Trois prix Nobel de la paix dans le Tiers monde

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Le décernement du prix Nobel pour les mérites dans le renforcement de la paix aux militantes des droits de l’homme du Libéria et du Yémen reflète la tendance suivante: au cours des dernières années le comité Nobel choisit de plus en plus de nominés dans les pays du Tiers monde.

Le décernement du prix Nobel pour les mérites dans le renforcement de la paix aux militantes des droits de l’homme du Libéria et du Yémen reflète la tendance suivante: au cours des dernières années le comité Nobel choisit de plus en plus de nominés dans les pays du Tiers monde. Et bien que l’activité de la majorité de ces nominés ne soit pas liée à la prévention de la guerre, elle contribue au renforcement de la stabilité intérieure indispensable à la préservation de la paix et du calme dans les régions instables, telles que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, font remarquer les analystes.

Cette année, le prix Nobel de la paix a été décerné à trois femmes : la présidente du Libéria Ellen Johnson Serleaf, la militante du Mouvement des femmes pour la paix Leymah Gbowee et la militante yéménite pour les droits des femmes Tawakkul Karman. Comme l’a noté le comité Nobel, elles ont reçu ce prix prestigieux "pour leur lutte non violente pour la sécurité des femmes et leurs droits à participer aux processus de paix".

"Je pense que cette attribution du prix est un événement emblématique. On assiste au début de l’établissement d’un certain équilibre entre les hommes et les femmes en termes de prix Nobel, qui a toujours été à ce point disproportionné, qu’il concernait seulement les hommes", a déclaré à RIA Novosti l’écrivaine féministe russe Maria Arbatova en commentant le décernement du prix aux militantes des droits des femmes.

La cérémonie de remise du prix et de la prime de 1 million d’euros se tiendra à Oslo le 10 décembre, date du décès d’Alfred Nobel, fondateur du prix qui porte son nom.

"Le plus politisé"

"Le prix Nobel de la paix est le plus politisé des prix, et dernièrement on essaye de porter sur les listes les représentants des pays du Tiers monde, pour montrer qu’on ne les offense pas, qu’on les connaît et qu’on se souvient de leur lutte", a déclaré à RIA Novosti Alexandre Konovalov, président de l’Institut russe d'études stratégiques.

Mme Arbatova estime qu’il est très important qu’en décernant le prix aux militantes des droits de l’homme du Libéria et du Yémen le comité Nobel ait attiré l’attention de la communauté internationale sur les problèmes du Tiers monde. "Ce n’est pas un secret qu’en Afrique la violence contre les femmes est démesurée, et pour cette raison l’attribution de ce prix est destinée à attirer l’attention sur le Tiers monde, que les eurocentriques ignorent et méprisent", a-t-elle fait remarquer.

Au cours des dernières années, l’attention du comité Nobel s’est portée sur les militants sociaux des pays du Tiers monde au lieu des grands dirigeants. Les prix sont souvent attribués aux personnalités qui s’impliquent dans le règlement de divers problèmes sociaux locaux plutôt qu’à l’échelle internationale. Ce qui s’explique avant tout par la situation sensible dans une série de pays du Tiers monde, explique Alexandre Konovalov.

"En Europe, personne ne prépare de guerre, nul ne souhaite un conflit armé, mais le Moyen-Orient ou l’Afrique du Nord sont des points chauds. Il faut principalement tenter de modéliser ces processus. Or, ils dépendent principalement de la situation intrapolitique dans ces pays", déclare le politologue.

La réputation du prix remise en question

Ces dernières années, les principes de la prise des décisions par le comité Nobel, concernant les listes des candidats à ce prix prestigieux et celui qui le remet ensuite, ont quelque peu changé. Telle est l’opinion d’Elena Bonner, l’épouse de l’académicien Andreï Sakharov, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1975. Dans une interview sur la chaîne BBC en décembre 2010, elle a déclaré que depuis le décernement du prix à son mari, la réputation du prix Nobel de la paix s’est sérieusement détériorée.

"La réputation morale du prix Nobel de la paix a considérablement changé avec le temps. Andreï Sakharov a reçu le prix Nobel il y a 35 ans. Et ce prix était très respecté dans le monde entier. Au fil des années, l'attitude a foncièrement changé", a fait remarquer la veuve de l’académicien.

Selon elle, le prix Nobel a été définitivement discrédité après son attribution en 1994 au président israélien Shimon Peres, le premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le chef de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat. Ils ont obtenu ce prix prestigieux pour leurs efforts accomplis dans l'instauration de la paix au Proche-Orient.

"Aujourd’hui, on donne de l’argent. On achète les lauréats. Et après l’attribution du prix aux "personnalités publiques" telles que Yasser Arafat, terroriste numéro un, on peut considérer que le comité Nobel a donné un prix prestigieux à un terroriste. C’est tout. Il n’y a rien d’autre derrière tout cela. Alors comment peut-on le respecter?", a déclaré Elena Bonner.

Le décernement du prix Nobel de la paix à Yasser Arafat était dicté par la volonté de la communauté internationale d’instaurer la paix au Proche-Orient, estime Alexandre Konovalov. "L'attribution du prix à Yasser Arafat est un crédit injustifié, c’est la simple volonté de stimuler le processus de paix au Proche-Orient", a-t-il fait remarquer. Et cela confirme une nouvelle fois la thèse selon laquelle le prix Nobel de la paix est attribué en fonction des intérêts de la politique mondiale.

La principale intrigue

Bien avant l’annonce du lauréat du prix Nobel de la paix, la presse a commencé à faire des supputations au sujet du candidat qui avait le plus de chances de recevoir ce prix prestigieux. Et bien que les lauréats annoncés vendredi à Oslo aient été qualifiés par les observateurs de favoris, la principale intrigue de cette année était liée à l’éventualité de la nomination des activistes internet qui ont organisé les révolutions arabes.

Ainsi, Christian Berg Harpviken, directeur de l’Institut de recherche sur la paix (PRIO), a déclaré que les membres du comité Nobel ne pouvaient pas laisser sans attention la vague des protestations de masse au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, qui ont conduit au changement de régime dans certains pays. L’un des favoris, selon Christian Berg Harpviken, était la militante égyptienne Israa Abdel Fattah, qui a fondé le Mouvement de jeunesse du 6 avril, qui a joué un rôle important dans les protestations de 2011 et le changement de régime en Egypte.

Cette candidature a été l’une des plus discutée dans la presse mondiale. Cependant, Thorbjorn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe et président du comité Nobel norvégien, a alimenté l’intrigue en déclarant dans certaines interviews que la presse ne regardait pas dans la bonne direction, en insinuant indirectement que le prix prestigieux pourrait revenir à l’Union européenne.

Dans une interview accordée au journal norvégien VG, il a déclaré que le lauréat de cette année était actif dans un domaine qui a été important pour lui toute sa vie.

Les observateurs font remarquer que Thorbjorn Jagland est un fervent défenseur du projet de l’Europe unie et rappellent qu’en 1990 il a écrit Mon rêve européen, où il a exprimé l’idée de l’unité européenne.

Des Russes faisaient également partie de la liste des nobélisables. Depuis quelques années, le centre des droits de l’homme Mémorial et la militante des droits de l’homme Svetlana Gannouchkina sont nominés pour le prix Nobel de la paix.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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