Est-ce l'Europe qui a besoin du gaz russe? Ou est-ce la Russie qui a besoin du marché européen pour écouler son gaz? Les experts russes et allemands ont tenté d'élucider ce mercredi qui a plus besoin de qui. En dépit de toutes les contradictions, les deux cotés sont arrivés à la conclusion qu'ils ont vraiment besoin l'un de l'autre et qu’il est important de poursuivre la coopération dans la sphère gazière.
En novembre la Russie va commencer à livrer le gaz naturel en Allemagne par le premier fil du gazoduc «Nord Stream». C’est un itinéraire tout à fait nouveau d’exportation du gaz naturel russe en Europe, qui contourne les pays de transit. Le gazoduc de 1220 km de long relie la ville russe de Vyborg à Greifswald en Allemagne, et passe sous la mer Baltique. La capacité de transport du premier fil représente approximativement 30 milliards de mètres cubes de gaz par an. Le volume de gaz fourni représente, selon les éstimations des spécialistes, l'équivalent annuel de production énergétique de toutes les centrales nucléaires allemandes. Et à la suite d'une série d'accidents à la centrale nucléaire japonaise Fukushima-1 au printemps dernier, un certain nombre d’Etats européens, dont l'Allemagne, ont décidé de renoncer complètement au nucléaire civil.
Cela voudrait dire que la demande en gaz naturel ne fera qu'augmenter. Selon les prévisions, d’ici à 10 ans, l’Europe aura besoin de 100 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz naturel, dont au moins un tiers sera importé de Russie. En même temps, les experts russes constatent que la Commission Européenne ordonne une stratégie de réduction de la part du gaz russe sur le marché du Vieux Continent. "Sinon comment expliquer les récentes inspections surprises dans les compagnies européennes, liées au consortium russe «Gazprom»?", s’interroge Konstantin Simonov, directeur général du Fonds de la sécurité énergétique nationale.
"En réalité l’Europe, en tant que grosse consommatrice du gaz, devrait avant tout penser à son approvisionnement pour les dix à vingt ans à venir. Au lieu de cela les pays de l'UE cherchent à faire en sorte que la Russie ait une part moindre dans les livraisons du gaz".
Les homologues européens appellent ce processus "la diversification des livraisons". Pour eux, il est important d’assurer la sécurité énergétique, et c’est une raison pour eux de soutenir notamment l’exploitation des gisements de gaz de schiste en Pologne, maintenir la prospection des gisements de petrole sur le plateau continental en mer du Nord, et soutenir la construction du gazoduc «Nabucco». En même temps les européens se montrent plutôt sceptiques quant à la réalisation du projet «South Stream» par Gazprom.
Il a fallu de longues années à la Russie pour prouver qu’elle est un fournisseur sûr et veut le rester à l’avenir, en couvrant une bonne partie des besoins du continent européen en gaz naturel. A condition, bien entendu, que les fonctionnaires bruxellois finissent par comprendre que l’Europe et la Russie ne pourront se passer l'un de l'autre.