La planète manque cruellement de glace arctique

© RIA Novosti . Valery YarmolenkoLa planète manque cruellement de glace arctique
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L’année dernière, une quantité record de gaz à effet de serre a été émise dans l’atmosphère, a rapporté récemment l’Organisation météorologique mondiale des Nations Unies dans son rapport annuel. Ainsi, l’humanité a de nouveau contribué au réchauffement climatique et, par conséquent, à la fonte des glaces en Arctique.

L’année dernière, une quantité record de gaz à effet de serre a été émise dans l’atmosphère, a rapporté récemment l’Organisation météorologique mondiale des Nations Unies dans son rapport annuel. Ainsi, l’humanité a de nouveau contribué au réchauffement climatique et, par conséquent, à la fonte des glaces en Arctique. La calotte glaciaire arctique de la Terre continue à se réduire, et les experts estiment qu’à la fin du siècle le visage de l’Arctique aura changé.

Un peu de fiel gâte beaucoup de miel
L’avenir économique de l’Arctique pourrait être décrit dans une tonalité majeure. Selon les experts, tous les éléments sont réunis.

Selon leurs prévisions, les navires seront de plus en plus nombreux à emprunter la Route maritime du nord entre l’Europe et l’Asie, via l’océan Arctique et le détroit de Béring. Les compagnies pétrolières et gazières se multiplieront en Arctique. Le tourisme écologique sera plus dynamique: le nombre d’amateurs d’exotisme polaire augmente progressivement.

Mais il existe un "mais" à cet avenir optimiste: qu’en sera-t-il de la nature en Arctique souffrant du changement climatique et de l’invasion de l’homme?

La fonte globale des glaces
"La fonte des glaces est l’exemple le plus évident du réchauffement climatique contemporain en Arctique", a déclaré lors d’une table ronde à RIA Novosti Guenrikh Alexeïev, responsable du département d’interaction entre l’océan et l’atmosphère de l’Institut de recherches arctiques et antarctiques.

La température de l’air augmente en Arctique et, par conséquent, la superficie de la glace diminue. Par exemple, l’année dernière, la superficie totale de la glace arctique était de 4,9 millions de kilomètres carrés, et cette année elle n’est que de 4,61 millions km², déclare-t-il.

"L’Arctique dépend significativement de l’afflux de la chaleur des basses latitudes qui augmente considérablement, fait remarquer Guenrikh Alexeïev. L’arrivée d’eau chaude en provenance de l’Atlantique augmente." Au final, en été les glaces reculent de plus en plus du littoral. Ce processus a été constaté par la station en dérive Pôle Nord-38.

La lisière des glaces s’est significativement éloignée des côtes dans la mer de Sibérie Orientale et la mer des Tchouktches, cite en exemple Alexeï Kokorine, directeur du programme Climat et énergie du Fonds mondial pour la nature (WWF).

Suite à la fonte des glaces arctiques en été l’épaisseur des banquises de plusieurs années qui se sont formés pendant plusieurs hivers diminue, poursuit Guenrikh Alexeïev.

En octobre les scientifiques de l’Institut polaire norvégien sont arrivés à la même conclusion. Ils ont mesuré l’épaisseur des banquises arctiques grâce à un sonar au fond de l’océan Arctique.

Et voici les conclusions de l’étude annoncées par l’océanographe Edmond Hansen: les banquises de plus de 5 mètres d’épaisseur ont pratiquement disparu. Dans les années 1990 elles représentaient 28% des glaces en Arctique. En hiver 2010 leur proportion n'était que de 6%.

Depuis les années 1990, l’épaisseur des plus grandes banquises a diminué jusqu’à 2,2 mètres. En d’autres termes, explique Edmond Hansen, l’épaisseur les banquises âgées de plusieurs années avoisine progressivement celle des banquises formées il y a un an.

C’est un cercle "polaire" vicieux: le réchauffement climatique fait fondre la glace, et leur destruction accélère à son tour le processus de réchauffement global. Car la fonte des glaces arctiques entraîne une augmentation de l’absorption de l’énergie solaire.

Pour l’instant, la calotte arctique reflète la lumière du soleil. Mais si elle fondait, la surface de la planète absorberait plus de chaleur et de lumière du soleil.

Si les glaces arctiques fondaient, l’humanité se retrouverait seule face au réchauffement climatique, affirme Martin Sommerkorn, directeur du programme arctique du WWF.

D’ici la fin du XXIe siècle, la fonte des glaces arctiques provoquera la montée du niveau des océans de plus d’un mètre, ont prédit l’année dernière les experts du WWF. Les estimations de l’organisation internationale de recherche Arctic Monitoring and Assessment Programme AMAP (publiées en mai) sont plus pessimistes: l’océan mondial pourrait gagner 1,6 mètre d'ici 2100.

La fonte des glaces semble être un processus global selon les scientifiques russes et étrangers qui étudient le problème.

Selon Alexandre Kislov, titulaire de la chaire de météorologie et climatologie de la faculté de géographie de l'Université d'Etat de Moscou, les glaciers de montagne reculent également. Par exemple, le mont Kilimandjaro, le plus haut sommet d’Afrique (presque 6.000 mètres), a perdu sa calotte glaciaire. Alors que très récemment il possédait une "coiffe" de glace.

Le magazine Christian Science Monitor, en se référant aux études des scientifiques américains, écrit: "Au cours des 30 dernières années, la capacité refroidissement de la cryosphère (les portions de la surface de la Terre où l’eau est présente à l’état solide) se réduit deux fois plus rapidement que le prédisait les modèles climatiques globaux." Evidemment, la fonte des glaciers contribue également à la montée du niveau de l’océan mondial. En d’autres termes, l’océan empiétera sur la surface terrestre en présentant dans une certaine mesure un danger pour l’humanité.

"La disparition des glaces maritimes d’été en Arctique ne se produira pas avant 50-70 ans" prédit Guenrikh Alexeïev.

Néanmoins, l’activité économique en Arctique devient déjà plus dynamique, car la fonte des glaces offre un meilleur accès aux immenses ressources des hydrocarbures en Arctique.

Un iceberg peut toujours servir
La Route maritime du nord entre l’Europe et l’Asie est bien plus courte que la voie du sud passant par le canal de Suez. Si le réchauffement climatique et la fonte des glaces se poursuivaient (ce qui est le plus probable), cet itinéraire se développerait de plus en plus activement, estime Guenrikh Alexeïev. "Pour l’instant la circulation des navires par la Route maritime du nord est très faible", ajoute Inna Nemirovskaïa, responsable du laboratoire d’analyse de l’Institut d’océanologie Chirchov de l’Académie des sciences de Russie.

La fonte des glaces qui pourrait stimuler la navigation maritime arctique pourrait également lui jouer un mauvais tour. Le problème réside dans les icebergs qui apparaissent en raison de la destruction des glaciers et qui constituent un obstacle pour les navires.

"Des massifs glaciers se détachent et se retrouvent dans l’eau et bloquent la Route maritime du nord", déclare Guenrikh Alexeïev. Cela s’est déjà produit en 2007. Actuellement, les icebergs apparaissent dans la mer de Barents.

"Il y a de plus en plus de hummocks (épaississement de banquises en raison de la compression de la glace qui recouvre les mers)", poursuit le scientifique. Les hummocks érodent et pilent la glace en la brisant d’une manière ou d’une autre.

Une autre conséquence des changements climatiques est le renforcement des vents qui sont hostiles à la navigation maritime, estime Guenrikh Alexeïev.

Quoi qu’il en soit, la future mise en valeur de l’Arctique nécessitera la prise en compte de son climat rigoureux.

La pollution anthropique
La principale incidence sur l’Arctique à court terme sera d’origine anthropique, prédit Alexeï Kokorine, directeur du programme Climat et énergie du Fonds mondial pour la nature (WWF).

"L’Arctique devient prioritaire pour le développement de l’industrie pétrolière", précise Inna Nemirovskaïa, responsable du laboratoire d’analyse de l’Institut d’océanologie Chirchov de l’Académie des sciences de Russie. Mais des accidents peuvent survenir pendant l’exploitation des hydrocarbures, par exemple, des déversements de pétrole. "Et le plus terrible est de laisser le pétrole atteindre le littoral", fait remarquer Inna Nemirovskaïa.

En mer ou dans l’océan il est encore possible d’éliminer les conséquences d’un tel incident, bien que cela prenne du temps, déclare Inna Nemirovskaïa. Comme pendant la marée noire dans le golfe du Mexique en avril 2010. A l’époque on a utilisé le corexite, un solvant pétrolier. Le corexite a été absorbé à son tour par les microbes, et le problème de la pollution importante de l’eau a été résolu.

"Une partie du pétrole déversé est absorbée et traitée par le biote de la mer, une autre partie est emportée par les fleuves", fait remarquer Inna Nemirovskaïa.

Mais la situation des glaces est plus complexe. "Les glaces fonctionnent comme des éponges, elles absorbent facilement les produits pétroliers", explique la géologue. Lorsque la température est basse, le pétrole colle à la glace et il est plus difficile de le dissoudre, car il s’épaissit.

La pollution de l’atmosphère par les hydrocarbures augmente également. En Arctique les vents se renforcent et les produits pétroliers s’évaporent et montent dans l’atmosphère, déclare Inna Nemirovskaïa.

Cette année, les scientifiques de l’Institut d’océanologie ont mesuré la présence des hydrocarbures dans la couche de surface de la glace. Il s’est avéré que leur concentration était élevée dans la baie de la Dvina dans la région d’Arkhangelsk et dans l’estuaire de l’Enisseï, ce qui est tout à fait logique, en raison de l’exploitation pétrolière dans cette région.

En Arctique il existe plusieurs autres types de pollution. Du vieux matériel (y compris militaire après le départ des unités de l’armée), des réservoirs de carburant et lubrifiant, d'anciennes constructions ensevelies sous la glace et non utilisées ont été abandonnés dans la région de l’archipel François-Joseph, déclare Anatoli Chevtchouk du ministère russe du Développement économique. "Des métaux lourds ont été découverts près de la baie Tikhaïa (près de Vladivostok) ", ajoute-t-il.

"Il faut revoir l’activité économique en Arctique en tenant compte du réchauffement climatique", résume Marina Nekrassova de la faculté écologique de l’Université russe de l’amitié des peuples. Si on ne le faisait pas, les matières polluantes accumulées dans les glaces âgées de plusieurs années gagneraient massivement le littoral. Par conséquent, ces matières se retrouveraient dans les chaînes trophiques (alimentaires) et affecteraient la biodiversité", souligne Marina Nekrassova.

La fonte des glaces tue des animaux
La fonte des glaces affecte la vie des ours polaires, des morses, des poissons et des oiseaux. "Au printemps arctique (en juillet), lorsque la lisière de la glace s’éloigne des côtes, les ours blancs n’ont pas le temps de la suivre et de suivre les phoques", explique Alexeï Kokorine. Au final, les ours sont contraints de rester sur la côte. Ils meurent de faim, deviennent cannibales (mangent les oursons) ou chassent l’homme.

Il existe un autre problème important dû au fait que les "routes du pétrole et des animaux coïncident souvent", ajoute l’expert du WWF. "Il faut produire du pétrole, mais avec beaucoup de prudence", souligne Alexeï Kokorine.

La situation de la navigation est tout aussi complexe. Les polynies (zones qui restent libres de glace ou couvertes d'une couche de glace très mince au milieu de la banquise), selon l’expert du WWF, sont les lignes de vie pour le biote de l’Arctique et à la fois le chemin le plus pratique pour la navigation maritime.

Dans l’est de l’Arctique (où vit la majeure partie des ours) il est nécessaire de créer le parc national Beringuia, annonce Alexeï Kokorine, évoquant l’objectif pour l’année prochaine. A l’ouest existe déjà le parc national Arctique russe, et la Terre François-Joseph est pratiquement devenue une réserve naturelle.

Les problèmes écologiques de l’Arctique seront discutés au 3e forum international "Arctique, territoire de dialogue", a rappelé Alexeï Kokorine.

D’une manière ou d’une autre, en Arctique l’homme devra chercher un compromis avec la nature et en prendre soin. Sinon, les perspectives de l'Arctique ne seront guère réjouissantes.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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