Les autres rivages de Marina Tsvetaïeva

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«Le cahier rouge», c’est sous ce titre que les éditions des Syrtes ont publié les brouillons de Maria Tsvetaïeva. Le laboratoire créateur de la grande poétesse russe longtemps resté secret, a été dévoilé le 19 janvier à Genève.

Il s’agit d’un cahier rouge à carreaux qui fait penser è celui d’un écolier. Marina Tsvetaïeva avait plusieurs cahiers de ce genre et presque tous ont été oubliés entièrement ou en partie. Celui qui vient de voir le jour en Suisse est le dernier. Il a suivi partout la poétesse dans les années 1920-1930, tout au long des 17 années d’émigration. Prague, Berlin, Paris, c’est là qu’elle a crée ses poèmes, œuvres en prose et essais consacré aux classiques russes et à ses contemporains, les poètes Maïakovski et Pasternak. «Le cahier rouge» et des brassées entières de brouillons écrits à un moment crucial de son destin, juste avant son retour en 1939 en URSS ou elle est restée sans voix. Mari passé par les armes, fille exilée… La poétesse a mis fin à ses jours incapable de résister aux malheurs qui lui réservait le destin. Par contre, «Le cahier rouge» s’est miraculeusement préservé. Il est resté à Paris et son dernier propriétaire était le slaviste français de renom Georges Nivat. Ce fait n’a rien d’un hasard car pour ce professeur d’honneur de nombreuses universités européennes, la Russie et la littérature russe ont transcendé l’objet de recherche pour devenir un amour pour toute la vie. Il avait connu Akhmatova et Brodsky, s’était lié d`amitié avec Pasternak, traduisait Soljenitsyne. «Le cahier de Marina Tsvetaieva» m`a été remis par l’écrivain et publiciste Marc Slonim, grande figure de l’émigration littéraire russe», - a raconté Georges Nivat de son interview à la Voix de la Russie.

Je lui ai demandé pourquoi il me faisait ce cadeau et ce qu’il attendait de moi. Il s’est borné à dire que je pouvais en faire ce que je voulais en précisant qu’il préférait confier le cahier à ma garde parce qu’il craignait de mourir subitement ». De plus, il y eu un roman entre Tsvetaieva et Slonim, - rajoute le professeur, - un de ces nombreux romans parce que, comme on le sait, Tsvetaieva avait des liaisons amoureuses avec des hommes et des femmes. Mais tous ses romans étaient de courte durée. Ses amants se sauvaient généralement ne pouvant pas supporter les exigences souvent excessives qu’elle présentait à elle-même et aux autres.

Changer de rivage et changer de monde! Voilà ce que ne cesse de faite Tsvetaieva l’amoureuse, Tsvetaieva la caresse, Tsvetaieva «la lépreuse» que change de rivage pour choisir finalement la porte la plus sinistre »- a écrit Georges Nivat dans sa préface au «Cahier rouge». Ses personnages favoris sont Jeanne d’Art et «L’aiglon» comme on appelait le fils de Napoléon déchu, - poursuit le professeur. – Ses sympathies sont toujours du côté des réprouvés, ce qui est parfaitement attesté par «Le cahier rouge». Fallait-il publier les brouillons des textes bien connus ? Oui, il le fallait bien si nous voulons pénétrer dans la forge et voir le métal chauffé à rouge en pleine fournaise».

De toute façon, cette édition ne fait apparaître aucun revers de sa vie, aucun détail intime, - estime Georges Nivat. – On y trouve des brouillons des lettres non expédies dont on ne connaît pas les destinataires. A propos, la poétesse réserve aux lettres le même traitement qu’aux articles originaux en les faisant varier à l’infini. Les destinataires n’ont pas été identifiés et il s’agit sans doute de personnes imaginaires. On voit surtout la façon de travailler de Tsvetaieva qui par la méthode d’erreurs et d’essais les mots russes et français qui conviennent le mieux, exactement comme ferait un collectionneur de pièces de monnaie. Cela permet d’entrevoir son laboratoire verbal, Je dirais même qu’il s`agit là d’une publication esthétique parce qu’on y voit son écriture, sa manière d’écrire en remplissant une page ou une moitié de page. C’est un beau livre.

L’édition est un fac-similé complété de passages imprimés et reproduit à l’identique sa façon de remplir les pages des brouillons : un côté en russe et un côté en français. «Le cahier permet donc de juger aussi du rivage français du courant poétique de Tsvetaieva», - affirme Georges Nivat.

C’est un des cas rares, quand les deux «rivages» se touchent presque. Un exemple, vus de loin les textes français des poètes russes du XIXe siècle, y compris Pouchkine, ne sont pas vraiment de nature à impressionner. Par contre, Tsvetaieva reste Tsvetaieva même en français. C’est un français trituré et tourmenté au même titre que son russe mais qui laisse parfois entendre une note aussi surprenante que nouvelle. C’est la même marque d’énergie et d’originalité.

L’édition russe viendra après l’édition suisse, - espère Georges Nivat. Le professeur affirme que tous ses éléments se trouvent déjà réunis.

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