La Culture et les Arts 07.09.2011

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La Culture et les Arts 07.09.2011 - Sputnik Afrique
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Au sommaire:

-         Tchaïkovski ouvre la marche

-         Le Musée d’un tableau de la ville de Penza

-         Elena Obraztsova lance un concours honnête et démocratique

-         Un cinéma libéré

          

Tchaïkovski ouvre la marche

La première Académie internationale de musique contemporaine organisée en Russie a commencé sa première session entre 26 août et 10 septembre dans la ville au nom prédestiné de Tchaïkovski. C’est une des plus jeunes villes de la région ouralienne de Perm située à une quarantaine de kilomètres de Votkinsk, pays d’origine du grand compositeur russe.

« Que nous ayons décidé de tenir ici les sessions de notre Académie, n’a rien d’un hasard », - affirme dans l’interview à la « Voix de la Russie » l’organisatrice de cette action et directrice de l’Ensemble de musique contemporaine de Moscou Victoria Korchounova.

« Si la musique contemporaine est la bienvenue dans la ville de Tchaïkovski, c’est sans doute parce que ses habitants se sentent investis d’une certaine responsabilité associée à son nom. On y organise des concours de compositeurs et les gens manifestent un tel respect à l’égard des compositeurs contemporains que nous en avons été littéralement subjugués après avoir visité cette ville ll y a quatre ans. Ce n’est pas pour rien qu’on dit que « le nom qu’on donne au navire en détermine le sort ». Notre ensemble a une très riche expérience des voyages à travers la Russie, - continue Victoria Korchounova. – Ces voyages nous ont permis de faire quelques conclusions décevantes à savoir qu’étant donné l’énormité des distances tous les jeunes compositeurs de talent n’ont pas la possibilité de venir à Moscou pour assister aux concerts ou suivre une formation auprès des professeurs de renom. C’est pour cette raison qu’en créant l’Académie nous avons fixé pour priorité de porter en province les événements qui ont généralement lieu dans les capitales ».

12 étudiants dont la moitié représente les différentes villes russes et l’autre moitié la France, la Grande Bretagne, le Canada, l’Australie, l’Italie et la Suède, profiteront de deux semaines passées dans la ville de Tchaïkovski dans un bel environnement naturel pour se perfectionner et affiner leurs talents dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler le workshop. Il s’agit en fait des cours qui supposent que leurs participants font le maximum pour s’instruire et lier des contacts avec leurs collègues. La direction de l’Académie est également assurée par des maîtres comme l’Italien Pierluigi Billone et le Français Frank Bedrossian.

« Cette filière de formation des jeunes compositeurs est une des plus productives », - assure Victoria Korchounova et ajoute que les oeuvres qu’ils créeront pendant la session de l’Académie seront interprétées à Tchaïkovski, dans la ville de Perm qui est le chef-lieu de la région, et à Moscou. « Nous ne sommes pas en mesure de prédire ce que deviendront par la suite les jeunes auteurs », - précise Victoria Korchounova.

Madame Korchounova estime que la notoriété d’un artiste tient à de nombreux facteurs. Il y a, bien entendu, l’élément de chance mais le plus grand problème qui avait existé de tout temps et existe toujours, consiste à trouver dans le domaine de la musique où tout semble avoir déjà été expérimenté, son propre style inédit et reconnaissable. « Il faut surtout éviter de dramatiser la situation », - dit Victoria Korchounova en notant que ces derniers temps on entend de plus en plus souvent dire que la musique contemporaine ne s’adresse pas à un public de masse. Mais il s’agit par définition d’un art qui s’adresse à un public d’initiés puisque le compositeur contemporain est souvent en avance sur son temps et travaille pour les générations futures.

Le Museé d’un tableau de la ville de Penza

Le Musée d’un tableau qui existe depuis près de 30 ans dans la ville russe de Penza occupe la troisième place dans le classement des musées les plus intéressants du monde établi par le magazine « Forbes ».

Ville historique, Penza a été fondée dans la région de la Volga comme place forte destinées à protéger l’Etat de Moscou du Sud-Est. Certes, la ville ne joue plus ce rôle depuis des lustres et son blason s’orne de gerbes d’épis dorés ce qui montre bien que c’est le centre d’une région agricole. Par ailleurs, la ville compte également des entreprises de pointe, c’est l’unique endroit en Russie où on fabrique, par exemple, des valves cardiaques. Il s’agit là d’un produit vraiment unique!

Le musée d’un tableau est un projet aussi unique qui existe depuis 1983 dans la vie culturelle de cette ville. Les expositions d’une seule oeuvre sont périodiquement organisées dans le monde, il existe des galeries et des studios qui n’exposent qu’un seul tableau ou une seule statue, mais il n’existe point de musées semblables, notent les experts de « Forbes ».

Photo: www.penza.ru

L’histoire de ce musée a également de quoi surprendre. Il a été créé à l’époque soviétique à l’initiative du fonctionnaire du parti Georg Miassnikov qui était un des dirigeants de la région de Penza. Historien de formation, il était un homme très érudit et doté de fantaisie créatrice. Un jour, après avoir visité un grand vernissage à Moscou où, selon son expression « les tableaux défilaient devant les yeux comme une sorte de kaléidoscope multicolore au point qu’il était très difficile de se concentrer sur une oeuvre particulière », il a décidé qu’il fallait fonder le musée où serait exposé un seul tableau. En revanche, ce serait l’occasion d’évoquer dans le plus grand détail l’histoire de sa création et le destin de l’artiste. Cette idée a été mise en oeuvre par le critique d’art Valeri Sazonov, actuellement directeur de la galerie de peintures de Penza.

« Les billets se vendaient dès le début deux mois à l’avance et le musée était un centre d’attraction pour les délégations et les hôtes de la ville. Il est vrai que par rapport à la façon d’exposer les tableaux que nous pratiquons maintenant, ce n’était au commencement qu’une forme d’éducation à l’art ».

Alors que maintenant... La séance dure 45 minutes et on montre d’abord aux spectateurs (plus de 400 000 depuis l’ouverture du musée) un film vidéo consacré à l’oeuvre de l’auteur du tableau, à son époque et à l’histoire de sa création. Ces films se créent chaque fois avec la participation des meilleurs critiques d’art, culturologues et artistes russes. Ce n’est qu’après cette partie découverte que le rideau monte et les spectateurs peuvent voir le tableau en question. L’exposition ne change pas souvent et certains tableaux « habitent » le musée pendant 2 à 3 mois et même pendant un an ou deux. La ville de Penza avait accueilli des chefs-d’œuvre venus de la Galerie Tretiakov de Moscou, de l’Ermitage et du Musée Russe de Saint-Pétersbourg. Il s’agissait des tableaux des grands Titien et Rembrandt, comme « Le Portrait de jeune femme » de Titien. Il y a eu également des tableaux historiques et de genre, des paysages et des portraits des peintres classiques russes, comme « La Prise du château de neige » de Sourikov, « Les Fiançailles du commandant » de Sourikov et « Le Bosquet de pins » de Chichkine.

Le musée de Penza figure sur la liste de « Forbes » à côté du Musée italien du Saint-Suaire à Turin, du Musée américain de la Cloche de la Liberté, du Musée français du Wagon du Maréchal Foch et de quelques autres collections artistiques réputées pour leur originalité.

Elena Obraztsova lance un concours honnête et démocratique

La huitième édition du Concours international des jeunes chanteurs d’opéra organisée à Saint-Pétersbourg par la grande chanteuse russe Elena Obraztsova s’est ouverte le 29 août par le concert dédié à la mémoire de Joan Sutherland, diva de l’opéra mondial qui s’est éteinte il y a un an. De même que les autres grands solistes d’opéra, elle faisait partie du jury du concours de Saint-Pétersbourg. Sa place parmi les arbitres est désormais occupée par son époux, le chef d’orchestre australien Richard Boning. A la cérémonie d’ouverture, le maître Boning s’est mis devant son pupitre pour accompagner les lauréats des années passées.

« Surtout n’imitez personne et laissez éclater votre individualité et votre âme », - disait aux partcipants Elena Obraztsova à la veille du concours. Il y a 97 participans en tout, venus à Saint-Pétersbourg d’Europe, d’Asie et d’Amérique sans aucune audition préliminaire, pas plus que de sélection en fonction des enregistrements envoyés d’avance. Voici l’explication qu’en donne Elena Obraztsova: « Les gens fortunés peuvent faire un bon enregistrement pour leur fifille médiocre, alors qu’une personne de talent peut manquer d’argent pour faire un enregistrement de qualité. Alors cette année j’ai décidé de les écouter tous chanter de vive voix pour que tout se passe honnêtement et objectivement ».

Photo: www.obraztsova.org

« Si j’ai renoncé aux auditions préliminaires et enregistrements, c’est pour donner à notre concours un caractère démocratique. Tous ceux qui souhaitent y prendre part peuvent venir librement et sous couvert d’anonymat. Nous ne savons rien sur les participants à tel point que nous ignorons d’où ils viennent et n’avons aucune connaissance de leurs parcours professionnels et des récompenses éventuelles. Notre jury se compose de vrais professionnels! Nous avons eu dans le temps pour arbitres les grandes chanteuses comme Fedora Barbieri, Joan Sutherland et Renata Scotto. De cette façon, le jugement que nous portons sur les participants est un jugement de professionnels. Alors tous les gagnants du concours ont des engagements en Occident et en Russie. Le fait d’être bien noté par des chanteurs de rayonnement international joue certainement un grand rôle dans leur carrière. Nous avons également incorporé au jury un certain nombre de managers qui « achètent immédiatement les solistes et les saisissent pour ainsi dire « au vol ».

Le jury du concours de Elena Obraztsova se compose cette année des célébrités comme Teresa Bergaza (Espagne), Giuseppe Sabbatini (Italie) et Keiko Koizumi (Japon). Le programme couvre pratiquement tous les styles et toutes les époques – depuis les airs baroques jusqu’aux « hits » d’opéra  des XIXème et XXème siècles. Toutefois, et c’est la nouveauté du concours de cette année, les jeunes chanteurs sont libres à choisir eux-mêmes les morceaux qu’ils souhaitent interpréter. Un autre détail intéressant: au troisième tour les finalistes devront se produire non seulement en solo mais encore en duo avec des chanteurs des théâtres lyriques de Saint-Pétersbourg. Et enfin à la veille de la finale, les participants qui n’ont pas été admis au troisième tour se rencontrent avec les membres du jury qui commentent leurs prestations et formulent des recommandations concrètes. Cette particularité du concours déjà devenue traditionnelle le distingue des autres compétitions créatrices du même genre.

Photo: www.timeout.ru

Le gagnant du concours recevra le Grand Prix doté de 12 000 dollars et pourra probablement faire le parcours aussi brillant que celui d’Ildar Abdrazakov, le soliste de l’opéra Mariïnski qui est invité par les meilleurs opéras du monde.

Un cinéma libéré

La galerie d’art contemporain « Vinzavod » populaire à Moscou a consacré ce premier mois d’automne au cinéma avec la projection des films mis au placard à l’époque soviétique. Le festival a pour nom « Le cinéma sorti du placard! » et se déroule du 29 août au 20 septembre.

L’expression « mettre le film au placard » est née à l’époque soviétique. C’est là-bas au fond du placard qu’étaient expédiées les créations des plus grands réalisateurs de renommée internationale qui pour une raison ou une autre ont déplu aux idéologues officiels. Seuls quelques-uns de ces films sont restés intacts au fond du placard, alors que dans la majorité des cas ils étaient complètement remaniés ou tout simplement détruits. Même les réalisations de Sergueï Eisenstein, auteur du célèbre « Cuirassier Potemkine » faisant partie du top dix des mielleurs films de tous les temps et de tous les peuples, n’ont pas été épargnées par ce triste sort.

Le Festival présente deux films « mis au placard » signés Sergueï Eisenstein. Le premier a pour titre « La Prairie Béjine », le nom emprunté au clasique de la littérature russe Ivan Tourguenev qui a écrit une série de nouvelles sur la vie des paysans avec la nature russe pour toile de fond. Les beautés de la nature jouent également un grand rôle dans le film d’Eisenstein sauf que le réalisateur a placé dans ce milieu traditionnel pour l’art russe le sujet pris au coeur de la modernité. C’est une histoire qui raconte la campagne de collectivisation lancée par le pouvoir soviétique dans les années 1920-1930, quand les paysans étaient enrôlés de force dans les soi-disant kolkhozes ou coopératives agricoles. Ce processus historique avait ses « héros » comme l’écolier Pavlik Morozov qui a dénoncé son père, adversaire de la collectivisation et du pouvoir soviétique. Et pourtant, malgré ce sujet idéologiquement correct, le film a été soumis à une critique foudroyante et ses deux versions ont été détruites.

Naoum Kleiman, éminent historien du cinéma n’a pu recréer que la version photographique du film en recollant morceau par morceau les séquences laissées de côté pendant le montage.

« Dans un certain sens, c’est une fantaisie qui s’inspire du sujet du film qu’il était impossible de restituer en mouvement. Or, il s’est avéré que la progression d’une image à l’autre même statique, était aussi importante que le mouvement à l’intérieur de chaque image pour appréhander la conception artistique de l’auteur. Nous avons compris que le film ne chantait pas de louanges à Pavlik Morozov et ne pêchait pas par le formalisme et le mysticisme que lui prêtait la propagande officielle. C’est un récit de la tragédie de la paysannerie russe à la rupture de deux époques, l’histoire de deux générations – le père et le fils, qui se retrouvent de part et d’autre de cette rupture historique et périssent tous les deux. C’est par ailleurs une des plus grandes tragédies incarnées par le cinéma du XXème siècle, celui du sacrifice humain exigé par le nouveau régime », raconte M. Kleiman.

« Dans le deuxième film, - continue Naoum Kleiman, - Eisenstein pointe du doigt Joseph Staline comme responsable de ce sacrifice ». L’expert parle du deuxième épisode du film « Ivan le Terrible », le tsar russe du XVIème siècle entré dans l’histoure comme un tyran sanglant.

« Dans ce fim Eisenstein avait pour la première fois ouvertement dit à Staline que la tyrannie était aussi pernicieuse pour le pays dans son ensemble que pour le tyran lui-même, - affirme Naoum Kleiman. – C’est la tragédie d’anéantissement parce que le pouvoir concentré entre les mains d’un seul homme tourne en suspicion, paranoïa, massacres des innocents et aboutit finalement à la perte du pays ».

Staline avait sans doute senti ce que voulait dire le réalisateur parce qu’il a interdit la distribution de ce film qui est resté au placard pendant 12 ans, jusqu’à 1958. C’est un véritable chef-d’oeuvre du point de vue artistique bien que de nombreux historiens lui fassent des griefs et lui reprochent de s’écarter des faits réels. Ce n’est pas un hasard si à peine sorti à l’écran « Ivan le Terrible » a été immédiatement sacré un des dix meilleurs films du monde et le reste toujours.

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