L’Ukraine compte sur des changements en Russie

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A en juger par les événements des dernières semaines en Ukraine, les législatives en Russie (le 4 décembre 2011) et les manifestations qui les ont suivies dans les villes du pays ont changé l’attitude de Kiev envers Moscou.

A en juger par les événements des dernières semaines en Ukraine, les législatives en Russie (le 4 décembre 2011) et les manifestations qui les ont suivies dans les villes du pays ont changé l’attitude de Kiev envers Moscou. Si auparavant le gouvernement ukrainien était convaincu de l’immuabilité de la position de Moscou sur le gaz, désormais Kiev tente de la faire changer. Dans le même temps, la majeure partie de l’électorat ukrainien éprouve toujours de la sympathie pour la Russie.

La présidentielle russe et les intérêts gaziers de l’Ukraine

Pour la première fois depuis l’élection de Viktor Ianoukovitch, l’Ukraine a envoyé à ses partenaires russes une note officielle attestant qu’en 2012 Kiev n’achètera que 27 milliards de mètres cubes de gaz au lieu du minimum obligatoire fixé par le contrat à hauteur de 42 milliards de mètres cubes (rappelons que le minimum obligatoire aurait pu être abaissé jusqu’à 33 milliards de mètres cubes si Kiev avait informé Gazprom de la diminution des quantités de gaz achetées avant le 1er juillet 2011).

Kiev a également annoncé qu’il n’avait pas l’intention d'acquitter de pénalité pour le non-respect du seuil minimal: l’Ukraine souhaite attendre que la Russie porte elle-même plainte à la cour d’arbitrage de Stockholm. Kiev espère remporter le procès en prouvant qu’il paye un prix injuste, le plus élevé en Europe, pour des motifs principalement politiques.

En observant les manifestations en Russie et en découvrant que le parti au pouvoir ne bénéficiait pas du soutien général, Kiev essaie de parler en position de force. L’affaiblissement de la position du premier ministre ukrainien Nikolaï Azarov, qui selon une partie de l’establishment ukrainien fait trop de compromis avec Moscou en matière du gaz, obéit à cette logique.

"Le dernier homme d’Azarov, le ministre des Finances Fedor Iarochenko, a été limogé pour être remplacé par l'ancien directeur du Service de sécurité d’Ukraine (SBU) Valeri Khorochkovski. C’est un homme d’affaire important, catégoriquement hostile à l’adhésion de l’Ukraine à l’Espace économique commun (Russie–Kazakhstan-Biélorussie) et dont la position n'est pas prorusse", a expliqué à RIA Novosti le politologue Konstantin Bondarenko. Selon lui, prochainement il faut s’attendre non seulement au refroidissement, mais également à la détérioration des relations russo-ukrainiennes concernant le gaz russe, les gazoducs ukrainiens et les produits agricoles ukrainiens exportés en Russie.

Toutefois, l’attitude générale des Ukrainiens envers les Russes ne change pratiquement pas. En 2009, selon l’Institut international de sociologie de Kiev, 92% des Ukrainiens éprouvaient de la sympathie pour la Russie, et aujourd’hui cela concerne 90% de la population ukrainienne. Cependant, selon les sociologues de Research & Branding Group, près de 70% des interrogés estiment que les pays doivent demeurer des partenaires stratégiques indépendants l’un de l’autre.

Aucun compromis

Les Ukrainiens sont sceptiques quant à la "révolution blanche" de la place Bolotnaïa (manifestation organisée en décembre dernier à Moscou contre la falsification des résultats des législatives en Russie). "Que sont ces quelques milliers de personnes réunies sur une place de Moscou et qui rentrent ensuite chez eux par rapport à un million de personnes qui ont campé sur la place principale de Kiev (Maïdan) en 2004?", déclarent les anciens députés "oranges" du parlement ukrainien. Ils se souviennent avec nostalgie de l’époque où la société civile a commencé à apparaître en Ukraine, mais constatent qu’elle n’a toujours pas vu le jour.

"La société russe a fait un pas en avant: elle s’est formée, a déclaré à RIA Novosti Evgueni Kopatko, directeur de la société ukrainienne Research & Branding Group. Au final, une présidentielle tendue est attendue en Russie. Je pense que Poutine devra se battre, mais la société tiendra compte de ses mérites. Des changements attendent la Russie après la présidentielle. Le gouvernement russe améliorera le secteur socioéconomique et développera le dialogue avec la population. Il apprendra à faire des compromis, car le parti Russie Unie ne dispose plus de la majorité constitutionnelle (des 2/3 des voix) à la Douma (chambre basse du parlement russe)."

Evgueni Kopatko estime que "l’idée de Poutine (l’Union eurasienne) se développera également. L’Ukraine devra trouver un moyen de travailler avec elle. Les réformes se poursuivront. Le gouvernement soutiendra davantage l’agriculture, modernisera l’industrie, allouera de l’argent aux projets spatiaux. Les investissements augmenteront considérablement."

"Lors de la présidentielle, Poutine ne remportera pas simplement la victoire, il sera élu dès le premier tour", prédit Mikhaïl Pogrebinski, directeur du Centre d’études politiques et des conflits de Kiev. Une certaine partie active de la population de Moscou et de Saint-Pétersbourg organisera des manifestations. Mais les manifestants ne seront pas assez nombreux pour influer sur les processus en Russie. Le fait est que les manifestants russes ne sont pas et ne seront pas unis. Ils se brouilleront et ne formeront pas une opposition unie. Pendant ce temps Vladimir Poutine renforcera les positions de la classe moyenne et bridera les monopoles. Dans cette situation l’Ukraine ne devrait pas s’attendre à des compromis importants. Poutine ne fera que des concessions dérisoires."

Un parti au pouvoir au sujet d’un autre parti au pouvoir

Le parti des régions au pouvoir en Ukraine a été très surpris par les résultats des législatives russes. Selon Vadim Kolesnitchenko, député du parti des régions au parlement ukrainien, "nous avons différemment réagi aux événements en Russie. Mais tout le monde a compris qu’il valait mieux ne pas s’ingérer dans ces affaires. La présidentielle en Russie sera tendue, et son résultat confirmera que la démocratie se développe dans ce pays."

"La politique nationale et étrangère du pays ne changera pas, estime le député. La Russie sait travailler à long terme, élaborer des plans pour des décennies d’avance et les réaliser. Les relations stratégiques entre l’Ukraine et la Russie ne changeront pas non plus. On assistera à une intégration progressive dans les domaines qui intéressent les deux pays. Mais le nouveau prix du gaz sera connu seulement à l’issue de la présidentielle en Russie."

Le parti des régions au pouvoir en Ukraine considère les législatives russes comme honnêtes, et estime que la présidentielle s’annonce prometteuse pour Vladimir Poutine. Et c’est avec lui qu’il s’apprête à travailler. Selon Mikhaïl Tchetchetov du parti des régions, "aucune infraction importante n’a été constatée lors des dernières législatives en Russie. Vladimir Poutine remportera sans aucun doute la présidentielle. Il dirigera son pays pendant 12 ans supplémentaires et contribuera au rapprochement entre l’Ukraine et la Russie. La coopération politique et économique se renforcera entre nos pays, ainsi que le dialogue entre nos peuples. J’espère que nous parviendrons à régler nos litiges, y compris le problème gazier. Nous examinerons la possibilité d’adhérer à l’Union douanière (Russie-Biélorussie-Kazakhstan) et à la Communauté économique eurasienne, et nous prendrons la bonne décision."

Quant à l’opposition ukrainienne, le député du Bloc Timochenko, Valeri Pissarenko, a déclaré à RIA Novosti qu’une évolution positive était observée en Russie. Mais, selon lui, cela ne permettra pas de régler rapidement les problèmes ukrainiens: Kiev et Moscou resteront pour l’instant sur leurs positions.

La "révolution blanche"

Les Russes qui vivent en Ukraine, notamment en Crimée, suivent de près la situation en Russie. Leur représentant, le membre du présidium du Soviet suprême (parlement) de l’Autonomie, Sergueï Tsekov, a déclaré à RIA Novosti que "les manifestations qui se sont tenues après les législatives russes ne sont pas un hasard. Un tel choc est nécessaire afin que le gouvernement russe évalue la situation de manière plus objective. Les Russes qui vivent en Ukraine ont été choqués par les manifestations à Moscou. Nous sommes très inquiets. Mais on estime que Vladimir Poutine remportera la présidentielle. La Russie ne changera pas ses relations avec l’Ukraine. C’est Kiev qui pourrait changer sa politique, car il aspire à adhérer à l’Union européenne."

En comparant les événements en Russie avec la période orange en Ukraine, les hommes politiques ukrainiens disent qu’à Kiev c’était une révolution inaboutie et à Moscou – des rassemblements inaboutis.

En abordant le thème des événements en Russie et en Ukraine, l’ancien directeur du Service de sécurité d’Ukraine (SBU), Igor Smechko, estime que la révolution orange en Ukraine était une tentative de coup d’Etat, dont les organisateurs doivent être traduits en justice. Vadim Karassev, directeur de l’Institut ukrainien des stratégies globales, qualifie la "révolution blanche" à Moscou d’une "évolution pacifique."

"Elle n’empêchera pas d’organiser dans le pays une présidentielle honnête, de réduire la corruption et de parvenir à la primauté du droit. Bien sûr, Poutine remportera la présidentielle en Russie. Je pense qu’elle sera honnête et transparente, des milliers de volontaires y contribueront. La victoire honnête de Poutine renforcera son pouvoir. Il sera contraint de changer le système, le "resserrage des boulons" cessera, il y aura davantage de liberté d’expression et de droits pour les entreprises, affirme Vadim Karassev. Les relations entre l’Ukraine et la Russie deviendraient bien plus simples si le gouvernement ukrainien prenait conscience que ce qui se produit en Russie aujourd’hui arrivera demain en Ukraine. Il faut travailler par anticipation."

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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