La Russie a été épargnée par les manifestations de masse qui ont frappé ce weekend de nombreux pays du monde.
Des manifestations de protestation contre la politique économique des autorités (de nombreux pays) se sont tenues ce weekend, les 15 et 16 octobre, dans presque un millier de villes dans 82 pays du monde. Les protestataires soutiennent le mouvement "Occupons Wall Street! ", dont les activistes manifestent depuis un mois contre la politique des autorités et des institutions financières américaines, en la qualifiant de "terrorisme financier". En particulier, les manifestants à New York déclaraient qu’ils proclameraient le 15 octobre "journée internationale de solidarité contre la cupidité et la corruption des 1% de gens les plus riches".
Les politologues estiment que rien de tel n’est susceptible de se produire en Russie, tant que les prix des hydrocarbures sur le marché extérieur sont élevés et que le budget dispose d’argent pour les dépenses sociales. De plus, les Russes ne croient pas en la possibilité d’améliorer leur vie grâce aux manifestations de rues, soulignent les experts et mettent à la société russe le diagnostic de "dépression".
Pourquoi l’Europe est-elle en grève
De toute évidence, l’ampleur et l’agressivité des manifestants dépend directement de la situation économique dans le pays.
En Asie, sur le continent australien, à Bruxelles, à Londres et dans les pays d’Europe de l’Est les protestations étaient pacifiques et étaient relativement peu nombreuses. La confrontation entre les manifestants et la police en Italie, qui connaît des difficultés économiques très graves, s’est transformée en émeutes.
Près de 200.000 manifestants venus des quatre coins de l’Italie sont descendus dans les rues de Rome. Ils accusaient le gouvernement et les institutions financières d’avoir volé non seulement l’argent, mais également le rêve des gens. Les manifestants ont exhorté à sauver la population, et non pas les banques. Au final, près de 70 personnes ont été blessées pendant les affrontements avec la police.
Près de 500.000 personnes ont participé à l’action de protestation à Madrid. Elles ont paralysé la circulation dans le centre de la capitale espagnole. Les habitants du Portugal ont également manifesté : à Lisbonne plus de 50.000 personnes sont descendues dans la rue, et plus de 20.000 à Porto.
En Grèce, l’action de protestation a rassemblée seulement 2.000 personnes, mais ces derniers mois les grèves dans ce pays sont devenues régulières. Par exemple, le 15 octobre, parallèlement au soutien du mouvement "Occupons Wall Street! " avait lieu la manifestation des contrôleurs aériens, des employés municipaux et des employés des médias. Cette semaine, l’emploi du temps est également chargé : les manifestations se tiendront tous les jours, et les 19 et 20 octobre est prévue une grève générale avec interruption des communications aériennes dans tout le pays.
Dans les pays européens en difficulté – en Grèce, en Italie, en Espagne et au Portugal – les manifestants exhortent les autorités à cesser de réduire les dépenses publiques au détriment des dépenses sociales. La réduction des ces dépenses est un préalable à l'octroi de l’aide du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque centrale européenne (BCE) et de l’Union européenne.
La Russie épargnée
Aucune action de protestation n’a été organisée en Russie. Il existe plusieurs raisons à cela.
Les protestations se tiennent là où les gens comprennent qu’une manifestation pacifique ne sera pas violemment dispersée par la police, déclare à RIA Novosti Alexeï Makarkine, vice-président du Centre des technologies politiques.
"En Occident, les manifestations sont généralement des actions pacifiques, un défilé ou un événement théâtral. Et les autorités réagissent calmement à ce genre d’actions, explique Alexeï Makarkine. La police intervient dans les manifestations lorsqu’il existe une menace à l’ordre public, comme dans le cas des manifestations à Rome".
En Russie, le seuil de tolérance envers les participants à de telles actions est tout autre.
"Les manifestations de ce genre constituent une infraction administrative avec toutes les conséquences que cela implique : une confrontation avec la police anti-émeute, plusieurs jours de détention et des poursuites judiciaires", déclare Alexeï Makarkine.Les gens ne veulent simplement pas entrer en conflit avec les autorités. D’autant plus que le résultat d’une manifestation est imprévisible, mais très probablement ils seront accusés de défendre les intérêts de l’occident, de Berezovski ou de McCain, estime Alexeï Makarkine.
De plus, en Europe, contrairement à la Russie, il existe une "infrastructure" nécessaire pour les actions de protestation, par exemple, des syndicats puissants capables de faire descendre les gens dans les rues.
Boris Kagarlitski, directeur de l’Institut de la mondialisation et des mouvements sociaux, est plus catégorique : "La société russe est en dépression et actuellement elle n’est pas opérationnelle. Elle est incapable de défendre ses propres intérêts, même les plus personnels".
En Occident, les gens ont conscience de la différence entre les intérêts personnels et les protestations. Ils croient que leurs actions collectives sont en mesure de corriger la politique du gouvernement, a souligné l’expert. Les Russes ne croient pas en l'efficacité des actions de solidarité, et sortiront dans la rue seulement lorsqu’il sera question de survie, "seulement lorsque la situation deviendra catastrophique", déclare Boris Kagarlitski. "Et en Russie, ce ne sera pas un défilé avec des chansons et des danses, car les gens seront bien plus en colère", précise Alexeï Makarkine.
"Si les actions de protestation devaient avoir lieu en Russie, elles seraient plus locales, les gens ne manifesteront pas par solidarité, mais contre un grave problème concret", estime Alexeï Makarkine.
Les actions de ce type sont également organisées dans diverses communes du pays, en cas d’un verdict injuste dans des affaires retentissantes ou d’une augmentation significative de la taxe sur les véhicules.
Mais tant que les prix des hydrocarbures sur le marché extérieur son élevés et que le budget russe a suffisamment d’argent pour les dépenses sociales, aucune manifestation à l’instar de celles qui se sont tenues récemment dans des dizaines de villes n’aura lieu en Russie, déclarent les experts.
Des changements à l’horizon?
Les manifestants de ce weekend ne pourront aboutir à l’assouplissement de la politique budgétaire et à l'abandon de la réduction des dépenses budgétaires que dans les pays où la situation économique est plus ou moins stable et où il existe une "marge de manœuvre" - par exemple, en Europe cela concerne la France et l’Allemagne, prédit Alexeï Makarkine.
En Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie, les autorités ne pourront certainement pas renoncer à la réduction des dépenses sociales, estime l’expert.
Boris Kagarlitski considère que les actions de protestation en Europe conduiront au renversement du pouvoir actuel. "Le changement radical de toutes les institutions de la société démocratique est à l’ordre du jour", estime l’expert. Selon lui, les gouvernements actuels seront révoqués après les élections.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction