guerre il préfère Marskin ryyppy (verre de maréchal) : la vodka finlandaise avec du vermouth blanc et du gin. Il faut boire ce verre entièrement rempli sans laisser échapper une goutte. Le maréchal explique qu’un verre de vodka est servi obligatoirement dans l’armée russe pendant les manœuvres et deux verres – au déjeuner. Les boissons étant financées du Trésor, chacun essaie de remplir son verre entièrement.
Mannerheim aime le plus le nourrisson porc farci de bouillie de sarrasin rôtie. Il convient de mentionner, en outre, parmi les mets préférés du maréchal le forchmak, la solianka, le sandre Walewska. Le filet de sandre avec du poivre et du sel est placé dans une plaque de four avec du vin blanc et du bouillon de poisson. Ensuite on fait cuire le poisson au four. On prépare entre-temps une sauce aux chanterelles, à l’oignon, au vin et à la crème. Ensuite on fait cuire au four le filet de poisson à la sauce entouré de purée aux pommes de terre.
Mannerheim apprécie même en période de guerre contre l’Union soviétique la cuisine russe. Il se voit servir les plats russes au repas solennel en l’honneur de son 77ème anniversaire. Le menu est exclusivement russe : hors d’œuvre chauds, une soupe au saumon avec des gâteaux, la selle de mouton à la salade et un pudding aux fruits. Avant de prendre du café après le déjeuner Mannerheim va à la cuisine pour remercier le cuisinier à qui il parle russe. Ensuite Mannerheim regrette, il est vrai, que la sauce pour les gâteaux servis avec la soupe soit faite avec de la perche et non pas du gardon comme le prescrit la recette.