Vendredi soir (on sera déjà samedi à l’heure de Moscou) le marathon du forum de Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) d'Honolulu (Hawaï, Pacifique, Unis), qui aura duré pratiquement une semaine s’achèvera par le sommet des 21 dirigeants des pays du Pacifique. Et en 2012 un forum identique sera organisé pour la première fois en Russie à Vladivostok (Extrême-Orient).
Et il n’est pas seulement important d’y construire les installations appropriées à cette occasion.
Il faut montrer la grande politique et la grande économie du pays organisateur de la prochaine réunion de l’APEC, chose qu’il a été possible de constater cette fois à Honolulu.
Une politique à partir de fragments économiques
La presse évoque généralement l’APEC une fois par an, lorsque se réunit un forum-bilan, tel qu’à Honolulu, où les dirigeants d’importantes corporations, divers ministres et experts se rencontrent et échangent des informations. Puis c’est au tour des chefs d’Etat. Et n’oublions pas qu’il ne s’agit pas seulement des représentants de 21 pays, c’est-à-dire de pratiquement tous les Etats situés sur le périmètre de l’océan Pacifique. C’est une sorte de fête. Il y a de quoi attirer l’attention des médias.
Mais sérieusement l’APEC travaille entre les forums, lors des dizaines de commissions et de réunions de travail. C’est une sorte d’activité passée inaperçue, un peu comme celle de la Commission européenne.
A titre d’exemple, pendant le forum de 2005 il a été décidé de réduire les frais du commerce dans la région de seulement 5%. Or cela représente une multitude de mesures convenues, peu connues du grand public. D’ailleurs, personne n’exige que le Pérou, la Thaïlande et le Japon (tous sont membres de l’APEC) l’acceptent. La participation est bénévole. Les premiers commencent, les autres les observent et en tirent des conclusions.
Mais voici le bilan actuel de Honolulu : tout a fonctionné. L’objectif de 5% a été atteint. D’ailleurs, non pas grâce à la diminution des frais fiscaux et autres, mais en réduisant simplement les délais de transport et de traitement des frets.
Autrement dit, sans faire de bruit, les 21 pays très différents de la région réussissent à créer un mécanisme économique commun en utilisant des approches opposées à celles de l’UE (les Européens préfèrent une réglementation commune et stricte).
Mais de plus, à partir de ces fragments purement économiques une politique se forme également. Notamment dans le cas présent, lorsque les Etats-Unis étaient à la barre durant toute l’année.
La présidence de ce pays signifie en particulier que chacune des nombreuses réunions a été dirigée par les Américains. Et ils étaient très déterminés. En particulier, ils commençaient chaque réunion dans le style de Brejnev : "Comme s’est exprimé au sujet de la coopération du Pacifique le président Obama lui-même… "».
Par ailleurs, Barack Obama s’est proclamé "président du Pacifique". Et ce très sérieusement. On remarquera aussi l’article récent de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton dans Foreign Policy. Il découle de toutes ces déclarations que les Etats-Unis pourraient quitter le Grand Moyen-Orient, y compris l’Afghanistan. Mais jamais l’océan Pacifique. Ne fût-ce qu'en raison du fait que les deux tiers du commerce mondial transitent par l’Asie, et que les deux tiers des chargements passent par la mer de Chine méridionale. Et pour bien d’autres raisons.
Le feu vert donné à Pékin
Pendant toutes ces années l’APEC hésitait entre deux approches. Les Etats-Unis et leurs alliés prônaient le libre-échange total, mais la majeure partie de l’APEC part du fait qu’il existe d’autres solutions pour l’intégration de la région. Celles qui tirent vers le haut les économies plus faibles. Et aussi étrange que cela puisse paraître, les deux approches fonctionnaient, selon la méthode du pendule.
Il est clair que les Américains ont utilisé leur présidence pour promouvoir au maximum le libre-échange. Au moins parce que "comme s’est exprimé Obama", les Etats-Unis doivent doubler leurs exportations d'ici 2015. Mais où? Quand même pas en Europe? Et aujourd’hui déjà les Etats-Unis exportent en Asie pour 320 milliards de dollars, ce qui apporte au pays 850.000 emplois.
Mais les marchés ne sont pas extensibles. Après tout, cette année il était évident que la présidence américaine faisait pression avant tout sur la Chine dans tous les domaines. Comment le faire?
Par exemple, le pays président a le droit de choisir une devise pour toute l’année de travail – non pas en tant que prérogative individuelle, mais pour tous les membres de l’APEC. Et pas une mais trois devises. L’un des thèmes choisis par les Etats-Unis a été l’écologie. Ou la "promotion de la croissance verte".
Voici un cas rare de coup de pub pour l’APEC bureaucratique. Le concours régional de photo sur le thème "vert", qui a été remporté par deux Philippins et un Chinois.
Toutefois, l’APEC dirigée par les Etats-Unis soumettait à la discussion de nombreuses initiatives qui auraient pu conduire à l’évincement des marchés de la région de nombreuses marchandises chinoises (et pas seulement) qui ne répondraient pas aux normes et aux exigences écologiques. Et certaines idées ont même été approuvées.
Et voici que les Etats-Unis proposent de créer une zone de libre-échange du Pacifique, à laquelle parmi les membres de l’APEC ont fait adhérer Singapour, la Corée du Sud et d’autres pays, et seul le Japon refuse. Qu’est-ce que c’est, une APEC parallèle purement américain?
Le groupe de travail russe de l’APEC fait remarquer que suite à ces jeux la Chine a perdu l’enthousiasme pour l’idée de l’APEC car elle dispose dans la même région de "ses" propres mécanismes d’intégration avec les pays de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), le Japon, la Corée du Sud… Il est encore difficile d’en prédire l’issue de cette situation.
Trois sommets d’affilée
En parlant du rôle des dirigeants russes dans le règlement des problèmes actuels de l’économie mondiale, au cours des deux dernières semaines nous assistons à un déplacement de l’ouest vers l’est. Le sommet du G-20 à Cannes, le somment de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Saint-Pétersbourg, et cette fois à Honolulu.
Les trois sommets ont en commun la participation de la Russie et de la Chine, et on semble y discuter les questions similaires : l’argent, l’économie, le développement. Mais de points de vus différents, et l’effet s’avère intéressant.
A Cannes, il a été proposé à la Russie et à toutes les autres "économies émergentes" de participer financièrement au sauvetage des pays de l’UE (et du reste du monde) qui ne se développent pas. Mais il ne leur pas été expliqué ce qu’elles gagneraient en retour.
A Saint-Pétersbourg il s’est avéré qu’en Asie centrale la Russie et la Chine étaient même prêtes à dynamiser le travail économique de l’OCS, d’investir et de créer une infrastructure, y compris financière. Car toutes les conditions politiques sont réunies.
Mais à Honolulu il s’avère que le principal sauveur mondial, la Chine, fait à la fois l’objet d’une forte pression. Et si la Chine subit un tel traitement, la Russie devrait en tirer certaines conclusions.
Par exemple, quelle direction la Russie doit-elle faire prendre au sein de l’APEC à partir de la semaine prochaine? Quel slogan choisir pour diriger des dizaines de réunions durant l’année?
Il est clair que ce ne sera pas le libre-échange ou le rêve américain d’imposer des limites au principal concurrent américain qu’est la Chine.
Jusqu’à récemment, l’idée avait court (et il est possible de l’améliorer) selon laquelle il est possible de choisir la modernisation en tant que principal slogan de la Russie. Plus précisément, la coopération des pays du Pacifique pour la modernisation des économies de la région qui en ont besoin.
C’est une approche gagnante qui ne va pas vers la confrontation (et s’inscrit même dans la logique de la présidence américaine), mais par ailleurs c’est une approche de l’objectif sous un angle complètement différent par rapport à Honolulu.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction