La guerre en Macédoine

La guerre en Macédoine
La guerre en Macédoine - Sputnik Afrique
S'abonner
Vous êtes à l’écoute de l’émission du cycle «Les guerres du XXème siècle» sur les ondes de la Voix de la Russie. L’experte invitée Elena Gouskova, directrice du Centre d’étude de la crise balkanique de l’Institut d’études slaves de l’Académie des sciences de Russie participe à l’émission …

La Seconde guerre mondiale terminée en 1945 et ses initiateurs ayant mérité le châtiment au procès de Nuremberg, l’humanité espère vivre en paix. Or, les décennies qui suivirent s’avèrent sans précédent d’après le nombre de guerres et de conflits armés grands et petits ayant fait d’innombrables victimes. Pourquoi la communauté mondiale ne réussit pas, même sous la bannière de l’ONU, à concevoir un mécanisme net de garantie de la paix universelle ? Les incendies armés réguliers, sont-ils dans l’intérêt des militaires influents, des forces et des joueurs politiques et économiques qu’on appelle parfois la «coulisse mondiale» ? Quelles sont les origines de telle ou telle guerre, qui se dresse derrière ses participants, qui doit assumer la responsabilité des centaines de milliers et des millions de tués et de blessés ?

Nous parlerons aujourd’hui de la guerre surgie en 2001 entre les forces gouvernementales et les détachements de séparatistes albanais sur le territoire de la Macédoine. Ce n’est que grâce à l’ingérence urgente de l’ONU, de l’UE et de l’OTAN qu’on réussit à éteindre l’incendie. Cependant, la Macédoine est depuis ce moment au seuil d’une désintégration et ses citoyens recherchent de plus en plus activement les passeports étrangers, en premier lieu bulgares.

Cela commence comme suit …

La désintégration dramatique de la Yougoslavie dans la première moitié des années 1990 n’épargne pas la République socialiste de Macédoine avec la capitale à Skopje. Ses origines remontent aux événements du XIX – début du XXes siècles lorsque les pays balkaniques: Bulgarie, Serbie et Grèce essaient de partager les territoires macédoniens affranchis du joug ottoman séculaire. Athènes considèrent toujours le nom «Macédoine» comme une infraction à leur intégrité territoriale et bloquent depuis deux décennies l’admission de la Macédoine à l’UE et à l’OTAN. Le pays figure, de ce fait, dans les documents de l’ONU, de l’UE et de l’Atlantique Nord comme la «République ex-yougoslave de Macédoine». Les contingents de paix onusiens sont stationnés sur le territoire macédonien dans les années 1990.  

Le facteur albanais s’ébauche et mûrit en Macédoine. Les délégués de la Ligue albanaise affirment à la fin du XIXe siècle qu’une grande partie des territoires macédoniens devraient faire partie de l’Albanie ethnique. Les Albanais macédoniens déclarent ouvertement vers la fin des années 1990 dans le contexte des événements au Kosovo voisin leurs droits en exigeant une vaste autonomie pour le Nord et l’Ouest du pays en menaçant de reprendre le scénario kosovar. D’après les données officielles, les Albanais habitant en Macédoine atteignent 25% contre moins de 13% dans les années 1950. En ce qui concerne les Albanais, ils en constatent 48%.

Les événements évoluent comme suit …

Les premiers affrontements armés entre les détachements albanais et les forces macédoniennes de la protection de l’ordre surgissent à la mi-février 2001 essentiellement dans la région de la localité frontalière Tanucevcy. Les commandos albanais déplacent du Kosovo en Macédoine armes et détachements armés et inspirent les attentats dans les régions frontalières. La frontière entre le Kosovo et la Macédoine n’est pas protégée. Les unités de l’armée yougoslave et de la police serbe sont retirées du territoire du Kosovo sous la pression de l’OTAN dès l’été 1999. On assiste début mars 2001au regain d’activité des commandos albanais unis sous la bannière de l’Armée de libération  nationale étroitement liée à l’UCK. Le 4 mars 2001 de multiples unités d’Albanais passent la frontière entre le Kosovo et la Macédoine, délivrent combat contre les unités de l’armée macédonienne près du village Tanucevcy et s’emparent de plusieurs villages frontaliers. Les affrontements armés se répandent aussitôt sur la banlieue de Tetovo, grande ville macédonienne.   

Les autorités macédoniennes exhortent à convoquer une séance urgente du Conseil de sécurité de l’ONU. Le gouvernement du pays déclare que la Macédoine fait l’objet de l’agression du Kosovo inspirée et réalisée avec le soutien des structures politiques du Kosovo. Or, l’armée macédoine peu nombreuse parvient difficilement à faire face aux unités de l’Armée de libération nationale albanaise. Le gouvernement macédonien est même contraint d’acheter plusieurs hélicoptères ukrainiens dont l’emploi pousse les Albanais et leurs partisans occidentaux à signaler un emploi inadéquat de la force contre les civils.  

Dans le même temps, dans les capitales mondiales … 

 Les actes des séparatistes albanais en Macédoine prennent au dépourvu la communauté mondiale, en premier lieu l’Occident.

Le président du Conseil de sécurité de l’ONU rend dans sa déclaration faite le 7 mars 2001 les extrémistes albanais kosovars responsables de l’escalade de la violence. La position analogue est formulée dans la résolution N 1345 en date du 21 mars 2001. Le Conseil de sécurité exige l’arrêt immédiat des opérations armées contre les autorités.

Cependant, l’effusion de sang prend de l’ampleur …

Les leaders des mutins albanais n’ont la moindre intention de déposer les armes. Le leader du parti démocratique des Albanais de Macédoine Arben Djaferi compare dans une interview accordée en 2001 les événements en Macédoine aux actes des séparatistes albanais au Kosovo. Les leaders de l’Armée albanaise de libération nationale soutenus des leaders des partis politiques des Albanais macédoniens adressent toute une série de conditions au gouvernement, à savoir : emploi illimité de la langue albanaise en tant que langue officielle en Macédoine, représentation ethnique proportionnelle dans les institutions publiques, compétence plus vaste des communautés, révision de la Constitution, consensus démocratique dans les sphères d’activité liées aux droits ethniques, droit de libre communication dans le cadre de l’espace culturel albanais embrassant tant la Macédoine et le Kosovo que l’Albanie et le Sud de la Serbie, le Monténégro et la Grèce habités par les Albanais. Pour contraindre les autorités macédoniennes à faire des concessions, les extrémistes albanais intensifient leurs opérations contre les forces de sécurité en transformant de vastes territoires du Nord et de l’Ouest en un théâtre d’opérations armées et en menaçant d’encercler la capitale Skopje. Les données sur les pertes divergent. Les pertes parmi les civils atteignent au moins 70 personnes.

L’Occident se frotte déjà les mains …

L’OTAN et l’UE préfèrent interpréter les actes de la partie albanaise comme la lutte pour les droits culturels et nationaux des Albanais macédoniens et contre leur prétendue oppression de la part de Skopje. Sinon, il faudrait reconnaître que les origines de l’émeute antigouvernementale remontent au Kosovo contrôlé par l’Atlantique Nord. Au micro Elena Gouskova :

L’Occident aménage dans l’espace postyougoslave le système unique de pourparlers et une « langue de dialogue » en vue de contraindre à adopter une décision conçue d’avance. Il en résulte que les grandes institutions internationales et les médias occidentaux exigent que le gouvernement macédonien accepte les conditions de l’Armée de libération nationale et des leaders des partis politiques des Albanais macédoniens. La résolution du Conseil de l’Europe en date du 25 avril 2001 supposant la transformation de la Macédoine en un Etat multinational est soumise à l’examen des députés albanais du parlement macédonien. D’autres parlementaires se voient refuser le droit d’exprimer la position officielle du gouvernement macédonien. Le «New York Times» qualifie les commandos albanais de «combattants pour les droits de l’homme» et non pas de terroristes.   

Or, Moscou ne reste pas elle non plus les mains croisées …

L’administration russe avertit dès le début la communauté mondiale sur l’authentique contenu des événements sanglants en Macédoine et signale le danger d’une tolérance aux idées de la Grande Albanie. Vladimir Poutine qui est à l’époque président de Russie dit le 24 août 2001 à l’issue des pourparlers avec le président macédonien Boris Trajkovski : «Nous devons comprendre que ce sont les terroristes et non pas les mutins qui nous sont opposés. Ce sont des gens qui se proposent de réaliser les objectifs politiques tout différents : réviser les frontières en Europe». La diplomatie russe insiste au niveau de l’ONU et du Conseil de sécurité pour adresser les conditions concrètes au gouvernement macédonien et aux leaders de l’Armée de libération des Albanais macédoniens concernant, en particulier, leur désarmement. Cette clause est finalement formulée dans les documents politiques en tant qu’action bénévole.

Il est temps de s’entendre sur la paix …

Le gouvernement macédonien et les leaders des grands partis des Albanais macédoniens signent le 13 août 2001 avec la médiation de l’UE l’accord-cadre d’Ohrid permettant de mettre fin aux affrontements armés. Le document suppose l’octroi à la langue albanaise du statut de la langue officielle parallèlement au macédonien dans les municipalités où plus de 20% des habitants parlent cette langue. Qui plus est, il est prévu de «décentraliser le pouvoir» en étendant substantiellement les droits des organes locaux du pouvoir, la représentation des Albanais dans les institutions publiques, la police et l’armée y compris dans le commandement. Les clauses réservant aux Albanais macédoniens les droits beaucoup plus vastes et les transformant de facto en second peuple de la république sont formulées dans la nouvelle version de la Constitution du pays ainsi que dans l’Accord-cadre entre le gouvernement macédonien et l’OTAN. Les documents entrent en vigueur dès 2002. 

L’incendie, est-il en fait éteint ? Au micro Elena Gouskova :

Plusieurs organisations ont révisé leurs conception et objectifs pendant la crise balkanique. L’OTAN est l’exemple le plus éloquent. L’Atlantique Nord essaie, en tant qu’une organisation militaire, d’assumer la mission de paix dans les Balkans. L’OTAN devient en fait un instrument de pression sur une partie intransigeante au conflit. Ce sont les Serbes au Kosovo et les autorités macédoniennes se défendant contre une émeute séparatiste armée. Or, la tolérance à la partie albanaise peut entraîner prochainement une nouvelle vague de déstabilisation dans les Balkans. Inspirés par les succès enregistrés en 2001 et surtout par le précédent kosovar, les Albanais macédoniens adressent l’ultimatum à Skopje. Il s’agit de transformer la Macédoine en une confédération albano-slave amorphe sous le nom de « République Macédoine-Illirida ». Ce sera un fondement légitime pour les séparatistes albanais d’en sortir à tout moment, d’adhérer au Kosovo et de former une Grande Albanie envisagée dès la fin du XIXe siècle.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала