"Guerre du football" entre le Salvador et le Honduras

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La Seconde guerre mondiale terminée en 1945 et ses initiateurs ayant mérité le châtiment au procès de Nuremberg, l’humanité espère vivre en paix.

La Seconde guerre mondiale terminée en 1945 et ses initiateurs ayant mérité le châtiment au procès de Nuremberg, l’humanité espère vivre en paix. Or, les décennies qui suivirent s’avèrent sans précédent d’après le nombre de guerres et de conflits armés grands et petits ayant fait d’innombrables victimes. Pourquoi la communauté mondiale ne réussit pas, même sous la bannière de l’ONU, à concevoir un mécanisme net de garantie de la paix universelle? Les incendies armés réguliers, sont-ils dans l’intérêt des militaires influents, des forces et des joueurs politiques et économiques qu’on appelle parfois la « coulisse mondiale »? Quelles sont les origines de telle ou telle guerre, qui se dresse derrière ses participants, qui doit assumer la responsabilité des centaines de milliers et des millions de tués et de blessés?

Nous parlerons aujourd’hui d’une courte guerre sanglante entre le Salvador et le Honduras en juillet 1969. Elle éclate immédiatement après les matches de football pour le droit de participer aux finales au Mexique. De ce fait, elle entre dans l’histoire sous le nom « guerre du football ». Les footballeurs salvadoriens gagnent à l’issue de trois matches le droit d’aller au Mexique mais le bilan sportif est tout de suite évincé par les communiqués militaires et les informations sur les cruautés à l’égard des non autochtones. D’après certaines données, près de 6 mille personnes périssent, les rapports politiques, économiques des deux Etats sont détruits, le projet régional d’intégration de Marché commun centraméricain est enseveli. Ces facteurs entraînent, à leur tour, une crise socio-économique profonde, en premier lieu au Salvador ayant débouché au début des années 1980 sur une guerre civile sanglante.    

Au moment de la confrontation les rapports ente le Salvador et le Honduras laissent à désirer …

« Les autorités du Honduras moins développé au plan économique avec à leur tête le président le général Oswaldo Enrique López Arellano mettent le cap sur l’évincement des immigrés salvadoriens accusés d’engendrer les problèmes socio-économiques, notamment du chômage et de la crise financière. Le gouvernement du Honduras refuse en janvier 1969 de proroger l’accord bipartite avec le Salvador de 1967 sur l’immigration et ordonne en avril d’expulser du pays ceux qui ont acheté les lots de terre conformément à la loi sur la réforme agraire mais n’ont pas su confirmer la citoyenneté hondurienne. Un tel droit est formulé dans la loi sur la réforme agraire adoptée en 1962 qui entre entièrement en vigueur en 1967. Plus de 300 mille Salvadoriens soit un cinquième de la population rurale habitent vers 1969 au Honduras», raconte Vladimir Loukine, chercheur de l’Institut d’Amérique latine de l’Académie des sciences de Russie.  

Des dizaines de Salvadoriens sont tués fin mai et des dizaines d’autres se réfugient en panique au Salvador en aggravant la situation économique et sociale. Les manifestations antigouvernementales prennent de l’ampleur. Le facteur démographique joue un rôle négatif. La superficie du Honduras est cinq fois supérieure au territoire du Salvador mais la population salvadorienne dépasse en 1969 de plus de deux fois celle du pays voisin. Dans la situation qui s’est créée une « petite guerre victorieuse » se présente avantageuse pour les gouvernements des deux pays. 

En ce moment le Honduras et le Salvador doivent disputer au championnat de football le droit d’aller au Mexique. Les deux sélections ont le potentiel à peu près égal ce qui promet une confrontation acharnée. Le premier match est joué le 8 juin 1969 à Tegucigalpa, au Honduras.  

Le match se termine par la victoire des Honduriens avec le score 1 : 0. Les fans des deux équipes se querellent et la presse salvadorienne décrit les souffrances d’Amelia Bolaños, 18 ans. Les footballeurs honduriens ayant marqué le but au dernier moment du match, la jeune fille sort un pistolet du bureau de son père et se tue d’une balle au cœur. Les obsèques d’Amelia sont diffusées à la télévision nationale et le président du Salvador le général Fidel Sánchez Hernández, les membres du gouvernement et les joueurs de la sélection défilent en silence devant son cercueil couvert du drapeau national.  

Les soldats de l’armée nationale salvadorienne sont contraints de garder les footballeurs honduriens. Les Honduriens arrivent au stade en véhicules blindés et les habitants de San Salvador se dressent le long de l’autoroute avec les portraits d’Amelia martyre.  

Les footballeurs salvadoriens prennent la revanche le 15 juin 1969 dans le second match l’ayant gagné avec le score 3 : 0 à l’issue du premier temps. Cette victoire donne le signal aux désordres de masse.

Dans le même temps, dans les capitales mondiales … 

Les Etats d’Amérique du Nord et du Centre, en premier lieu les pays de l’Organisation des Etats américains et du Marché commun centraméricain se montrent préoccupés par le glissement de leurs voisins vers une guerre fratricide et exhortent à garder leur sang froid et à régler les litiges pendant le troisième match. Ce match se déroule le 26 juin 1969 sous une averse au stade célèbre « Azteca » au Mexico confirmant les forces égales des rivaux. Le Honduras est gagnant avec le score 2 : 1 à l’issue du premier temps mais les Salvadoriens marquent le but au second temps et remportent la victoire avec le score 3 : 2.

Deux jours avant le match décisif le gouvernement salvadorien annonce la mobilisation de l’armée et le 26 juin introduit l’état d’urgence. Le lendemain les rapports diplomatiques bilatéraux sont rompus à l’initiative des deux Etats.

Les grandes unités de l’armée de part et d’autre sont déplacées vers la frontière. 

Après les affrontements frontaliers locaux l’armée salvadorienne engage le soir du 14 juillet une offensive d’envergure en déployant deux colonnes regroupant plus de 12 mille hommes vers les villes Nueva Ocotepeque, Gracias a Dios et Santa Rosa de Copan. Les affrontements commencent également près des îles Fonseka qui appartenaient auparavant au Honduras. Simultanément l’armée de l’air engage une attaque « totale » en bombardant les aérodromes honduriens et les régions de concentration des troupes. L’avion salvadorien The Douglas C-47 Skytrain avec à son bord les commandants Jorge Dominguez et Fidel Fernandez lance les bombes de 45 kilogrammes sur le dépôt de l’aéroport Tonkontin.  

Les forces salvadoriennes réussissent le soir du 15 juillet à avancer en profondeur de huit kilomètres et à occuper la capitale du département Ocotepeque Nueva Ocotepeque. Cependant, l’offensive piétine.

« L’armée salvadorienne aux effectifs de 30 mille militaires est opposée au début de la guerre aux forces terrestres honduriennes de 23 mille soldats et officiers. Or, le Honduras a un avantage substantiel: l’aviation plus apte au combat. Les deux armées sont dotées d’avions américains à hélices.

Quoi qu’il en soit, les forces aériennes honduriennes sont en meilleur état que celles de l’adversaire déployées à l’unique base aérienne à Ilopango. A y ajouter que le Honduras réserve à l’armée de l’air le rôle clé dans sa défense et, à la différence de la partie salvadorienne, maintient ses deux escadrilles de bombardiers et les effectifs de 1200 hommes en état d’alerte. Les Honduriens gagnent les combats aériens en bombardant les dépôts de pétrole et les pipe-lines de l’adversaire. Les blindés salvadoriens s’arrêtent. L’opération conjointe des forces terrestres et aériennes honduriennes réalisée le 17 juillet dans l’après-midi près de San Rafael de Matros s’avère décisive. Une colonne de la garde nationale salvadorienne tombe dans une embuscade. Plus de 30 militaires de l’unité sont tués suite aux attaques de deux avions », continue Victor Loukine.  

L’Organisation des Etats américains réunie le 15 juillet à la séance spéciale exige que le Honduras et le Salvador cessent immédiatement le feu et la partie salvadorienne retire ses troupes du territoire hondurien. Le détail du cessez-le-feu est concerté pendant plusieurs jours. Les parties y réussissent la nuit du 18 juillet et le cessez-le-feu entre en vigueur le 20 juillet. Cependant, le gouvernement salvadorien n’est pas pressé de retirer ses troupes. Elles ne sont retirées que sous la menace des sanctions ruineuses sous l’égide de l’OEA. Qui plus est, le Salvador assure la présence de ses observateurs au Honduras. Les unités de l’armée salvadorienne n’abandonnent le territoire hondurien que le 2 août 1969. L’administration du Honduras garantit personnellement le même jour au président du Salvador que le gouvernement du pays assurera la sécurité aux Salvadoriens souhaitant rester au Honduras. Or, le Honduras décline l’exigence concernant les réparations aux citoyens salvadoriens. Les pertes de la partie salvadorienne atteignent près de 900 militaires et civils péris. Les pertes honduriennes constituent près de 100 militaires et quelque deux mille civils.

Le Traité de paix d’envergure n’est signé que dix ans après: le 30 octobre 1980. Il contient la clause sur l’examen du problème de l’appartenance des îles dans le golfe Fonseka et de plusieurs secteurs litigieux à la Cour internationale de la justice. Celle-ci prononce son verdict en 1992 réservant la plupart des territoires litigieux au Honduras. En 1998 les deux pays signent l’accord sur la démarcation de la frontière.

L’incendie, est-il en fait éteint ? 

« Le conflit de plusieurs jours qu’on appelle aussi « une guerre de cent heures » porte l’immense préjudice aux économies sans cela faibles des deux pays. Le gouvernement salvadorien doit se soucier de 120 mille réfugiés honduriens. Les militaires et les conservateurs consolident leurs positions au Salvador et au Honduras. Il n’y a pas de bouleversements sérieux au Honduras alors que le Salvador est en proie à une crise socio-politique ayant débouché en 1981 sur une guerre civile sanglante, l’apparition des « escadrons de la mort », l’ingérence militaro-politique active des Etats-Unis et l’aggravation de la situation en Amérique centrale, notamment au Nicaragua, au Guatemala, au Panama et dans d’autres Etats de la région. Le marché commun centraméricain destiné à résister à l’influence de Cuba révolutionnaire cesse de fonctionner pour vingt ans. L’Amérique centrale est un polygone de confrontation géopolitique des forces opposées », dit Victor Loukine.

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