Le mardi 20 décembre une réunion du Conseil de sécurité collective de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) s’est tenue à Moscou. Elle a démontré que tous les membres de l’organisation ressentaient la nécessité d’avoir un parapluie de sécurité collectif malgré les différends qui opposent certains pays. Ce n’est pas par hasard que pour la première fois de son histoire la réunion a adopté un document précis de planification militaire.
Les présidents de la Russie, de l’Arménie, de la Biélorussie, du Kazakhstan, du Kirghizstan, du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan (pour la première fois depuis des années) ont pris part à la réunion, ainsi que le secrétaire général de l’OTSC, les ministres des Affaires étrangères et de la Défenses et les secrétaires des Conseils de sécurité des pays membres.
Ces derniers temps, l’OTSC était vivement critiquée, souvent à juste titre. L’Organisation n’a toujours pas réussi à devenir un instrument de sécurisation de l’espace postsoviétique.
Toutefois, il n’existe pas d’alliance militaire plus efficace sur le territoire de l’ex-URSS, les pays membres de l’OTSC sont donc contraints d’élaborer un algorithme amélioré de coopération au sein de la structure existante.
Les règles de jeu sont à préciser
Au cours des dernières années, on pouvait avoir l’impression que l’OTSC était un projet dont seule la Russie avait besoin. En tout cas c’est ainsi que les dirigeants de certains pays de la CEI tentaient de décrire la situation.
Dans le même temps, les partenaires de Moscou au sein de l’OTSC étaient persuadés que la Russie leur accorderait automatiquement toute l’assistance nécessaire en cas de crise.
Par ailleurs, les pays membres de l’OTSC profitent surtout financièrement de leur participation à l’organisation en temps de paix: un avantage non négligeable consiste notamment à pouvoir acheter des armes et des matériels spéciaux aux prix du marché russe (en partie à crédit) et de se faire fournir des informations opérationnelles par les services de renseignement russes (ce dernier avantage revêt actuellement une importance cruciale pour le Tadjikistan)
Or, Moscou se montrait perplexe face à la présence trop prolongé de la base de l’armée de l’air américaine de Manas en Kirghizie (elle a été rebaptisée en Centre de transport de frets) et par un éventuel déploiement des bases militaires de l’OTAN et des Etats-Unis au Tadjikistan et en Ouzbékistan.
D’ailleurs, l’arrestation au printemps 2011 de pilotes russes au Tadjikistan ne peut pas non plus être qualifiée d’acte amical, malgré toutes les déclarations du gouvernement tadjik sur ses relations particulières avec la Russie, notamment dans le cadre de l’OTSC.
La Russie a donc en toute légitimité posé toutes ces questions à ses alliés au sein de l’organisation.
Les pays membres de l’OTSC ont convenu que les bases militaires des pays tiers ne pourraient pas être déployées sur leur sol sans l’accord de tous les membres de l’organisation. Selon le président russe Dmitri Medvedev, "la décision que nous avons prise au sujet des bases militaires des pays tiers est cruciale pour consolider l’OTSC."
Les zigzags de Tachkent
La récente réunion du Conseil de sécurité collective de l’OTSC a été marquée par la présence du président ouzbek Islam Karimov.
Les relations entre l’Ouzbékistan et l’OTSC n’ont jamais été et ne sont pas simples non plus aujourd’hui. Le Traité de sécurité collective (TSC) a été signé à Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan, le 15 mai 1992. Toutefois, le pays a dénoncé le traité en avril 1999.
Après les émeutes d’Andijan (mai 2005), Tachkent a adhéré à l’OTSC mais en octobre 2008 il a suspendu sa participation. Qui plus est, l’Ouzbékistan non seulement s’abstenait de participer au fonctionnement des organismes de l’OTSC mais bloquait souvent les initiatives de l’organisation, à savoir la création de la Force collective de réaction rapide et le déploiement dans le sud du Kirghizstan d’une base de lutte antiterroriste de l’OTSC.
Aujourd’hui Tachkent continue de créer des difficultés à l’organisation. Le pays négocie le déploiement en Ouzbékistan de bases militaires américaines qui seront retirées d’Afghanistan en espérant importer ainsi la stabilité, mais en fait il ne fait qu’attiser les activités des organisations islamistes.
L’OTSC (que l’Ouzbékistan n’a pas quitté de-jure), et avant tout la Russie, risquent à chaque instant de se voir contraintes de défendre le régime d’Islam Karimov contre les radicaux islamistes.
Il est à noter que la Biélorussie et non pas la Russie a soulevé la question du statut de l’Ouzbékistan au sein de l’OTSC. De toute façon, en 2012 Tachkent sera obligé de prendre une décision à ce sujet: la duplicité de son statut ne correspond plus aux nouvelles normes de l’organisation.
Les priorités pour 2012
La Biélorussie passe la présidence tournante de l’OTSC au Kazakhstan, et le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev présidera en 2012 le Conseil de sécurité collective de l’OTSC.
Au cours de sa présidence, le Kazakhstan aura toute une série de problèmes à résoudre, et trois d’entre eux sont cruciaux.
Au cours de la réunion du TSC, les participants ont entériné le Règlement concernant la réaction des Etats membres de l’OTSC aux situations d’urgence. Il y a un an déjà, les Statuts de l’OTSC ont été amendés afin de conférer à l’organisation certaines fonctions policières (ces amendements ont été apportés après les affrontements interethniques sanglants dans le Sud du Kirghizstan en été 2010). Le règlement autorise le recours à la force (toutefois, uniquement avec l'aval du Conseil de sécurité de l’ONU) pour réprimer des révoltes.
Le Kazakhstan sera justement chargé d’élaborer l’algorithme d’utilisation de la Force collective de réaction rapide de l’OTSC à ces fins.
Le trafic des stupéfiants en provenance d'Afghanistan redevient un thème hautement pertinent. Dans ce contexte, la Russie insiste de plus en plus sur le retour des gardes-frontières russes à la frontière entre le Tadjikistan et l’Afghanistan (ils pourraient fonctionner dans le cadre du mandat de l’OTSC).
Par ailleurs, la présence d’un contingent puissant de l’OTSC à la frontière afghano-tadjike serait extrêmement bénéfique pour la stabilité intérieure du Tadjikistan.
Evidemment, le problème afghan est un autre sujet de préoccupation. Le retrait prévu des forces de l’OTAN et le regain d’activité des talibans en Afghanistan et au Pakistan suscite une inquiétude mal dissimulée chez les partenaires centrasiatiques de Russie au sein de l’OTSC.
Pour la première dois de l’histoire des réunions de l’OTSC, un document précis de planification militaire a été adopté. Il s’agit du Plan de l’OTSC pour contrer les menaces et les défis émanant du territoire afghan.
Point n'est besoin d’être un expert militaire pour comprendre que les mesures conjointes de planification militaire nécessitent un niveau radicalement plus élevé de coopération entre les membres de l'alliance défensive
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction