La situation en Ossétie du Sud est entrée dans une nouvelle phase bien plus calme. Mais la retombée totale de la tension, attendue dans les premières heures suivant la conclusion d’accord de compromis vendredi, n’a pas eu lieu.
Rappelons l’essence des accords signés vendredi: le président sud-ossète sortant Edouard Kokoïty démissionne samedi, les partisans d’Alla Djioïeva quittent la place dimanche, Alla Djioïeva aura la possibilité de participer à la présidentielle en mars 2012, et Vadim Brovtsev est nommé président de la République d’Ossétie du Sud par intérim.
A peine atteint, le compromis s'est fissuré. En abandonnant le poste présidentiel contre le départ des partisans d’Alla Djioïeva de la place centrale de Tskhinvali, Edouarda Kokoïty a nommé dans la dernière journée de sa présidence le procureur général adjoint, inacceptable pour Djioïeva, au poste de juge de la Cour constitutionnelle. Par ailleurs, une autre exigence d’Alla Djioïeva n’a pas été remplie: la démission du président de la Cour suprême Atsamaz Bitchenov et du procureur général Taïmouraz Khougaïev n’a pas été annoncée.
Alla Djioïeva proteste contre la violation des accords intervenus et exige du président par intérim Vadim Brovtsev l’annulation des derniers décrets "illégitimes" d’Edouard Kokoïty.
Alors Djioïeva a-t-elle donc damé le pion à Kokoïty ou est-ce l’inverse? La réponse à cette question dépendra des actions du nouveau président sud-ossète par intérim qui était censé rencontrer lundi les représentants de toutes les forces politiques de la république, y compris Alla Djioïeva. Vadim Brovtsev réussira-t-il à prendre le contrôle de la situation dans cette petite république déchirée par la lutte politique derrière laquelle on perçoit des intérêts claniques?
"Brovtsev est perçu par la population comme un émissaire de Moscou appelé à contrôler la répartition de l’aide russe à la république et peu disposé à défendre la démocratie en Ossétie du Sud, a déclaré à RIA Novosti un membre de l’entourage de Djioïeva qui a souhaité garder l’anonymat. Très probablement Brovtsev ne décidera de rien et laissera l’élite politique de l’Ossétie du Sud régler la crise par ses propres moyens."
Mais comment? Dans la partie d’échec complexe jouée entre le président sortant Edouard Kokoïty et Alla Djioïeva qui aspire à le remplacer, celui qui perdra le rythme sera vaincu. Pour l’instant, cette perte est évidente pour Djioïeva: son appel au parlement à se réunir d’urgence lundi et à régler la question de la démission de Bitchenov et de Khougaev n’a eu aucun effet. Le parlement, où apparemment dominent les partisans de Kokoïty, se réunira mercredi, comme prévu.
Mais cette perte de rythme éphémère ne signifie pas encore une défaite définitive d’Alla Djioïeva. Même si les partisans de Kokoïty parvenaient à garder le contrôle du pouvoir représentatif et judiciaire, ils devront encore déterminer qui sera le rival de Djioïeva à l’élection de mars 2012.
Il est peu probable qu’Anatoli Bibilov, qui n’a pas réussi à s’imposer face à Djioïeva au second tour en novembre, ou d’autres adversaires malchanceux avancent à nouveau leur candidature. Dans les couloirs du parlement et dans la presse on parle toutefois du directeur d’une boulangerie industrielle, Vadim Tskhovrebov, qui a obtenu au premier tout pratiquement 10% des voix et qui a soutenu Bibilov au second tour. Mais Vadim Tskhovrebov, qui jouait depuis le début un rôle de figurant à la présidentielle et se montrait prêt à retourner dans le secteur de boulangerie en cas de défaite, est peu susceptible d’accepter de se représenter.
Dans l’ensemble, le résultat obtenu peut déjà être qualifié de positif pour la république. Le scénario de confrontation armée est désormais presque exclu.
Les partis ont trois mois avant la présidentielle de mars 2012 pour régler tous les différends et parvenir à un compromis. Le 7 décembre l’ancien président Kokoïty a limogé les personnalités les plus détestables du gouvernement de la république dont la population se plaignait le plus: le président du comité d’Etat pour l’information Gueorgui Kabissov, le maire de Tskhinvali Guerassim Khougaev et les ministres de la Santé et de l’Education.
Ainsi, la démocratie a en fin de compte fonctionné en Ossétie du Sud.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction