Notre auteur Alexei Grigoriev propose aujourd’hui à votre attention son sujet «Les conséquences du printemps arabe vues de Moscou» et traditionnellement – un bref aperçu des événements qui se sont produits cette semaine dans les pays maghrébins.
Personne n’aurait su présager, que la mort tragique du jeune Tunisien Mohammed Boudizizi si s’est brûlé le 17 décembre en signe de protestation contre l’arbitraire policier dans une ville peu connue au-delà de la Tunisie provoque une vague de manifestations dans plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient. Ces événements sont entrés dans l’histoire sous le nom de «printemps arabe». Des révolutions, des guerres civiles éclatent, les régimes sont renversés, le pouvoir est remplacé et des millions de personnes espèrent le progrès digne du XXIe siècle. Le printemps arabe a eu de puissantes conséquences géopolitiques tant pour les deux régions qu’au-delà de leurs frontières. La Russie y a accordé une attention sérieuse. L’académicien Evguéni Primakov, président honoraire du Mercuri-club ayant fait ces derniers jours un rapport «2011 : regard sur l’avenir» à la séance du club regroupant les politiciens, les parlementaires, les personnalités publiques, les businessmen et les hommes de la culture au Centre moscovite de commerce international a mentionné à juste titre le «printemps arabe» parmi les quatre phénomènes principaux de 2011.
L’académicien Primakov est un homme respecté dans le monde arabe. Il m’est arrivé un jour d’assister à un entretien de Evgueni Primakov qui était alors président de CCI de Russie avec une délégation des hommes d’affaires français en vue. Les Français se sont intéressés dès le début à l’opinion de Primakov sur la situation au Proche-Orient. Primakov a comparé les événements dans la région et en Afrique du Nord à un puissant déplacement tectonique.
Le «printemps arabe», - dit l’académicien Primakov, - a entraîné le renversement des présidents de Tunisie, d’Egypte, la démission du président du Yémen qui étaient des décennies durant au pouvoir, a ébranlé d’autres régimes prestigieux dans les pays arabes. Les événements évoluent en dépassant le cadre régional. L’influence des acquis de la civilisation comme Internet, téléphonie mobile, télévision sur la vie politique s’est manifestée entièrement pendant le printemps arabe. Les mécontents du régime mettent à profit ces instruments. Les milieux islamiques constituent un élément essentiel du champ politique dans les pays musulmans. Une tendance à l’opposition entre les islamistes modéré reconnaissant le contenu laïque de l’Etat et les radicaux s’ébauche dans ce pays. La Russie est intéressée pour des motifs géopolitiques et intérieurs aux contacts et à la coopération avec les forces islamiques modérées. La part des musulmans dans la population du monde augmente, leurs migrations dans divers Etats non musulmans prennent de l’ampleur et de ce fait, ce volet est loin d’être secondaire dans notre politique.
Le «printemps arabe» a entraîné la destitution de plusieurs leaders sur lesquels s’appuyaient les Etats-Unis et leurs alliés européens. La réaction ne s’est pas fait attendre. Ayant profité de l’évolution des événements, les Etats-Unis et leurs alliés atlantistes se sont mis à renverser les régimes arabes qui ne les arrangeaient pas. Je ne partage pas l’opinion des politologues constatant le printemps arabe dans tous les pays où se déroulent les manifestations contre les régimes au pouvoir. L’expérience proche-orientale confirme qu’il faut distinguer plusieurs types de manifestations. En Syrie et en Libye elles ont débouché sur la résistance armée aux autorités attisée de l’extérieur.
Le schéma suivi par l’OTAN pour renverser Kadhafi constitue un précédent tout particulièrement dangereux, a dit Evgueni Primakov. Selon lui, l’alliance a légalisé sur la base de la résolution amorphe du CS de l’ONU son ingérence armée en vue de soutenir l’une des parties dans la guerre civile dans un pays souverain. «Les événements en Libye, a déclaré l’académicien, seront pris en considération par ceux qui élaborent la politique extérieure russe. Notre pays s’est déjà opposé à la répétition du scénario libyen en Syrie. Il est peu probable, à mon avis, que la Russie et la Chine ayant mis leur veto à la résolution sur la Libye se laissent tromper une fois de plus».
J’ai demandé à une conférence de presse donnée le 20 janvier à l’agence RIA Novosti à l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République tunisienne Ali Goutali comment il appréciait l’attitude de la Russie envers le printemps arabe, envers les changements qu’il a entraînés dans la communauté arabe. L’ambassadeur parlait arabe et a dit, en particulier : «Notre révolution, a dit l’ambassadeur Goutali, a fait écho. En l’entreprenant, nous nous sommes fondés sur les valeurs humaines : démocratie, liberté, respect des droits de l’homme. Notre révolution s’est répandue vite sur d’autres pays et a été accueillie avec bienveillance par la communauté démocratique mondiale. Il vaut mieux demander les Russes au sujet de leur attitude envers le printemps arabe mais je vous répondrai moi aussi. Nous sommes contre l’ingérence étrangère dans nos affaires intérieures. En tant qu’Etat souverain, la Russie respecte la souveraineté et le choix d’autres pays. De ce fait, elle s’est montrée compatissante envers l’aspiration du peuple tunisien aux changements. Nous avons ressenti son soutien moral aux moments les plus difficiles de notre révolution et de ce fait, a dit l’ambassadeur, nous sommes reconnaissants à la Russie, à ses leaders, à son peuple de leur solidarité, du soutien de nos efforts en vue de moderniser le pays sur la base des principes démocratiques. La Russie nous soutient aujourd’hui au plan économique en reprenant la coopération dans le domaine du tourisme. Nous sommes sûrs, a dit pour conclure l’ambassadeur Ali Goutali, que l’amitié et la coopération entre la Russie et la Tunisie rénovée suite au printemps arabe évolueront fructueusement».