Au sommaire:
-L’opéra est comme une femme qu’on aime
-La Scandinavie découvre Aïvazovski
-Les conceptualistes de Moscou vous souhaitent une bonne année
-Les liens culturels russo- français au jour le jour
L’opéra est comme une femme qu’on aime
L’éminent chef d’orchestre russe Valery Guerguiev a qualifié de «projet national d’opéra» l’encyclopédie électronique «chronique de l’opéra mondial» dont la présentation vient d’avoir lieu à Moscou.
Le titre n’est pas une exagération puisque l’édition couvre toute l’histoire du genre depuis ses début il y a 400 ans jusqu’aux oeuvres du 20ème siècle.
C’est un beau coffret qui contient un dépliant et 4 DVD avec des articles et un millier d'extraits vidéo et audio des opéras du monde. Il s’agit du premier des trois volumes de l’encyclopédie. Son auteur, le professeur Mikhaïl Mouginstein, a fait publier il y a six ans cet ouvrage sur support papier mais il a compris depuis que les gros volumes de deux kilos ne correspondaient plus aux exigences modernes. «Les jeunes ne lisent, malheureusement, plus les gros livres, mais en revanche tout le monde possède un pc portable et se sert volontiers des cédéroms», concède le musicologue.
«L’opéra s’assimile pour moi à une femme que j’aime, dans toute sa beauté. Cette encyclopédie électronique est la première au monde bien que les technologies numériques soient à la portée de tous et permettent de faire la synthèse des oeuvres et des spectacles. Piotr Tchaïkovski disait déjà que l’opéra n’existe qu’à travers sa mise en scène. L’oeuvre et la représentation sont les deux piliers de l’opéra. On trouve des choses vraiement rares comme l'air «Une vie pour le tsar» interprété par le célèbre basse russe Fédor Chaliapine et enregistré en 1908. Cette interprétation se distingue avantageusement des versions modernes, elle est deux fois plus rapide et beaucoup plus poignante. Quant on voit, par exemple, l’enregistrement de 1928 avec le ténor italien Tito Skipa qui interprète la Romance de Némorino, on comprend parfaitement que l’art de bel canto est depuis logntemps mort et enterré. En effet, personne ne chante plus comme ça. Et même Pavarotti, le meilleur Némorino de son époque, le faisait en forçant la voix et en frappant par là-même la mélancolie d’une douceur étonnante qui s’en dégage. J’espère que nos descendants pourront admirer tout cela», raconte Mikhaïl Mouginstein
L’auteur de l’encyclopédie propose entre un et six exemples visuels pour chaque oeuvre et on en compte 200, rien que dans le premier volume. Les interprétations présentées sont différentes au point d’être parfois antagonistes. C’est plus qu’une simple chronique de l’opéra mais un tableau vivant du théâtre du 20ème siècle et même de ce début du 21ème, estime Alexandre Titel, éminent metteur en scène d’opéra.
Ce livre a ceci d’intéressant que sa place dans la culture et l’histoire va changer avec le temps. C’est une synthèse au regard à la fois subjectif et objectif sur l’évolution de l’opéra. D’une part, il expose par le menu le contenu d’un grand nombre d’opéras, c'est le volet objectif. Mais, d’autre part, on y trouve aussi un point de vue subjectif porté par Mikhaïl Mouginstein en sa qualité de musicologue, de critique de théâtre et d’expert en processus théâtral contemporain. Mieux encore, les fragments vidéo présentent les spectacles de différents pays qui couvrent la période de 1980 à 2010. Ce choix est également dicté par le goût et les préférences de l’auteur, mais les spectacles eux-mêmes sont d’une qualité remarquable. Les futures générations de chanteurs d’opéras pourront par conséquent avoir un tableau étonnant et presque exhaustif de l'opéra et du théâtre dans toute sa diversité. C’est formidable parce de cette façon l’opéra peut gagner en popularité.
La Scandinavie découvre Aïvazovski
Un tableau dont le prix estimé par ses propriétaires ne dépassait pas 10.000 euros a été vendu 920.000 euros par une maison de vente aux enchères de Stockholm. Il s’agit de la toile du célèbre peintre mariniste russe Ivan Aïvazovski «Le coucher de soleil sur la Grande Laure. Le mont Saint Athos».
L’histoire de cette oeuvre que l’expert de la maison de Stockholm date de 1846 et considère comme «une des plus précoces, belles et importantes oeuvres d’Aïvazovski vendues ces dernières années aux enchères», est énigmatique. Il se trouve qu’avant d’apparaître aux enchères, tableau avait passé 60 ans dans un village norvégien, passant de mains en mains. Au début des années 1950 son propriétaire qui ignorait le trésor artistique qu'il possédait s’en est servi pour ... payer son dentiste. Par ailleurs, les cent premières années de cette toile sont également couvertes d’un épais voile de mystère, dont la façon dont elle s’est retrouvée en Norvège.
L’expert Ivan Samarine n’exclut pas que le tableau «Le coucher de soleil sur la Grande Laure. Le mont Saint Athos» ait été exposé en 1846 à Théodosia, la ville natale de l’artiste au bord de la mer Noire. Le musée qui s’y trouve actuellement abrite plus de 400 toiles d’Aïvazovski ce qui est la plus grande collection au monde. Mais les oeuvres du grand mariniste ne manquent pas non plus dans d’autres galeries et collections privées. Aïvazovski, c’est toujours «une marque de qualité et de valeur artistique», affirme la critique d’art Marina Matskévitch.
On connaît bien la prolixité d’Aïvazovski qui estimait lui-même avoir peint environ 6000 tableaux mais on en trouve beacoup plus sur le marché de l'art.
«D’ailleurs, le mariniste Ivan Aïvazovski a vécu sa vie comme un grand voyage en mer», précise Marina Matskévitch.
Il sillonnait les mers et avait même peint le tableau «Les monts de glace de l'Antarctique» sans jamais gagner le continent de glaces. Il avait néanmoins traversé l’Atlantique, visité l’Amérique et pris part aux débarquements tout en restant un observateur au-dessus de la mêlée. Ses oeuvres étaient évidemment le condensé de ses impressions qu’il pouvait garder de la Mer Rouge, de la Méditerranée ou de la Baltique. Un jour la presse européenne a répandu la nouvelle de sa mort dans un naufrage dans le golfe de Biscaya. Ce jeune artiste jouissait déjà d’une grande renommée. Sa célèbre toile «La lame de fond» a vu le jour après ce naufrage.
La manière propre à Aïvazovski est facilement reconnaissable dans le tableau «Le coucher de soleil sur la Grande Laure» vendu 920 000 euros à Stockholm. On y voit une mer démontée vivement éclairée par le soleil couchant derrière le Mont Saint Athos. La toile mesure 83 centimètres sur 117, une taille moyenne pour Aïvazovski. Le nouveau propriétaire a dû évaluer sa beauté à juste titre parce qu’il l’a payé 300.000 euros au-dessus de sa valeur estimée.
Les conceptualistes de Moscou vous souhaitent une bonne année
Les Moscovites qui apprécient surtout l’originalité des cadeaux du Nouvel An et ont des moyens à la mesure de leurs ambitions, peuvent trouver ce qu’ils cherchent à l’exposition «Les cartes postales d’artistes».
«Ce projet ressuscite la veille tradition russe à savoir offrir pour Noël et Nouvel An des cadeaux qu’on a fabriqué soi-même. Trente peintres conceptualistes de Moscou ont profité de l’exposition pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont réussi à faire rentrer dans le format festif la politique et l’ethnographie, les motifs érotiques et religieux, les méditations philosophiques et même des facéties joyeuses. Konstantin Zviozdtchetov, Vera Khlebnikova et Alexandre Petreli sont autant de noms qui en disent long aux amateurs de l’art contemporain», affirme la commissaire du projet Vera Pogodina.
«Les travaux des artistes présentés à l’exposition sont évalués à des milliers d’euros sur le marché des oeuvres d’art. Mais notre exposition festive fixe la limite à seulement 200 euros pour attirer ceux qui souhaitent faire un beau cadeau. Avant de lancer ce projet j’ai appris que la même tradition existait au Metropiltan museum aux États-Unis qui organisait en prévision des fêtes de Noël des expositions d'oeuvres miniature. C’est une tendance à la mode. Mais il existe un grand décalage entre l’art contemporain et les choses simples et accessibles, des petites fleurs et des paysages, que préfèrent le commun des mortels. Notre exposition s’éloigne des sentiers battus tout en proposant des objets à la fois festifs et drôles...
Quelques-uns d’entre eux sont de véritables puzzles! Il semble à première vue que l’image délibérément dépourvue d’artifices de Rostan Tawasief ne fait que parodier les clichés d’un journal mural scolaire. Mais c’est un cryptogramme de la Sixtine de Raphael sauf qu’à la place de Vierge Marie, du pape Sixte et de Sainte Barbe, l’artiste a peint un arbre de Noël, un bonhomme de neige et une luge».
La carte postale de Farid Bogdalov, elle non plus, ne se laisse pas décrypter tout de suite. Il s’agit apparemment d’une copie réduite du tableau «La sportive qui court» d’Alexandre Deïneka, peintre russe de l’époque du réalisme socialiste. Mais s’il n’y a qu’une sportive dans la version originale, la copie en compte deux et s’intitule «Le Samsara». Qu’est-ce que cela signifie? Quel rapport avec le Nouvel An?
«Le Samsara est une doctrine hindouiste qui enseigne que tout se répète dans le monde. Le cycle de Samsara correspond au cycle complet des réincarnations. Une âme quitte le monde et une autre vient à sa place. Il se peut qu’elle soit la copie conforme de celle qui s’en va. Voilà le sens de cette image», explique le peintre.
Cette conception ne correspond pas vraiment à la mentalité des Russes qui préfèrent le Père Noël, personnage principal du Nouvel An avec son sac de cadeaux. «Les cadeaux» c’est d’ailleurs le titre du tableau de Maxime Vassilenko qui représente un minuscule Père Noël qui erre dans un désert de neige avec un petit sapin à l’épaule... L’image est loin de l’idéal festif.
«J’ai voulu faire sentir l’état de magie et le sentiment d’une solitude infinie. D’un côté, le Père Noël est un personnage magique et tout-puissant mais, d’un autre côté, il y a au-dessus de lui quelque chose de plus grand et de plus mystérieux qui est le Cosmos. Toute fête a un revers et la joie a souvent pour contrepartie la mélancolie», pense Maxime.
L’exposition quittera Moscou pour Vienne à quelques jours du Nouvel An.
Les liens culturels russo- français au jour le jour
La 12ème édition du festival «Le cinéma français d’aujourd’hui» s’est déroulée du 7 au 9 décembre dans le cinéma «35 mm». En plus de voir les nouveaux films français avant leur sortie à l’écran, le public de Moscou a pu discuter avec les réalisateurs et les acteurs qui commentaient leurs films.
Cinq nouveaux films ont été projetés avant-première dans le cadre du 12ème festival: «Les Intouchables» d’Olivier Marchal, «La Vénus noire» d’Abdellatif Kechiche, «Traduit de l’américain» de Jean-Marc Barr et de Pascal Arnold, «La ligne droite» de Regis Varnier et «Ma petite princesse» d’Eva Ionesco.
Les acteurs Tchéky Keryo, Pierre Perrier, Vincent Pérez, Yahima Torres et les réalisateurs Karine Silla, Regis Varnier et Eva Ionesco étaient également présents au festival.
Les spectateurs ont aussi pu voir en complément un sixième film «Un baiser papillon» de Karine Silla. De plus, quatre programmes de courts-métrages ont mis en lumière l’avenir du cinéma français. Après Moscou, le festival s’est rendu pour la première fois à Kazan.
Trois spectacles hauts en couleurs montés par le légendaire Moulin Rouge de Paris seront donnés le 16-18 décembre au Crocus City Hall. Les numéraux originaux seront complétés par les prestations de la diva française Kelly Joyce de retour sur la scène pour la plus grande joie de ses fans de Moscou.
En plus d’un siècle de son histoire, le Moulin Rouge est devenu un des grands symboles de la France mais pour les artistes de la célebre troupe ce n’est pas seulement la première tournée en Russie mais aussi la première sortie à l’extérieur de Paris.
Les chanceux qui ont eu le temps d’acheter les tickets pour le spectacle pourront se plonger dans l’ambiance parisienne dès le foyer de la salle de concerts. Un autre événement se déroule simultanément dans les locaux du «Crocus Expo». Il s’agit de l’exposition des produits de luxe «TOP LINE» consacrée cette année à la France.
Le légendaire chansonnier français Charles Aznavour a donné le 12 décembre l’unique concert au Palais du Kremlin dans le cadre de sa tournée mondiale pour présenter son nouvel album «Aznavour Toujours».
Aznavour jouit d’une grande célébrité tant dans sa patrie que dans le monde entier. Ses chansons ont de tout temps fait le bonheur du public français, arménien ou russe. Son concert est un grand événement pour tous les adeptes de la chanson française. Le chansonnier a interprété ses meilleures chansons pour le public de Moscou, le plongeant dans une atmosphère mélancolique douce et lumineuse.