Le sommet de pays participant au programme « Partenariat oriental », prévu en Pologne fin septembre, a toutes les chances de torner en scandale. Proposé en 2008 par le ministère polonais des AE avec l’appui de la Suède, ce projet vise à promouvoir la coopération de l’UE avec six Etats dans l’espace postsoviétique – Ukraine, Bélarus, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie. Mais en ce moment des doutes s’accentuent en UE quant à sa capacité de « digérer », dans l’état où elle se trouve, encore un programme d’intégration. Et aussi les pays concernés correspondent-ils ne serait-ce qu’à un minimum des critères européens requis?
Ni à Varsovie, ni à Bruxelles on n’a jamais caché que l’Ukraine était un maillon clé du programme « Partenariat oriental ». La position stratégique unique de ce pays lui permet d’être à la fois un pont et une zone tampon entre l’UE et la Russie.
Ces temps-ci l’UE ne fait pas l’unanimité concernant les perspectives de l’intégration de l’Ukraine et au sujet de ce qui se passe aujourd’hui dans ce pays.
A part des questions purement procédurales de développement du partenariat entre Bruxelles et Kiev le document sur l’association, proposé par deux hommes politiques polonais, prévoit à la fois la signature d’un accord sur l’aménagement d’une zone de libre échange entre l’UE et l’Ukraine. Varsovie y attache une importance clé dans sa politique ukrainienne. Une telle zone devra enterrer définitivement les perspectives de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union douanière de Russie, Bélarus et du Kazakhstan, détachera Kiev de Moscou tout en rattachant solidement l’économie ukrainienne à l’espace monétaire et douanier de l’UE.
Une série d’atouts dans le jeu ukrainien de Varsovie ne jouent plus. La mise en service du gazoduc « Nord Stream » prive Kiev de possibilité de réguler le transit des hydrocarbures et de s’imposer en garant de la sécurité énergétique de l’Europe. Dans la situation présentée il est plus avantageux et naturel à l’UE d’affermir le partenariat énergétique avec la Russie et non avec l’Ukraine, ce que font déjà l’Allemagne, la France et l’Italie. Un autre facteur important touche les états d’esprit de la population en Europe même.
« La population, la société civile dans les Etats européens se montrent méfiantes envers le pouvoir. Surtout sur fond de crise financière et économique qui s’accentue en Europe. Les contribuables réclament à leurs gouvernements et à la direction d l’UE des comptes-rendus pour savoir ce qu’ils font pour alléger la situation de leurs propres citoyens, et non comment ils cherchent à financer des pays comme l’Ukraine, le Bélarus ou encore la Géorgie », dit le chef de la section de sécurité européenne à l’Institut de l’Europe auprès de l’Académie russe des sciences Dmitri Danilov.
Nombre de pays membres de l’UE, dont la France, expriment déjà publiquement leur scepticisme concernant un rapprochement avec Kiev. Ainsi, le chef de la diplomatie française Alain Juppé considère qu’en son état actuel l’Ukraine n’est pas prête à prétendre à adhérer à l’UE. La division s’accentue aussi sur la scène politique ukrainienne. En prévision du prochain sommet du « Partenariat oriental » Varsovie n’est pas donc en position d’être enviée. Le « gambit ukrainien » peut s’avérer perdant.