« Il ne faut pas montrer sur la scène un fusil si personne n'a l'intention de s'en servir », écrivait le grand écrivain russe Anton Tchekhov très respecté en Europe et surtout en France. Mais Tchekhov a parlé du théâtre alors que ce n’est pas toujours vrai dans la vie…
Ce n’est pas par hasard qu’on a mentionné la France. Fin juillet Paris a avoué avoir largué des armes dans les montagnes de Djebel Nefoussa pour équiper les Berbères. Il ne s’agissait que d’armes légères destinées à se protéger contre les soldats de Kadhafi, faisaient savoir les militaires français. Mais c’était en fait des lance-grenades, des mitrailleuses et des missiles antichars filoguidés Milan, a affirmé le quotidien français « Le Figaro ». Ces armes ont été immédiatement employées. Et ce pas tout à faire à la manière de Tchekhov. Equipés par la France les Berbères n’ont pas tardé à déclarer la guerre à Kadhafi. Mais une partie non négligeable de ces armes est tombée entre les mains des Touareg qui sont les sympathisants du régime de Kadhafi. Ces « hommes bleus » surnommés ainsi d’après la couleur de leur chèche, se déplacent au Sahara dans les territoires malien, nigérian, algérien et libyen. Guerriers, excellents cavaliers et très bon tireurs, les Touareg se démarquent des populations sédentaires et ne sont pas très amis avec les autorités de pays du Sahel. Certains chefs Touareg mûrissent toujours le projet du Grand Etat saharien d’Azawad… Lorsqu’en février dernier la révolte a éclaté en Libye Mouammar Kadhafi a invité les Touareg maliens et nigérians à venir rejoindre les Touareg libyens en leur promettant l’asile après la victoire sur les insurgés. Mais au fur et à mesure que ces derniers progressaient et que la chute du régime de Kadhafi devenait une évidence, les Touareg venus du Mali et du Niger quittaient peu à peu la Libye pour rentrer chez eux en emportant des grandes quantités d’armes dont celles larguées par les avions français dans les montagnes de Djebel Nefoussa. Au moins 2 000 Touareg maliens et nigérians se trouveraient actuellement au nord du Mali. Leur présence de surcroît armée ne fait qu’accroître les tensions déjà très palpables entre certains clans Touareg et le gouvernement central de Bamako. La situation y est aujourd’hui très compliquée et compromet la stabilité de toute la région nord du Mali, a déclaré à la chaîne télé RFI Ibrahim Mohamed Ag Assaleh, le député du district de Gao. « Nous sommes super-inquiets de cette situation », a-t-il ajouté.
La situation est d’autant plus dangereuse que les Touareg, ces guerriers vaillants, coopèrent volontiers avec l’organisation terroriste « Al-Qaïda au Maghreb islamique » qui se sent à merveille dans ces régions peu peuplées et difficilement accessibles du Mali et du Niger. Les autorités de ces deux pays ainsi que celles de l’Algérie et de la Mauritanie, luttent contre « Al-Qaïda » mais sans beaucoup de succès. Armés jusqu’aux dents les Touareg revenus du champ de bataille en Libye pourront très bien s’allier à « Al-Qaïda » ce qui risque de créer de gros soucis non seulement pour le Sahel mais aussi pour tous les pays voisins. Les derniers événements au Nigéria ne font que démontrer que les mouvements islamiques extrémistes lèvent la tête.
La déstabilisation éventuelle du Sahel et la nécessité d’employer plus d’efforts dans la lutte contre l’extrémisme: c’est de cela qu’a parlé en mai dernier à Bamako le ministre des Affaires étrangères malien Soumeylou Boubèye Maïga lors de sa rencontre avec ses homologues de pays du Sahel et d’Algérie.
Les 7 et 8 septembre les représentants des pays du Sahel se réuniront en Algérie pour discuter d’éventuel danger émanant d’« Al-Qaïda au Maghreb islamique » mais aussi de la chute du régime libyen et des effets néfastes de celle-ci sur les pays voisins et les pays d’Afrique au sud du Sahara.