L'Ukraine va de réduire de moitié le volume du gaz acheté à la Russie, a déclaré le ministre ukrainien des Combustibles et de l'Energie Iouri Boïko. A partir du 1 janvier, l’Ukraine n’achètera que 27 milliards de mètres cubes de gaz naturel, a-t-il dit, en ajoutant que les négociations avec la Russie seront poursuivies. «Il y a des questions sur lesquelles nous sommes arrivés à un compromis, mais des problèmes non résolus subsistent encore», a dit le ministre.
Selon Boïko, les négociations vont se poursuivre aussi longtemps que ce sera nécessaire, car l’Ukraine doit trouver un modèle approprié pour son économie. Kiev considère les contrats gaziers actuels comme inégaux et exige des remises importantes sur le gaz fourni par la Russie. Selon le premier-ministre ukrainien, Nikolaï Azarov, des progrès sur cette question pourront être réalisés déjà cette année. Par ailleurs, les autorités envisagent de «changer radicalement la structure de la consommation», ce qui se traduira par la réduction de l’importation du gaz russe. En attendant, selon les contrats existants, indépendamment de la quantité sélectionnée pour l’année à venir, Kiev doit payer à la Russie la facture pour l’achat de 33 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Comme l'a souligné le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, si l’Ukraine ne délimitera pas la quantité de gaz qu’elle veut importer, elle sera obligée de payer pour tout le gaz fourni, selon le contrat. «Elle sera obligée donc de payer pour le gaz qu’elle n’a pas choisi d’importer», a-t-il ajouté. Selon le ministère de l'Énergie, Kiev a acheté l'année dernière à Moscou 40 milliards de mètres cubes de gaz. Mais les ukrainiens ne doutent pas de la nécessité d'acheter cette année 27 milliards de mètres cubes au lieu de 52 milliards, qui étaient prévus. «Nous allons acheter autant de gaz qu’il faut pour notre économie», a déclaré le ministre des Combustibles et de l’Energie.
Le gaz à prix élevés porte atteinte à la compétitivité
Selon le directeur de la filiale ukrainienne de l'Institut de la CEI Vladimir Kornilov, ces propos du ministre cachent en réalité une volonté de faire baisser les prix sur les hydrocarbures russes. «Les prix élevés sur le gaz «tuent» la compétitivité des entreprises ukrainiennes. Leur production n’est plus rentable. Comme le montre l'expérience de 2008, certaines entreprises, en particulier celles qui font partie de l'industrie chimique et métallurgique de l'Ukraine, seront à l’arrêt si les prix ne vont pas baisser».
En attendant, selon le PDG de Gazprom Alexeï Miller, l'Ukraine n'a fait aucune proposition sur les projets gaziers pour l’instant. La partie russe, à son tour, espère les entendre très prochainement. Le scénario le plus probable, celui qu’on évoque depuis longtemps, c’est la création d’un consortium russo-ukrainien sur le transport de gaz. Selon les experts, cela permettra en effet de réduire la facture de gaz pour les entreprises ukrainiennes, accroître leur compétitivité, tout en permettant la création de nouveaux emplois. Cependant, l'achat du système de transport du gaz ukrainien pourrait ne pas être à l’avantage de la Russie: sa valeur, selon les estimations de Kiev tournerait autour de 20 milliards de dollars, et selon le président de Gazprom Alexeï Miller, ce prix est très exagéré.
Le schéma biélorusse répété
Pour le directeur du Centre russo-ukrainien d’information Oleg Bondarenko, cette somme inclut manifestement une composante politique, associée avec le projet de loi sur la forme de propriété du système ukrainien de transport du gaz. «Il est fort possible qu’une coentreprise soit créée, ou alors le système ukrainien de transport du gaz aura quelques propriétaires de plus. On peut imaginer la création d’une nouvelle entreprise, à laquelle participera le russe Gazprom, l’ukrainien Naftogaz et, disons une compagnie allemande».
L'expert Vladimir Kornilov est d’accord avec ce point de vue, notant également que le projet n'est pas complet sans la participation des investisseurs européens. «En plus de Gazprom et du côté ukrainien, on attend la participation des partenaires européens», dit-il. «Certes, cela soulève un certain nombre d’inquiétudes de la part de l’Ukraine, car ce sont les principaux alliés et partenaires de Gazprom qui devraient jouer le rôle de ces actionnaires. Mais le schéma qui a été mis en place au Belarus est susceptible d'être également utilisé ici».
Dans le même temps, l'une des priorités du secteur énergétique russe, c’est la construction de nouvelles routes internationales du gaz, comme le Nord Stream, ou le South Stream. Le directeur du Centre russo-ukrainien d’information Oleg Bondarenko évoque dans un entretien à La Voix de la Russie l'importance du South Stream. «Il joue le rôle d’un fil géopolitique reliant la Russie aux Balkans. C'est un point fondamental qui est très actuel pour nos partenaires dans le contexte du fait que leur intégrité territoriale pourra être garantie de cette manière. Comme, par exemple, pour la Serbie».
Par ailleurs, pour la construction du gazoduc, il faudra beaucoup moins de fonds que pour l’acquisition du système de transport de gaz ukrainien. Selon Alexeï Miller, mis à part le rachat des actions dans la coentreprise, Moscou devra également investir dans la modernisation des tuyaux. Cela coûterait, selon les diverses estimations, jusqu'à 8 milliards d'euros. Il faut également prendre en compte les réductions sur le gaz, que l'Ukraine est en train de demander activement, à savoir 9 milliards de dollars par an. En même temps, la construction du South Stream, dont la moitié sera financée par les partenaires européens, coûtera 16,5 milliards d’euros.