Un cinéma libéré

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La galerie d’art contemporain « Vinzavod » populaire à Moscou a consacré ce premier mois d’automne au cinéma avec la projection des films mis au placard à l’époque soviétique. Le festival a pour nom « Le cinéma sorti du placard!

La galerie d’art contemporain « Vinzavod » populaire à Moscou a consacré ce premier mois d’automne au cinéma avec la projection des films mis au placard à l’époque soviétique. Le festival a pour nom « Le cinéma sorti du placard! » et se déroule du 29 août au 20 septembre.

L’expression « mettre le film au placard » est née à l’époque soviétique. C’est là-bas au fond du placard qu’étaient expédiées les créations des plus grands réalisateurs de renommée internationale qui pour une raison ou une autre ont déplu aux idéologues officiels. Seuls quelques-uns de ces films sont restés intacts au fond du placard, alors que dans la majorité des cas ils étaient complètement remaniés ou tout simplement détruits. Même les réalisations de Sergueï Eisenstein, auteur du célèbre « Cuirassier Potemkine » faisant partie du top dix des mielleurs films de tous les temps et de tous les peuples, n’ont pas été épargnées par ce triste sort.

Le Festival présente deux films « mis au placard » signés Sergueï Eisenstein. Le premier a pour titre « La Prairie Béjine », le nom emprunté au clasique de la littérature russe Ivan Tourguenev qui a écrit une série de nouvelles sur la vie des paysans avec la nature russe pour toile de fond. Les beautés de la nature jouent également un grand rôle dans le film d’Eisenstein sauf que le réalisateur a placé dans ce milieu traditionnel pour l’art russe le sujet pris au coeur de la modernité. C’est une histoire qui raconte la campagne de collectivisation lancée par le pouvoir soviétique dans les années 1920-1930, quand les paysans étaient enrôlés de force dans les soi-disant kolkhozes ou coopératives agricoles. Ce processus historique avait ses « héros » comme l’écolier Pavlik Morozov qui a dénoncé son père, adversaire de la collectivisation et du pouvoir soviétique. Et pourtant, malgré ce sujet idéologiquement correct, le film a été soumis à une critique foudroyante et ses deux versions ont été détruites.

Naoum Kleiman, éminent historien du cinéma n’a pu recréer que la version photographique du film en recollant morceau par morceau les séquences laissées de côté pendant le montage.

« Dans un certain sens, c’est une fantaisie qui s’inspire du sujet du film qu’il était impossible de restituer en mouvement. Or, il s’est avéré que la progression d’une image à l’autre même statique, était aussi importante que le mouvement à l’intérieur de chaque image pour appréhander la conception artistique de l’auteur. Nous avons compris que le film ne chantait pas de louanges à Pavlik Morozov et ne pêchait pas par le formalisme et le mysticisme que lui prêtait la propagande officielle. C’est un récit de la tragédie de la paysannerie russe à la rupture de deux époques, l’histoire de deux générations – le père et le fils, qui se retrouvent de part et d’autre de cette rupture historique et périssent tous les deux. C’est par ailleurs une des plus grandes tragédies incarnées par le cinéma du XXème siècle, celui du sacrifice humain exigé par le nouveau régime », raconte M. Kleiman.

« Dans le deuxième film, - continue Naoum Kleiman, - Eisenstein pointe du doigt Joseph Staline comme responsable de ce sacrifice ». L’expert parle du deuxième épisode du film « Ivan le Terrible », le tsar russe du XVIème siècle entré dans l’histoure comme un tyran sanglant.

« Dans ce fim Eisenstein avait pour la première fois ouvertement dit à Staline que la tyrannie était aussi pernicieuse pour le pays dans son ensemble que pour le tyran lui-même, - affirme Naoum Kleiman. – C’est la tragédie d’anéantissement parce que le pouvoir concentré entre les mains d’un seul homme tourne en suspicion, paranoïa, massacres des innocents et aboutit finalement à la perte du pays ».

Staline avait sans doute senti ce que voulait dire le réalisateur parce qu’il a interdit la distribution de ce film qui est resté au placard pendant 12 ans, jusqu’à 1958. C’est un véritable chef-d’oeuvre du point de vue artistique bien que de nombreux historiens lui fassent des griefs et lui reprochent de s’écarter des faits réels. Ce n’est pas un hasard si à peine sorti à l’écran « Ivan le Terrible » a été immédiatement sacré un des dix meilleurs films du monde et le reste toujours.

© © Photo: winzavod.ru
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