Les dirigeants des pays membres de l’Union européenne se réunissent aujourd’hui pour un sommet extraordinaire à Bruxelles, officiellement consacré à la stimulation de la croissance économique et à la lutte contre le chômage. Ces deux problèmes revêtent une extrême gravité dans l'UE, cependant à l’heure actuelle les participants et les observateurs s’intéressent de bien plus près au sort de la zone euro en raison de la crise qui s’aggrave en Grèce, de l’abaissement des notes de crédit des pays de l’UE et des débats tumultueux dans les pays membres concernant l’idée de la signature d’un accord intergouvernemental sur des mesures à prendre, ce qu’on appelle l’union budgétaire et fiscale.
Cette idée a été avancée à la fin de l’année dernière par la France et l’Allemagne, puis elle a été approuvée sous sa forme préalable par tous les pays, à l’exception du Royaume-Uni.
Durant le sommet actuel il est prévu de concerter définitivement les paramètres de ce document, qui devrait être adopté en mars. Comme prévu, l'innovation sera l’instauration de sanctions automatiques à hauteur de 0,1% du PIB pour les Etats qui dépassent les limites autorisées en UE du déficit budgétaire et de la dette publique
A la veille de la réunion, les hommes politiques européens s’efforçaient de se montrer confiants afin de dissiper l’atmosphère sceptique qui entoure les événements en Europe.
Le texte du nouvel accord sera certainement concerté très prochainement, en vue de sa signature au début du printemps. Cependant, beaucoup de commentateurs estiment que l’adoption du document ne sera pas un remède contre les problèmes actuels de la zone euro.
L’entrée en vigueur du document après son adoption par les gouvernements est l'affaire de plusieurs mois. Dans certains pays, son approbation nécessitera l’organisation d’un référendum, et dans d’autres les batailles parlementaires sont inévitables. Cela s’explique très facilement. Même sous sa forme très souple (et il semble que l’initiative initialement sévère sera considérablement modifiée) l’accord prévoit la poursuite des restrictions des souverainetés nationales au profit des organismes centraux de la communauté.
Comme l’a montré la pratique des dernières années, les gouvernements ont pratiquement épuisé les réserves de ce genre de compromis, la fédéralisation de l’Europe n’a pas fonctionné même dans les conditions bien plus favorables de la dernière décennie. Si la question de l’union budgétaire et fiscale avait été clairement posée dans la seconde moitié des années 1990, lorsque l’UE se préparait au lancement de la monnaie commune, et que l’optimisme concernant ce projet prédominait en Europe, il y aurait probablement eu une chance. Mais à l’époque il a été décidé de la reporter. Et aujourd’hui, proposer aux nations de renoncer volontairement aux leviers de contrôle, au moment où le sentiment prédominant est l’attente angoissante des cataclysmes à venir, est pratiquement dénué d'espoirs de succès.
Même si ce document était finalement adopté, les résultats pratiques ne seraient pas immédiats. Autrement dit, il faudra attendre plusieurs années avant d’en ressentir les effets. Or l’Union européenne a besoin de régler rapidement les problèmes de la dette grecque, ainsi que du soutien d’autres pays européens en difficulté. Cela nécessite d’importantes injections d’argent, préconisées aux Européens, et avant tout aux Allemands, par tout le monde – du Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington et les agences de notation.
Et pour l’Allemagne, qui en tant qu'économie la plus forte d’Europe est le principal bénéficiaire du projet de monnaie commune, il serait en principe préférable de continuer à apporter une aide financière plutôt que de laisser l’ensemble s’effondrer. Mais un problème politique impossible à régler survient alors: comment expliquer aux électeurs l’utilité de l’injection d’argent dans les pays endettés?
La proposition formulée à la veille du sommet suggère en fait de priver la Grèce de sa souveraineté en la soumettant à une gestion économique extérieure.
Après le récent échec des négociations entre le gouvernement grec et les créanciers privés, le risque de faillite formelle a commencé à prendre des formes bien distinctes. De nouvelles tranches d’aide sont nécessaires, mais vu que l’opinion publique de l’Europe ne fait pas confiance au gouvernement grec, il faut montrer que la Grèce ne déterminera pas elle-même sa politique afin de justifier l’octroi de l’aide financière à ce pays. Evidemment, la Grèce a déjà fait clairement comprendre qu’elle ne tolérerait aucun "surveillant."
Toutefois, les propositions fiscales ne sont pas claires non plus. Initialement il était question de sanctions automatiques contre les pays transgresseurs. Dans les projets suivants l’automatisme a disparu, et il ne reste plus que la mention du fait que le dépassement de la limite acceptable du déficit permettait de porter plainte contre le gouvernement concerné, ce qui signifie l'abandon de la prise automatique de mesures.
Puis, l’automatisme est réapparu dans le texte, et la principale question est donc de savoir quel document sera finalement adopté.
L’absence de l’application automatique signifierait que la situation demeurerait approximativement la même qu’à l’heure actuelle. Aujourd’hui, il est possible d’adopter des sanctions contre les transgresseurs des dispositions du traité de Maastricht, mais elles n’ont jamais été appliquées. D’autant plus que le document en question ne fera pas partie de la législation de l’UE (son adoption est un processus encore plus complexe, et voué à l'échec dans les conditions actuelles), et restera un traité intergouvernemental, dont l’application demandera un consensus général, ce qui est problématique en présence de 26 pays membres (sans le Royaume-Uni).
De plus, le projet du document contient une réserve permettant aux gouvernements de ne pas faire l’objet de sanctions sévères en cas d'"événements de force majeure" ou en période de déclin économique important. En d’autres termes, il reste une faille permettant de débattre de l’aspect "force majeure" de telle ou telle situation. Par conséquent, les pays influents enfreindront les normes, ce qui à son tour rendra les sanctions pratiquement inapplicables contre les pays moyens et petits.
A l’issue du sommet on annoncera certainement qu’un grand pas a été fait en avant: les dirigeants ne peuvent se permettre rien d’autre, l’ambiance sur les marchés est déjà funèbre.
Très probablement, l’accord sera prêt pour mars. Cependant, plus on dépense d’efforts et d’énergie pour cette initiative, plus on en parle comme d’un nouveau palliatif.
Comme l’a reconnu la chancelière allemande Angela Merkel à Davos, l’Europe a besoin d’être fondamentalement repensée. En fait, il est question d’un nouveau modèle d’intégration pour remplacer celui qui a connu énormément de succès dans la seconde moitié du XXe siècle, mais s’est aujourd’hui épuisé.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction
L’Europe a besoin d’un nouveau modèle d’intégration
19:05 30.01.2012 (Mis à jour: 16:05 05.10.2015)
© Flickr / Stuart ChalmersL’Europe a besoin d’un nouveau modèle d’intégration
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