Turkménistan, l’arbitraire de l’époque de la renaissance

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Récemment, le journal Neïtralnyï Tourkmenistan (Turkménistan neutre) a une nouvelle fois invité le pays à s’unir autour du gouvernement et à se demander si tous les efforts sont faits pour la patrie.

Récemment, le journal Neïtralnyï Tourkmenistan (Turkménistan neutre) a une nouvelle fois invité le pays à s’unir autour du gouvernement et à se demander si tous les efforts sont faits pour la patrie. Ne reste-t-il pas dans la conscience des citoyens de velléités de trahison ou de vestiges de loyauté envers un autre Etat que le Turkménistan neutre? La raison de cette demande est bien claire: en 2013 les anciens modèles de passeports internationaux cesseront d’être valables au Turkménistan. Toute personne voulant obtenir un nouveau passeport devra renoncer à la citoyenneté de tout autre Etat, avant tout à la citoyenneté russe. Il est fortement recommandé à la population de débarrasser ses tiroirs des passeports portant en effigie l’aigle bicéphale (symbole présent sur le passeport russe), et de libérer sa conscience de la double loyauté.

Le gouvernement turkmène est très préoccupé, car il ignore combien de citoyens russes vivent sur son territoire. Lorsque dans les années 1990 le pays est devenu indépendant, cette question n’a pas été immédiatement traitée à fond. Après tout, tout le monde se souvenait que le "père de tous les Turkmènes", Saparmourat Niazov, qui est entré dans l’histoire sous le nom de Turkmenbachi, était peu de temps auparavant membre du Politburo du Comité central du PCUS. Il a reçu des mains de cet organisme tout-puissant son pouvoir initial au Turkménistan devenu neutre et indépendant par la suite. Un accord sur la double nationalité était en vigueur entre Moscou et Achkhabad. C’est la raison pour laquelle lorsque dans les années 1990 il était possible de recevoir la nationalité russe à l’ambassade de Russie à Achkhabad, les membres du KGB local de l’époque n’ont pas pris la peine de noter les noms de ceux qui avaient profité de cette occasion. Une incurie révoltante! En 2002, après la tentative de coup d’Etat au Turkménistan, il a été fixé pour but de mettre à jour cette "cinquième colonne", mais toutes les tentatives pour découvrir les noms des "agents doubles" chez les diplomates russes ont échoué.

Selon les informations officieuses parues dans la presse locale, il y avait jusqu’à 150.000 "infidèles." Et ce dans un pays de 5 millions d’habitants! Vous voyez une personne dans la rue, et à première vue elle est turkmène et neutre, mais en "grattant" un peu, on découvre un Russe!

La formule des relations: les gens – le gaz – les gens

Une première tentative pour mettre un terme à ce désordre a été entreprise en 2003. A l’époque, en signant avec la Russie un contrat de 25 ans portant sur la fourniture du gaz turkmène, le président Niazov a déclaré que le Turkménistan rompait l’accord sur la double nationalité avec la Russie. Au départ, les fonctionnaires russes, heureux d’avoir signé ce nouveau contrat, n’ont pas accordé beaucoup d’importance aux paroles de Turkmenbachi, en estimant que ceux qui voulaient quitter le Turkménistan pour rejoindre leur patrie historique avait l’occasion de le faire depuis 12 ans. Mais lorsqu’on a commencé à entendre les plaintes amères des compatriotes, considérés à juste titre comme la communauté russe la plus malheureuse et privée de droits dans l’espace postsoviétique, le ministère russe des Affaires étrangères a fait marche-arrière. La Russie a annoncé à Achkhabad qu’elle considérait l’ancien accord comme valide.

Turkmenbachi a dû également se calmer. Il a déclaré qu’aucune pression ne serait exercée sur les personnes qui avaient obtenu la citoyenneté russe avant avril 2003. Mais Turkmenbachi est décédé, et son successeur Gourbangouly Berdymoukhamedov s'est estimé libéré des promesses du premier président turkmène.

Les traquenards dans les aéroports

La situation s’est aggravée en été 2010. A l’aéroport d’Achkhabad, la police s’est mise à interpeler des gens partant à destination de Moscou, qui n’avaient pas de visa russe dans leur passeport turkmène. Les autorités turkmènes ont créé un "filtre" fondé sur une logique très simple: si un individu vole sans visa, cela signifie qu’il a caché son passeport russe au fond de sa valise. La police des frontières lui propose donc de choisir entre les deux passeports. Ce filtre à l’aéroport fonctionne à merveille: grâce aux efforts des nouvelles autorités turkmènes, la communication ferroviaire est interrompue avec la Russie depuis 1992. Les chemins de fer construits par les pionniers russes en Asie centrale sont laissés à l’abandon depuis pratiquement 20 ans. Alors comment se rendre en Russie? Par avion, bien sûr! Or, c'est là que les organismes compétents du Turkménistan neutre attendent les gens.

Toutefois, la nécessité est mère de l’invention, et sur ce plan le Turkménistan ne fait pas exception. En profitant du régime sans visas entre le Turkménistan et la Turquie, les compatriotes russes ont élaboré l’algorithme suivant: ils partent d’abord à Istanbul avec le passeport turkmène, puis se rendent à Moscou avec le passeport russe. Toutefois, ce genre de voyage coûte cher, et même le prix d’un billet direct Achkhabad-Moscou représente une fortune pour un Russe moyen au Turkménistan.

Les contrôles à l’école et sur le lieu de travail

En prenant conscience qu’elles sont dupées grâce à la Turquie fraternelle, les autorités turkmènes ont commencé à employer les méthodes soviétiques qui ont fait leurs preuves. On exige des élèves du cours élémentaire une attestation prouvant que leurs parents n’ont pas la double nationalité, et on recommande aux fonctionnaires détenteurs de passeports russes de se faire connaître de leur plein gré, en les menaçant dans le cas contraire de limogeage ou d’autres sanctions.

Les antennes du Service fédéral russe des migrations sont depuis longtemps fermées dans toutes les communes turkmènes à l’exception de la capitale. On empêche les gens de participer aux programmes de relogement des compatriotes russes. A tous ceux qui restent avec seulement le passeport turkmène on promet "l’époque de la grande renaissance", sous l’égide de Gourbangouly Berdymoukhamedov. Mais les citoyens de l’époque de la renaissance ne s’empressent pas de se séparer de leurs passeports russes. Cependant, la validité des passeports turkmènes actuels arrive à échéance en 2013, et les nouveaux passeports seront délivrés seulement aux citoyens ne possédant que la citoyenneté turkmène.

De plus, les autorités turkmènes comptent sur la coopération de la Russie sur ce plan: si Moscou ne peut pas divulguer la liste de tous les "renégats", qu’il ne délivre pas de nouveaux passeports internationaux. Or, leur validité est de seulement 5 ans.

Mais le gouvernement russe ne devrait peut-être pas aller dans le sens des titans de la "grande renaissance", ne pas trahir ses citoyens et ne pas les échanger contre le gaz? Moscou a suffisamment de raisons d’être en colère contre le Turkménistan neutre. Par exemple, aujourd’hui, au Turkménistan il ne subsiste pratiquement aucune appellation géographique de l’époque "coloniale." Il reste seulement Achkhabad (pardon, Achgabat) et Mary. La ville soviétique la plus au sud, Kouchka, est devenue Serhetabat. La ville de Tchardjoou louée par les poètes s’est transformée en Turkmenabat. Krasnovodsk porte aujourd’hui le nom de Turkmenbachi. Les titans de la "grande renaissance" effacent sciemment toutes les traces de la présence de la Russie en Asie centrale pendant un siècle et demi. On assiste ainsi à l’arbitraire de l’époque de la renaissance.


L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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