Kozelsk est, dit-on, une petite ville mais elle est d’un an plus âgée que Moscou. C’est une ville aux maisons de plein pieds tellement petite qu’il est difficile de s’imaginer que c’est une ville. Ne parvient-elle donc pas à se remettre après l’invasion tataro-mongole? Telle une graine qui tombe dans une terre fertile et donne des fruits au centuple, Kozelsk a porté les fruits de l’éducation spirituelle en Russie. Optina Poustyn, berceau de la vie monastique russe, se trouve à quelques verstes de la ville.
La ville date du XIIème siècle
Kozelsk est mentionnée pour la première fois en 1146 dans les Chroniques de Novgorod. La ville est à l’apogée de sa gloire en 1238.
Le khan Baty s’attaque à Kozelsk en revenant de Novgorod. L’ancien propriétaire de Kozelsk, le prince Mstislav Sviatoslavovitch, périt dans la bataille contre les mongols sur la rivière Kalka. Le nouveau prince Vassili étant enfant, la drouguine (les soldats du prince) demande conseil au peuple pour résister à Baty. Il est décidé de lutter jusqu’à la mort. «Bien que le prince soit jeune, nous donnerons notre vie pour lui, et nous recevrons la gloire et les couronnes célestes du Christ». Les habitants tiennent bons. Il faut sept semaines aux mongols pour entrer dans la ville. Les habitants se jettent sur l’ennemi, détruisent les béliers du khan, 4000 mongols périssent. Selon le chroniqueur, les envahisseurs n’osent pas prononcer le nom de Kozelsk l'appelle «ville méchante».
La ville est entièrement détruite, nous ne savons même pas où se trouvait Kozelsk à l'origine. Les fouilles n'ont pas permis de trouver les vestiges de la cité.
La nouvelle forteresse en bois est érigée aux 15ème et 16ème siècles pour se défendre contre la Horde, les Lituaniens et les Tatars de Crimée. Ni la forteresse, ni les barricades ne parviennent pas à sauver la ville frontalière. Kozelsk est détruite au moins cinq fois.
Au début du 16ème siècle c’est une grande ville de 15.000 habitants avec une quarantaine d’églises. Vers 1708, après le Temps des troubles il n'y a plus que mille habitants et sept églises.
Kozelsk est depuis le 18ème siècle chef-lieu de district. Un blason évoquant le grand exploit est institué: cinq boucliers d’argent aux croix noires sur un fond couleur de sang reflètent l’audace des défenseurs de la ville et leur triste sort et quatre croix d’or symbolisent leur fidélité.
Les fabriques de voiles fondées au 19ème siècle n’existent plus depuis bien longtemps. Plusieurs églises remontant au 18ème siècle pour les plus anciennes sont conservées.
Un centre spirituel
Kozelsk est une ville célèbre grâce au monastère de l’introduction de la Sainte Vierge qui se trouve au bord de la rivière Jizdra à deux kilomètres de la ville.
Six personnes vivaient au monastère à la fin du 18ème siècle. La construction en pierre est engagée en 1796. L’ermitage Saint Jean le Précurseur où sont invités les moines des forêts de Raslavl est fondé vingt-cinq ans après par l’évêque de Kalouga, Philarète. C’est ici qu’apparaît le startchestvo d’Optino. Des dizaines de milliers de pèlerins se rendent au monastère depuis le 19ème siècle.
Les premiers startsy forment des successeurs dignes et le monastère offre au monde en moins d’un siècle une cohorte d’ascètes et de thaumaturges dont les exemples alimenteront éternellement le monde orthodoxe.
Le don des pères apparaît lorsque le moine accomplit la mission de confesseur. Dans la plupart des cas c’est le supérieur du monastère. Le premier confesseur est Saint Lev, ensuite, Saint Macaire. Le disciple de Macaire, Ambroise dit d’Optino le surpasse en talent suivi parte toute une cohorte de startsy interrompue par la révolution de 1917.
Le startchestvo est un des points culminants de la vie spirituelle de l’Eglise, c’est son épanouissement, le couronnement des exploits spirituels, le fruit du silence et de la vie contemplative de Dieu. Il est lié organiquement à l’exploit monastique intérieur, dont le but est de devenir impassible, et c'est pourquoi il apparaît en même temps que le monachisme, à l'aube du christianisme. L'influence du startchestvo s'étend bien au-delà de l'enceinte d'un monastère. Les startsy donnent cette nourriture non seulement aux moines, mais aussi aux laïcs. Possédant le don de clairvoyance, ils édifient, exhortent, consolent, guérissent les maladies de l’âme et du corps, préviennent des dangers, montrent le chemin de la vie, découvrent la volonté de Dieu.
Les écrivains Nicolas Gogol, les frères Aksakov, Alexei Tolstoï, les philosophes Vladimir Soloviev et Constantine Léontiev se rendent au monastère. Ce dernier prend l’habit avant sa mort. Fedor Dostoïevski arrive au monastère en 1877 immédiatement après la mort de son fils. Léon Tolstoï visite trois fois le monastère d’Optino.
Les derniers starets d’Optino, Anatole, Nectaire et Nikon, sont témoins des événements tragiques. En 1918, les nouvelles autorités ferment le monastère et 60 moines sont recrutés pour le service militaire. Ceux qui restent fondent en 1919 une exploitation agricole fermée une année après. Plus de 200 personnes dont plusieurs vivent au monastère depuis plus de 20 ans deviennent soudain sans abri. Dans les années qui suivent presque tous les moines sont arrêtés. Leur sort est désolant.
Le starets Anatole a annoncé en 1917 que «la tempête sévira et le navire russe sera écrasé mais ensuite Dieu fera miracle. Tous les fragments seront rassemblés par la volonté et la force de Dieu et le navire sera restitué avec toute sa beauté pour suivre la voie désignée par Dieu». Le monastère d’Optino détruit est restitué à l’Eglise en 1987 et abrite aujourd'hui plus de cent moines et les nouveaux startsy.
Le grand écrivain russe du 19ème siècle Nicolas Gogol a écrit «sur ma route, j’ai fait un détour par Optino et j 'en ai emporté un souvenir impérissable. Je crois que même sur le Mont Athos cela ne peut être mieux. La présence de la Grâce y est visible. Cela est perceptible même de l'extérieur. Nulle part je n’ai vu de tels moines. J’avais l’impression que le ciel s’entretenait avec chacun d’eux. Je n’en ai questionné aucun sur sa vie car leurs visages parlaient pour eux. Les humbles serviteurs eux-mêmes me stupéfièrent par leur douceur angélique et la lumineuse simplicité de leur comportement, de même que les travailleurs du monastère, les paysans et les habitants des alentours. Cela émane déjà à quelques verstes du monastère, tout devient accueillant, l’attention pour les personnes est plus grande». Les pèlerins qui se rendent aujourd’hui au monastère ont à peu près la même impression.
En entrant dans l’ermitage Saint Jean le Précurseur on se sent dans un autre monde. Dix moines y habitent. Le règlement est dur comme à l’époque des startsy. Les offices ont lieu à 2.00 à 5.00 heures toutes les nuits. Les moines se lèvent à huit heures du matin. Les offices sont célébrés dans la première église en bois et seuls les frères y assistent.
Selon les startsy, le monastère ressemble au paradis. Leurs cellules sont entourées de fleurs et l’Eglise Saint Jean le Précurseur se reflète dans l’étang creusé par les moines, les oiseaux chantent dans les pommiers et les cerisiers ainsi que dans la forêt autour du monastère. Tout est pénétré de sérénité, de grâce et de reconnaissance envers Dieu.